Musique lumineuse habitée par la force
Pour le dixième anniversaire de son groupe « Rythms of Resistance », la flûtiste et compositrice Naïssam Jalal revient avec le double album « Un Autre Monde ». Dans ce troisième opus, la musicienne lance un cri d’alarme et imagine un autre monde issu de ses aspirations et de ses rêves. Un manifeste musical lumineux empreint de force et de liberté.
Après « Osloob Hayati » (2015) et « Almot Wala Almazala » (2016), l’artiste compositrice et flûtiste Naïssam Jalal poursuit sa route. A la tête de son quintet, elle signe « Un Autre Monde » (Les Couleurs du Son//L’Autre Distribution), un double album sorti le 05 février 2021.
Dans ce troisième opus qui marque les dix ans de son ensemble « Rythms of Resistance », Naïssam Jalal a voulu « explorer de nouveaux territoires au niveau du sens comme de la matière sonore et continuer inlassablement à mélanger les esthétiques, les traditions pour laisser fleurir Un Autre Monde ».
Comme des images mises en musique, les morceaux de l’album « Un Nouveau Monde » mêlent sans frontière tradition orientale, jazz et musique classique. Une utopie musicale empreinte de lumière et de force à la fois.
Imaginer Un Autre Monde
Naïssam Jalal a intitulé son double album « Un Autre Monde » car depuis plusieurs années elle a « la sensation que le monde dans lequel on vit touche à sa fin et que l’on ne peut pas continuer comme ça ». Pour elle, dans le monde capitaliste « l’argent est maître de nos destins, le profit de certains vaut plus que nos vies et nos droits et notre liberté disparaissent de plus en plus et de plus en vite ». Elle dit voir « tous ces peuples en France ou ailleurs qui se soulèvent et se révoltent contre cet ordre là, et ce système et la nature aussi ».
C’est entre 2017 et 2020 que Naïssam Jalal a écrit le répertoire de son nouvel opus « Un Autre Monde ». Elle a ressenti le besoin de projeter en musique l’utopie du monde auquel elle aspire. Ainsi, le répertoire de ce nouvel album se veut le reflet de cet autre monde dont elle rêve, un monde où l’homme redonnerait sa place à la nature, « car on ne peut pas vivre sans la nature on peut pas vivre en dehors de la nature ». Cet autre monde appartiendrait aussi à l’autre, à « celui qui est différent parce que la haine et le racisme ne peuvent pas avoir de place dans cet autre monde »
Deux formations
Du groupe fondé à l’origine en 2011 par Naïssam Jalal (flûte, nay, voix), demeurent le saxophoniste franco-marocain Mehdi Chaib et le guitariste et violoncelliste allemand Karsten Hochapfelt ; exit Francesco Pastacaldi et Matyas Szandai. En 2020, sur « Un Autre Monde », la contrebasse est tenue de bout en bout par Damien Varaillon et la batterie par Arnaud Dolmen.
Ce double album « Un Nouveau Monde » s’inscrit tout à fait dans la continuité des deux premiers opus et permet de plus d’apprécier des musiques issues de deux contextes différents. Enregistré en studio, le CD1 propose sept titres interprétés par Naïssam Jalal & « Rythms of Resistance et enregistrés par Tom Van Den Heuvel au Studio Midlive de Villetaneuse alors que sur le CD2, le groupe est capté live sur scène, avec l’Orchestre National de Bretagne dirigé par la cheffe d’orchestre Zahia Ziouani. Les deux ensembles dialoguent et se mélangent avec une grande liberté, le quintet et l’orchestre se répartissant tour à tour le rôle de soliste et celui d’accompagnateur.
Impressions
Sur tous les morceaux, Naïssam Jalal allie avec virtuosité, souffle et vocalises. Ses propos lyriques et lumineux possèdent une force qui confine quelquefois à la violence. Dans son art, elle insuffle ses espoirs, ses révoltes et ses détresses, ce qui pour elle constitue la véracité de la vie et que soulignent les cris de son chant. Il est difficile de résister à la force de sa musique pulsatile auxquelles les rythmiques complexes confèrent une dimension hypnotisante.
