Force vitale, liberté et inventivité.
Le fameux groupe « Saxophone Summit » présente « Street Talk », son quatrième opus. Le saxophoniste Greg Osby rejoint David Liebman, Joe Lovano et la superbe section rythmique inchangée depuis les débuts, avec Phil Markowitz, Cecil McBee, et Billy Hart. Généreux et exigeant, l’album rend hommage à l’esprit de la musique de Coltrane. Porteur d’une intense force vitale, il déclenche des frissons de joie et un plaisir inouï.
Comme sur les trois précédents disques, « Saxophone Summit » continue à célébrer l’esprit de la dernière période musicale du légendaire John Coltrane sur le puissant « Street Talk » (Enja Yellow Bird/L’autre Distribution) sorti le 18 octobre 2019.
Accompagnés par une section rythmique à la fois énergique et sensible, les saxophones de Dave Liebman, Joe Lovano et Greg Osby unissent la force de leurs chants et offrent une musique intense dont la puissance captive de bout en bout des huit plages de « Street Talk ». On est frappé par les traits nerveux du soprano de Dave Liebman, les lignes éthérées du ténor de Joe Lovano et les stridences de l’alto de Greg Osby. Un disque où s’incarnent à parts égales et pour le meilleur, liberté, virtuosité et inventivité.
« Saxophone Summit »
En 2004, le « Saxophone Summit » originel constitué de David Liebman, Joe Lovano et Michael Brecker a enregistré « Gathering Of Spirits » (Telarc). Après la mort de Michael Brecker (1949-2007) Ravi Coltrane à rejoint Liebman et Lovano et enregistré avec eux « Seraphic Light » (Telearc) en 2008 et « Visitation »(ArtistShare) sorti en 2014.
En 2019 sur « Street Talk », c’est au tour de l’icône du saxophone alto, Greg Osby, de rejoindre Lovano et Liebman. Inchangée depuis les débuts du groupe, la section rythmique réunit le pianiste Phil Markowitz, le contrebassiste Cecil McBee et le batteur Billy Hart. A l’affût derrière ses fûts et cymbales, Billy Hart diversifie son langage sans jamais se répéter, pilote la section rythmique qui propulse le flux des trois saxophonistes dont chacun possède un son unique et aisément identifiable.
Le répertoire
« L’influence que Coltrane a sur Sax Summit est vivante, mais on fait exprès de ne pas se faire définir ainsi. On garde bien son esprit et joue des morceaux qui vibrent et touchent, mais la musique est la nôtre – notre expérience collective. Nous avons trouvé un tronc commun en gardant notre individualité, unique à chacun de nous. » Dave Liebman.
Certes le groupe « Saxophone Summit » continue à célébrer l’esprit de la musique de John Coltrane et à restituer l’ambiance qui régnait sur les scènes de jazz de New-York à la fin des années 60 - début années 70. Par contre, pas question pour les familiers de l’univers de Coltrane que sont les membres de « Saxophone Summit », de réinterpréter son répertoire, ce qu’ils avaient partiellement fait au tout début de leur réunion mais déjà abandonné sur « Visitation ».
En 2019, « Saxophone Summit » présente « Street Talk » sur lequel le groupe fait le choix d’interpréter six compositions originales, une de chaque membre du groupe, auxquelles s’ajoutent une introduction et une fin librement improvisées par les seuls saxophones.
Impressions musicales
En préambule, les élucubrations sonores des trois saxophones ouvrent l’album par les salutations spontanées d’une Intro qui ne manque pas de piquant.
Le rôle crucial de la section rythmique frappe d’emblée sur Street Talk de Joe Lovano, enregistré sur « Landmark », son premier album sorti en 1990 chez Blue Note. Le pianiste butine les touches avec férocité alors que la contrebasse très réactive entre en résonance avec les cymbales de la batterie. Le titre restitue les échos d’une conversation qu’échangent les trois saxophones. Les riffs saccadés et véhéments du soprano tranchent avec la fluide énergie et le lyrisme chaleureux et intarissable du ténor. Ça joue, ça hurle… c’est inventif et vigoureux à souhait !
