Rêverie sensible d’une « Marche Silencieuse »
Avec l’album, « Silent Walk », le guitariste Samuel Strouk signe un premier opus singulier et fort réussi. Aux frontières de plusieurs territoires musicaux se dessinent les frontières d’un monde sensible et délicat. Voyage onirique dans des paysages imaginaires.
Sortir un premier album est une chose. Le réussir en est une autre. Avec « Silent Walk » (Fo Féo Productions/Universal Music) paru le 06 octobre 2017, Samuel Strouk fait mouche sur les deux tableaux.
Il est vrai que cela ne tient en rien du hasard car Samuel Strouk est loin d’être un novice même si « A Silent Walk » est son premier disque. En effet, à 36 ans, Samuel Strouk est un guitariste, un compositeur, un arrangeur et un directeur musical déjà connu et réputé dans le milieu de la musique classique et des musiques improvisées (actuelles et traditionnelles).
On note sa participation en tant que guitariste et compositeur au projet « Carhabana » qui fusionne jazz cubain et jazz manouche ainsi que son travail de compositeur sur l’album « Est » du duo Vincent Peirani (accordéon)/François Salque (violoncelle) sans omettre son rôle de directeur artistique et arrangeur sur l’album « Cierra Tus Ojos… » de l’accordéoniste Daniel Mille qui rend hommage à Astor Piazzola.
Par ailleurs Samuel Strouk a composé « Poems » où se juxtaposent un orchestre à cordes et une rythmique pop, « La Saison Éternelle » pour orchestre, violon et violoncelle où se mêlent les langages de Vivaldi et de Piazzolla, « My Romantic Lebanon » qui met en avant un violon solo au sein d’un orchestre à cordes et d’un combo jazz.
Enfin on ne peut passer sous silence l’écriture du « Rêve de Maya » un double concerto pour violoncelle, accordéon et orchestre qui mêle jazz et musique classique. Créé en 2015 à Poitiers il a été présenté récemment à la Seine Musicale. Samuel Strouk assure par ailleurs la programmation du festival de jazz de Maisons-Laffitte qui a lieu tous les ans au mois de juin.
Après avoir participé à ces nombreux projets d’écriture classique et de musique improvisée, Samuel Strouk fait enfin le choix de réaliser un projet qui réunit tous ces univers et pour lequel il dit avoir écrit spécifiquement pour les instrumentistes de l’album. C’est ainsi qu’advient « Silent Walk » dont la pochette figurative illustrée par Stéphane Mane présente le guitariste sur fond bleu comme un rappel de la fameuse note bleue du jazz.
Pour son projet, le guitariste est entouré d’un quintet qui réunit l’accordéoniste Vincent Peirani, le violoncelliste François Salque, le contrebassiste Diego Imbert et le clarinettiste Florent Pujuila souvent à la clarinette basse.
« Silent Walk », une guitare traverse sept tableaux oniriques aux couleurs délicates. Sa « Marche Silencieuse » explore des palettes sonores sensibles et contrastées où lyrisme et romantisme ménagent de l’espace à la fureur et au silence.
Samuel Strouk engage l’auditeur à le suivre dans les sept étapes de sa « Marche Silencieuse ». Le voyage commence par une traversée sous tension des envoûtants paysages de Lands dont le thème lancinant et répétitif est repris par les instrumentistes jusqu’au paroxysme.
Conduits par le violoncelle, les musiciens invitent ensuite au souvenir sur Remember In. Le guitariste s’exprime avec une sensibilité pleine de mélancolie et rappelle la mélodie de Cierra Tus Ojos Escucha d’Astor Piazzolla. Le groupe continue sa marche dans la grisaille de Grey Street qui évoque la misère des « sans domicile fixe » de Paris. Accordéon, clarinette et contrebasse colorisent un climat tout en retenue et en nuances. Le guitariste déploie un jeu délicat et fait affleurer une douce émotion que le violoncelle relance à l’archet.
On pénètre sur la lande de Green B pour lequel l’auteur associe la couleur verte et la note B (si). Construit à partir de deux des thèmes principaux du double concerto pour violoncelle accordéon et orchestre, « Le rêve de Maya » de Samuel Strouk, ce morceau de onze minutes permet aux musiciens d’élaborer leur discours avec précision et de s’exprimer avec une grande liberté. Les improvisations des solistes se succèdent et dessinent des paysages empreints de nostalgie où le temps se trouve comme suspendu aux sonorités vibrantes des instruments. La trame romantique tissée gravement par le violoncelle croise des brumes évanescentes d’où émergent clarinette et accordéon avant que la guitare ne retrouve de nouveau le chemin de la lumière.
Les musiciens entrent alors sur un territoire de turbulences. Les instruments exubérants parcourent ensemble une certaine Zone out où la guitare enfiévrée électrise son discours et répète inlassablement le thème qui n’en finit plus de tourner jusqu’à devenir obsédant. Par bonheur on pénètre avec le trio guitare/accordina/violoncelle sur les terres pacifiées de Sister. Une ballade teintée des couleurs du spleen et dédiée à la sœur du guitariste. La complainte du violoncelle, les lignes mélodiques de l’accordina et les délicates notes de la guitare font régner un moment de calme bienveillant.
A l’aube, la marche se termine sur la terre de Dawn of Silence où la clarinette aux accents portaliens instaure une atmosphère mystérieuse. Les instruments unissent leurs expressions et le climat confine presque à l’angoisse avant de se résoudre dans un final étourdissant et rassurant.
« Silent Walk », une immersion dans les paysages imaginaires de Samuel Strouk où alternent moments contemplatifs et promenades mouvementées. Textures nuancées et sensibles d’un monde sonore tout en finesse qui surprend et émeut tour à tour.
Rendez-vous le lundi 27 novembre 2017 à 19h30 au Café de la Danse à Paris pour vivre en concert les atmosphères de « Silent Walk » avec Samuel Strouk (guitare), Vincent Peirani (accordéon), François Salque (violoncelle), Florent Pujuila (clarinette) et Diego Imbert (contrebasse).
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