Construit sur un rythme flamenco de buleria, le poignant Buleria Sarkhat Al Ard introduit la session studio du premier disque. Le titre résonne comme un véritable cri d’alarme devant les catastrophes sociales et écologiques. Le clip tourné dans une raffinerie abandonnée restitue d’ailleurs le « cri de la terre » (traduction de Sarkhat Al Ard).
Sur Samaï Al Andalu, on frissonne à l’écoute du magnifique solo développé, en réponse à la flûte, par le soprano voltigeur et véhément. Violoncelle et contrebasse croisent leurs chants voluptueux sur les chemins de Promenade au bord du rêve, soutenus par une rythmique aux nuances multiples et rejoints par le souffle délicat de la flûte. La voix de Naïssam Jalal ouvre D’ailleurs nous sommes d’ici, le dernier titre du disque studio. Dans le texte qu’elle lit en introduction, elle fait rimer détresse avec tendresse. Il en découle une émotion sensible avant que les cordes de la guitare électrique ne se fassent entendre intensément et instaurent un climat empreint d’une force presque tellurique.
Le second disque ouvre avec Paysages de notre destin, un titre paisible où la guitare s’exprime avec souplesse et tendresse. Le quintet continue avec l’orchestre symphonique avec lequel il reprend Un sourire au cœur, Un monde neuf et Samaï Al Andalus, trois titres présents et enchaînés dans le même ordre que sur le premier CD. A l’écoute de ces trois titres, on perçoit de nouvelles couleurs, de nouvelles textures, comme si l’orchestre symphonique donnait une dimension plus aboutie à la musique de Naïssam Jalal.
On retrouve avec plaisir le morceau titre de son précédent album, Almot Wala Almazala qui termine l’album. Sur cette version, la flûtiste impressionne par sa virtuosité à mêler chants et cris à son souffle sur l’instrument. Après une douce coexistence entre flûte et orchestre symphonique, le quintet entre en action avec force et déclenche un séisme musical au-dessus duquel explosent les envolées furieuses de la flûte.
Si les Victoires du Jazz 2019 avaient désigné le précédent album de Naïssam Jalal, “Quest of the Invisible” dans une catégorie intitulée « album inclassable », peut-être le jury 2020 pourrait-il envisager de classer et récompenser « Un Autre Monde » dans la « catégorie Jazz », car la musique de Naïssam Jalal incarne tout à fait ce que le jazz prétend être. Un propos où se croisent des influences venues d’ici et d’ailleurs, une musique inventive qui n’hésite pas à transgresser les normes pour inventer et renouveler le style.
Du groove à gogo avec Dmitry Baevsky et « Roller Coaster »
Pour son onzième album, « Roller Coaster », le saxophoniste Dmitry Baevsky revient avec à ses côtés, le guitariste Peter Bernstein. Une fois de plus, le talent de l’altiste éclate avec insolence. A la fois lyrique et sensible, mélodique et virtuose, son jazz impressionne et séduit. Que du bonheur !
Titi Robin Quatuor présente « Le Sable et l’Écume »
Sur son nouvel album « Le Sable et l’Écume », Titi Robin présente un répertoire original composé pour Titi Robin Quatuor, sa nouvelle formation instrumentale. Un projet instrumental porté par les sublimes échanges de quatre musiciens hors pair. La musique s’inscrit dans une culture radicalement modale et polyrythmique. La prise de risque artistique est à la mesure de l’enjeu esthétique. Un projet modal, hors mode et radical.
Michel Petrucciani Trio au Jazz Club Montmartre CPH 1988
Le label Storyville Records prévoit la sortie d’un double-album inédit de Michel Petrucciani, « Michel Petrucciani Trio au Jazz Club Montmartre CPH 1988 ». Annoncé pour le 15 novembre 2024, cet opus inédit permet d’écouter le pianiste entouré de Gary Peacock et de Roy Haynes. Du jazz intemporel qui allie lyrisme, sensibilité et virtuosité.