Sur Point, la composition de Phil Markowitz, s’installe un climat étrange ponctué de paroxysmes. Ce titre donne à saisir la précision et la solidité de la section rythmique qui laisse toute latitude aux solistes pour s’exprimer. Le soprano impétueux s’élance, l’alto musclé et le ténor épais entreprennent un dialogue tendu qui inspire au piano organique un expressif chorus.
A capella, le léger et presque vaporeux soprano ouvre le superbe Loudly de Dave Liebman qui enflamme ensuite lui-même sa composition par une improvisation ancrée dans l’univers coltranien. Le ténor à la sonorité détimbrée entretient ensuite le feu avec un lyrisme débridé qui inspire le piano. Du grand art orchestral qui regarde quelque peu du côté de chez Duke. La sonorité profonde et chaleureuse de la contrebasse élégante introduit le lumineux A Portrait composé par Cecil McBee. Le soprano s’envole dans un swing au tempo décalé, le ténor brille par sa fluidité et le piano par son éclat. Lorsque les trois saxophones se retrouvent pour terminer, c’est saisissant et presque vertigineux.
Composé par Greg Osby, Carousel, développe une écriture musicale subtile, contrastée, voire cinématographique avec une ouverture où piano et alto dialoguent en toute liberté. Après un riff de contrebasse et des éclats de cymbales, les trois saxophones entremêlent leurs discours avec emphase et installent un climat qui suggère le tournoiement d’un imprévisible manège.
C’est ensuite au tour de Billy Hart d’ouvrir sa composition Tolli’s Dance, arrangée par Dave Liebman. La sonorité épaisse de la batterie aux rythmes croisés introduit la mélodie que ténor, alto et soprano exposent en contrepoint. L’alto se lance dans un chorus aérien et limpide et introduit une improvisation précise de la contrebasse qui se love entre les pointillés que les baguettes esquissent sur les cymbales.
Après l’équilibre presque parfait de Tolli’s Dance, les trois saxophones se retrouvent sur Outro, en guise d’au revoir singulier qui boucle l’album en écho au bonjour de l’Intro.
Sur « Street Talk », tout est invention, point de surcharge, point de redite. Les trois saxophones, le piano, la contrebasse et la batterie ne cessent de se réinventer. Délicate ou féroce, la section rythmique de « Saxophone Summit » offre aux soufflants un espace de liberté très ouvert et propice à d’effervescentes explosions ou à de lyriques envolées. Un album généreux et exigeant irrigué d’une intense force vitale. A écouter sans modération !
« Martial Solal : une vie à l’improviste » par Vincent Sorel
Le 10 octobre 2024, Vincent Sorel publie « Martial Solal : une vie à l’improviste », un roman graphique dédié à Martial Solal. Publié aux Editions du Layeur, ce superbe ouvrage rend hommage au célèbre pianiste décédé le 11 décembre 2024.
Le pianiste, compositeur et arrangeur Martial Solal est mort
Le 11 décembre 2024, le pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Martial Solal est mort à l’âge de 97 ans. Le monde de la musique est en deuil et pleure la disparition de ce prodigieux artiste considéré comme un maître de l’improvisation. Son empreinte demeure à jamais inscrite dans l’univers du jazz français et international.
« Looking Back », le swing enchanteur de Scott Hamilton
Le saxophoniste ténor américain Scott Hamilton célèbre ses 70 ans avec « Looking Back ». Sa sonorité patinée semble venue d’un autre temps, celui des big-bands des années 30 à l’époque où est né le « jazz swing ». Ancré dans la plus pure tradition de ce style, Scott Hamilton swingue avec aisance et élégance. Un enchantement dont on ne se lasse pas.