« Pensées Rotatives » de Théo Girard

« Pensées Rotatives » de Théo Girard

Tout est en mouvement… ça tourne rond !

Pour ses « Pensée Rotatives », le contrebassiste et compositeur Théo Girard est entouré du batteur Sebastian Rochford et du trompettiste Antoine Berjeaut. Autour d’eux, son Grand Ensemble, une couronne de douze soufflants. Enregistré sous le chapiteau du festival Jazz sous les Pommiers à Coutances, l’album restitue une musique en mouvement où foisonnent les notes. Entre les oreilles, ça tourne rond ! Un opus hypnotisant à écouter au casque pour s’enivrer sans risque.

visuel de l'album Pensées Rotatives de Théo GirardEnregistré en public le 31 mai 2019 à Coutances lors de la 39e édition de Jazz sous les Pommiers, l’album « Pensées Rotatives » du Grand Ensemble de Théo Girard sort sous le label indépendant Discobole Records que le contrebassiste a cofondé il y a 10 ans avec Stéphane Hoareau devenu co-directeur artistique et label manager.

Après s’être exprimé avec Bratsch, Macha Gharibian, Trans Kabar ou Le Deal, le contrebassiste français Théo Girard s’entoure, pour son projet « Pensées Rotatives », du batteur Sebastian Rochford et du trompettiste Antoine Berjeaut et de douze fougueux soufflants.

Annoncé pour le 05 novembre 2021, l’opus « Pensées Rotatives » explose de fulgurantes couleurs musicales captées en direct. Les expositions des thèmes alternent avec les improvisations des solistes qui fusent du Grand Ensemble de Théo Girard.

Le Grand ensemble de Théo Girard

Le cœur du Grand ensemble c’est le trio de Théo Girard avec le trompettiste Antoine Berjeaut et le batteur Sebastian Rochford. Autour du trio, les quatre trompettes avec Julien Rousseau, Simon Arnaud, Jérôme Fouquet et Nicolas Souchal, les quatre saxophones alto de Basile Naudet, Martin Daguerre, Adrien Amey, Raphaël Quenehen et les quatre saxophones ténor de Théo Nguyen Duc Long, Morgane Carnet, Nicolas Stephan, Sakina Abdou.

Le répertoire, c’est une partie de celui de « 30YearsFrom » (2017) qu’il a réarrangé pour son orchestre grand format.

L’enregistrement à Coutances

L’idée d’expérience sonique et scénique a germé dans l’esprit de Théo Girard suite à des ateliers menés pour l’association AERI qui aide à la redynamisation ou l’insertion de personnes en difficulté. En se retrouvant « au centre du son », ces néophytes se découvraient bien plus à l’aise avec les jeux musicaux.

Pour enregistrer ses « Pensées Rotatives » sous le Magic Mirrors de Coutances, Théo Girard a donc imaginé une mise en scène circulaire. Le cœur du Grand Ensemble se love au milieu des spectateurs la « couronne des soufflants » encercle le public.

La fanfare circulaire de saxophones et trompettes se promène dans l’espace entre et pendant les morceaux. Ainsi, les notes des cuivres baladeurs tournent autour des oreilles des spectateurs auxquels ils insufflent leur énergie. « Il n’y avait pas de consigne du tout » explique Théo Girard, « chacun.e est venu.e avec son énergie et sa personnalité. En concert, j’aime bien qu’il se passe des choses imprévues et là les interprètes ont foncé dans la proposition ».

Au final, c’est une réussite, les quinze musicien.ne.s s’emparent du répertoire et explorent les morceaux qu’ils font exploser de joie avec des envolées free et des virgules hip-hop… Tout est en mouvement, ça tourne rond !

Au fil des plages

Exposé par la contrebasse le thème de 1993 évoque d’abord une lente procession mais très vite le phrasé sautillant et découpé des soufflants impulse un groove irrigué de hip-hop. Après les volutes free du ténor de Morgane Carnet, ce sont les phrasés stridents et rugueux de Basile Naudet qui lui répondent. Ils déploient des trésors d’inventivité sur ce groove hip-hop des années 90.

Sur The 6th And The 7th Parts of The Cake, c’est la contrebasse qui fait office de point d’ancrage aux interventions de tous les soufflants. Ils entreprennent un véritable massage sonore des tympans. La trompette de Jérôme Fouquet triture ensuite la matière sonore dans une lente improvisation à laquelle l’orchestre réagit avec flamme. Les timbres déployés autour de la contrebasse évoquent les sonorités du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden. Plus loin, l’alto exalté de Raphaël Quenehen s’envole dans des circonvolutions libres et enflammées. Le résultat est saisissant. L’orchestre riche en couleurs dynamise les prodigieux échanges des deux solistes alors que batterie et contrebasse arbitrent le round musical.

Tout au long d’Interlude, la contrebasse fait entendre un motif réitératif alors que les soufflants éructent et gargouillent avant le solo de la trompette virtuose d’Antoine Berjeaut. Il passe le relai aux quatre altistes qui engagent une improvisation collective splendide puis dialoguent, soutenus par le jeu subtil de la batterie et les lignes de basse sensuelles de la contrebasse. Sur La traversée du Pont par le Chameau, le motif musical est exposé par la trompette bouchée d’Antoine Berjeaut qui continue avec une impro dans le style néo-orléannais. Il est stimulé par les hoquets de l’orchestre et épaulé par la contrebasse et la batterie. C’est ensuite le ténor frénétique de Nicolas Stephan qui le remplace. Il déverse un flot de phrases fiévreuses ponctuées par l’orchestre d’où émerge le solo tumultueux de la batterie.

Roller Coaster débute par une ligne de basse rapide et continue au-dessus de laquelle la trompette acrobatique entonne une mélodie mélancolique. Elle cède l’espace au ténor de Théo Nguyen Duc Long qui fait retentir son jeu abrupt. Sa sonorité acérée domine le bain sonore grisant du collectif. De bout en bout, contrebasse et batterie énergiques n’ont cesse de soutenir les propos de l’ensemble et des solistes.

Après avoir exposé le thème de Tom & Jerry au sein du trio puis en synergie avec les soufflants, la trompette s’exprime en toute liberté. Advient ensuite le ténor de Sakina Abdou dont les arabesques et les fulgurances hypnotisent. Les traits free de son discours évoquent la liberté des phrases d’un certain Archie Shepp et débrident l’expression du collectif.

Sur Waiting For Ethiopia on a Bosphorus Bridge, on assiste à un échange ludique et musclé du quartet de trompettes avec les altos puis avec les ténors. Au-dessus du rythme scandé par la batterie et la ligne de basse incessante de la contrebasse, les échanges des soufflants sont ludiques et musclés. L’incandescent saxophone alto d’Adrien Amey clôt la dernière plage du voyage musical de cette fanfare peu banale dont les Pensées Rotatives étourdissent par leur originalité et leur intensité.

Il fait bon se laisser captiver par les « Pensées Rotatives » du Grand ensemble de Théo Girard , ça groove et ça swingue tout à la fois. Entre l’énergie du Collectif et les inventives improvisations individuelles, la musique foisonne de trouvailles. On en ressort étourdi et réjoui.

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