Fusion musicale sensible
Robin McKelle présente « Alterations », un huitième album consacré à la reprise de chansons popularisées par des artistes féminines. Sa démarche s’inscrit dans l’histoire du jazz où les standards réinterprétés à l’envi n’en finissent pas d’être recréés. Dans cette dynamique, la chanteuse modifie le cadre originel des morceaux, son chant revisite le contexte musical et les titres prennent de nouvelles couleurs. Avec musicalité et sensibilité, elle fusionne de nombreux genres dans sa musique. Une belle réussite !
Après « Melodic Canvas » (2018) à l’esthétique acoustique et plutôt minimaliste, la chanteuse Robin McKelle revient en force avec « Alterations » (Membran/Sony), un opus qui redonne vie à des reprises de chansons inscrites dans la mémoire collective par des interprètes féminines. Enregistré à New-York avec une équipe de musiciens accomplis, l’album est annoncé pour le 14 février 2020.
Dans son acception la plus générale, le terme alteration est associé à l’idée de changement, de modification. Dans le langage musical, une altération augmente ou diminue une note d’un demi-ton. En nommant son album « Alteration », Robin McKelle annonce ainsi clairement que sa démarche procède de cette logique de variation. En effet, elle sort les chansons de leur cadre habituel, en modifie la forme et leur donne un nouveau corps via un habillage musical différent tout en respectant le cristal de leur essence originelle principalement sous-tendu par le texte.
Aux neuf chansons dont les années d’origine s’étalent entre 1956 et 2011, Robin McKelle ajoute Head High, une superbe composition personnelle qui honore la mémoire de ces artistes.
« Alterations est un hommage à ces femmes qui ont changé ma vie… à des chansons qui m’ont fait trembler. Il m’a fallu un immense courage pour rendre miennes les sculptures sonores parfaites de ces artistes que j’admire autant pour leur musique que pour leur parcours. Poser mon empreinte sur celle laissée par Amy Winehouse ou Joni Mitchell n’aurait pas été possible avant… ». Robin McKelle
« Alterations » met en valeur les chansons de différents genres, de diverses époques qu’ont popularisé des femmes célèbres de Billie Holiday à Amy Winehouse, en passant par Dolly Parton, Janis Joplin, Sade, Carole King, Adele et Lana Del Rey. Par la force et la grâce de sa voix de contralto, tantôt suave et sensible, tantôt rugueuse et éraillée mais toujours fort expressive, Robin McKelle décontextualise les morceaux de leur cadre d’origine et les restitue dans un idiome musical sensible qui fusionne jazz, soul, rythm’n blues, blues et rock.
De « Introducing Robin McKelle » à « Alterations »
De 2006 à 2018, huit albums
Née à Rochester aux Etats-Unis en 1976, Robin McKelle a étudié le jazz à l’Université de Miami puis au Berklee College of Music de Boston d’où elle sort diplômée. Elle entame ensuite sa carrière comme pianiste et choriste au début des années 2000. En 2004 elle est récompensée du troisième prix du concours Thelonious Monk Jazz Competition de Washington. Elle intègre alors le Boston Pops Orchestra comme soliste.
Après un album auto-produit « Never Let Me Go » (2000), la chanteuse enregistre « Introducing Robin McKelle » (2006) et « Modern Antique » (2008), ses deux premiers albums où elle reprend des standards de jazz et de rythm’n blues des années 40 et se produit accompagnée par un big band. Après « Mess Around » (2010) entre rythm’n blues, jazz et soul, elle sort avec son sextet The Flystones « Soul Flower » (2012) et « Heart Of Memphis » (2014), deux albums imprégnés d’influences soul et funk puis « Merry Christmas Vol 1 » (2014), un EP de trois titres consacrés aux chants de Noël.
C’est ensuite la sortie de « The Looking Glass » (2016), un opus aux échos raffinés de pop-soul-jazz et « Melodic Canvas » (2018) un album plus intime où jazz et soul cohabitent.
En 2020, « Alterations »
Dans un premier temps, Robin McKelle a sélectionné deux cents chansons puis par élimination a retenu neuf titres auxquels elle ajoute Head High, une composition personnelle.
