Le jazz est en deuil
Le 09 février 2021, le pianiste et compositeur Chick Corea est mort à 79 ans à Tampa en Floride. Le jazz est en deuil et pleure la disparition de ce prodigieux artiste qui a opéré la fusion du jazz avec le rock et le funk. Sa contribution, majeure dans l’évolution du jazz contribue à faire de lui un musicien dont l’influence est encore perceptible aujourd’hui chez de nombreux artistes. Son empreinte demeure à jamais gravée dans l’univers du jazz.
C’est via un communiqué mis en ligne sur la page Facebook de Chick Corea que l’on a pris connaissance du décès de l’artiste suite à une « forme rare de cancer découvert très récemment ». Sur cette même page figure aussi un message rédigé par l’artiste lui-même : « Je veux remercier tous ceux qui, tout au long du voyage, ont contribué à faire briller de mille feux la musique. J’ai l’espoir que ceux qui ressentent l’envie de jouer, d’écrire, de se produire en spectacle puissent le faire. Si ce n’est pour eux-mêmes, alors pour nous autres. Pas seulement parce que le monde a besoin de plus d’artistes, mais parce que c’est plus amusant. »
Né le 12 juin 1941 d’un père trompettiste à Chelsea (Massachussetts, États-Unis), Armando Anthony dit Chick Corea a appris le piano et aussi la batterie avant de suivre l’enseignement de l’université Columbia de New York puis à la Juillard School. C’est en 1968, après avoir écouté Miles Davis qui jouait au Birdland de New-York avec John Cortrane. Cette rencontre a en quelque sorte constitué le prélude à son orientation dans le monde de jazz.
Après avoir débuté sa carrière auprès de Blue Mitchell et Cab Calloway, il joue auprès de Willie Bobo, Herbie Mann et Mongo Santamaria et pratique avec eux le jazz latin. En 1966, il enregistre « Sweet Rain » avec le groupe de Stan Getz qui compte alors Ron Carter (contrebasse) et Grady Tate (batterie). C’est la même année qu’il enregistre « Tones for Joan’s Bones », son premier opus en tant que leader avec Joe Farrell (flûte, saxophone ténor), Woody Shaw (trompette), Steve Swallow (contrebasse) et Joe Chambers (batterie). Il forme ensuite un trio avec Miroslav Vitous (contrebasse) et Roy Haynes (batterie) avec lesquels il enregistre en 1968 « Now He Sings, Now He Sobs ».
En septembre 1968, il remplace Herbie Hancock dans le groupe de Miles Davis et jusqu’en 1970, il développe sur son Fender Rhodes et son oscillateur Ring Modulator ses harmonies électriques auprès du trompettiste. Durant cette même période il a aussi participé à l’enregistrement de trois albums de Miles Davis, « Filles de Kilimandjaro » (1969), « In a silent way » (1969) et « Bitches Brew » (1970).
Entre 1970 et 1971, il fonde Circle, un groupe qui réunit autour de lui le contrebassiste Dave Holland, le batteur Barry Altschul et le saxophoniste Anthony Braxton. Avec eux il grave plusieurs albums (« Circling In », « Circulus », « Circle 1 » and « Circle 2 »). Après ce jazz d’avant garde, il constitue son propre groupe, Return to Forever. Aux côtés de Chick Corea, si le bassiste Stanley Clarke a été de toutes les formations, bien des musiciens se sont succédé auprès d’eux dans les différentes versions du groupe parmi lesquels, Bill Connors Joe Farrel, Al Di Meola, Flora Purim, Steve Gadd, Airto Moreira, Gerry Brown et pour la dernière formation, Lenny White, Frank Gambale et Jean-Luc Ponty en 2011.
Avec Return to Forever, Chick Corea a contribué à fonder, le jazz fusion où les synthétiseurs sont omniprésents.
Les années 80 ont marqué son retour à un jazz plus traditionnel avec son Akoustic Band sans pour autant tourner le dos à la musique électrique avec son Elektric Band. Au fil des ans, il a joué auprès des plus grands, Herbie Hancock, Pat Metheny, John McLauglin, Joe Henderson, les frères Brecker, Lee Konitz, Paco de Lucia, Bobby Mc Ferrin, Stefano Bollani, Bela Fleck, Friedrich Gulda et bien d’autres encore.
Durant six décennies, Chick Corea n’a cessé de renouveler son art et de forger un style très personnel au lyrisme contenu et au toucher mordant. Avec panache, il remporté 22 Grammy Awards entre 1975 et 2019.
En sideman ou sous son propre nom, il a gravé plus d’une centaine d’albums dont beaucoup figurent sur le label Stretch Records qu’il a fondé en 1992. Parmi ses nombreux opus, on retient le marginal double album « Plays » ressorti en 2020 se distingue. le pianiste y interprète 18 titres où jazz et musique classique (Scarlatti, Mozart, Scriabinn Chopin) côtoient des compositions pour enfants. Ses deux derniers albums remontent à 2018 pour le double album « Chinese Butterfly » (Concord/Universal) au funk imparable, aux envolées lyriques et aux improvisations hispanisantes et à 2019 pour « Antidote » (Concord/Universal) où le pianiste plonge dans son héritage musical espagnol, latin et flamenco.
Nombre de ses compositions sont déjà devenues des standards et sont passées à la postérité comme Spain, 500 Miles High, La Fiesta ou Armando’s Rhumba.
On conservera à jamais le souvenir de cet artiste toujours souriant et attentif autant à ses musiciens qu’au public avec lequel il communiquait chaleureusement un certain 11 juillet 2016 à Jazz à Vienne, l’année de ses 75 ans, ou le 29 février 2020 à l’Auditorium de Lyon où Chick Corea jouait avec le contrebassiste Christian McBride et le batteur Brian Blade.
Chick Corea a réussi au-delà de ses espérances cette mission qu’il évoque dans le message posthume posté sur sa page Facebook, « apporter la joie de créer partout où je le pouvais, et l’avoir fait avec tous les artistes que j’admire le plus au monde aura été la richesse de ma vie ».
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