Elle enregistre l’album « Alterations » à New-York avec un quartet de musiciens accomplis qui réunit le pianiste américain Shedrick Mitchell, aussi à l’orgue et au Fender Rhodes, le bassiste Richie Goods, ancien élève de Ron Carter et Ray Brown, le batteur Charles Haynes présent aux côtés de Lady Gaga ou Kanye West mais aussi immergé dans le jazz et le guitariste Nir Felder, qu’on a vu s’aventurer sur les territoires d’Esperanza Spalding, Jack DeJohnette ou Meshell Ndegeocello. Le groupe est renforcé par le saxophoniste ténor Keith Loftis qui les rejoint sur Head High et le trompettiste Marquis Hill sur Born to die.
Chaque plage propose un univers différent et pourtant l’ambiance globale de l’album restitue une impression d’unité, de cohérence. Cet état de fait résulte en grande partie de la qualité des arrangements qui assurent une sorte de continuum dans la musique, qu’il s’agisse de jazz, de soul, de rythm’n blues ou de blues. Ainsi les transitions d’un titre à un autre s’opèrent avec un grand naturel et dans une continuité qui évite tout télescopage esthétique. Au final, le plaisir de l’écoute est constant.
Au fil des titres
On se laisse convaincre par l’expressivité poignante de la voix de Robin McKelle sur Back to Back d’Amy Winehouse. Elle transforme la chanson d’amour en une mélodie mélancolique aux couleurs afro-latines. La voix se love entre orgue, percussions et cymbales, exit la noirceur, place à une lumière feutrée. C’est ensuite un lifting délicat que la chanteuse réserve au tube Rolling In The Deep qu’interprétait Adele. Gorgée d’énergie, la voix se promène entre soul et jazz et le court chorus bluesy de la guitare est exaltant.
Avec sa composition, Head High, on plonge dans l’idiome hard bop. La voix groovy et pétillante évoque le souvenir de Betty Carter, le ténor se fait impétueux et le morceau devient frénétique à souhait. Un pur moment de bonheur !
Hommage sensible à Billy Holiday, Don’t Explain développe un chant gorgé d’affliction dont la dimension dramatique rejoint celle du titre original. L’arrangement musical subtil, le solo inspiré de contrebasse et les chœurs qui doublent le chant ajoutent à la dimension intime de ce morceau. Plus tard c’est une relecture sentimentale que la chanteuse donne de la romance pop Born To Die qu’a chanté Lana Del Re. La trompette bouchée magnifie la douceur exquise de cette ballade que délivre la voix suave aux mille nuances.
Plus loin, Robin McKelle insuffle un groove funk et galvanisant au thème qu’interprétait Dolly Parton. Jolene se trouve ainsi métamorphosé et électrisé par les soli des instrumentistes et la voix rocailleuse qu’adopte la chanteuse. Imprégnée d’une forte charge émotionnelle, la voix rafraîchit ensuite River, la composition de Joni Mitchell qu’illumine un chorus de guitare inspiré et touchant. Plus tard, sur la chanson de Sade, No Ordinary Love, le chant alterne entre ballade et accents latins alors que le solo tendu de la guitare pousse le morceau et la voix vers une transe irrésistible.
Mercedes Benz, l’hymne solo que proclamait Janis Joplin, devient un cantique aux accents de gospel. La voix déchirante de Robin McKelle inspire à la guitare une intervention blues-rock qui enflamme les tympans. Une version intense et profondément soul à réécouter en boucle. L’album se termine par un duo sensible entre la voix et le piano qui reprennent la chanson de Carole King, You’ve Got A Friend.
Libre à chacun(e) de préférer les versions originales mais nul(le) ne peut dénier à Robin McKelle de s’être approprié de manière très personnelle ces succès internationaux qu’elle a repris avec brio. Sa voix souple et sensible pose avec légèreté et détermination des accents jazz, soul ou blues sur ces chansons populaires qu’elle habille de nouvelles couleurs et interprète avec un talent infini.
Pour s’immerger dans l’univers musical de l’album « Alterations » et retrouver Robin McKelle, plusieurs concerts se profilent. RV le 05 mars 2020 au Théâtre de Cambrai, le 07 mars 2020 à Dreux dans le cadre de Jazz de Mars, le 13 mars 2020 à Wissous au St-Ex, le 14 mars 2020 à Montbrison au Théâtre des Pénitents, les 16 & 17 mars 2020 à Paris au New Morning, le 26 mars 2020 dans le cadre du festival de Jazz International de Megève, le 15 avril 2020 à Colmar, salle des Catherinettes et le 20 mai 2020 au Théâtre National de Nice. ICI pour consulter l’ensemble des dates de concert.
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