Un jazz ensauvagé à la poésie fauve
Avec « Wild Beasts », le clarinettiste Jean-Marc Foltz et ses trois complices proposent un safari-jazz aux accents félins. Huit tableaux musicaux expressifs constituent les étapes de ce voyage. Par ses audaces, la musique charpentée évoque la liberté de la faune sauvage et comme elle, ne s’embarrasse guère des contraintes. Un jazz ensauvagé paré d’une poésie coloriste.
Après le road-trip andin de « Viracochas » sorti en 2013, le clarinettiste Jean-Marc Foltz est de retour avec « Wild Beasts » (Vision Fugitive/L’Autre Distribution), la suite de son aventure musicale avec le guitariste Philippe Mouratoglou, le contrebassiste Sébastien Boisseau et le batteur Christophe Marguet. Annoncé pour le 28 février 2020 chez Vision Fugitive, l’album présente une musique saisissante où coexistent force et poésie.
Objet précieux pour l’oreille, l’album soigne aussi son esthétique dont l’illustration de la pochette est à porter au crédit du dessinateur Emmanuel Guibert, lauréat 2020 du Grand Prix du Festival International de la bande dessinée d’Angoulême. Gageons que sa réussite soit prédictive de celle de l’album.
Le nouveau projet du clarinettiste Jean-Marc Foltz se présente tel un voyage onirique, un safari musical dans une jungle poétique que les quatre musiciens imaginent à partir des clichés en noir et blanc d’animaux captés dans leur habitat sauvage par l’objectif du photographe Nicolas Bruant.
« Wild beasts », une poésie fauve empreinte de liberté
Composés par le clarinettiste, les huit titres de l’album « Wild Beasts » donnent à écouter huit tableaux d’un jazz poétique aux couleurs fauves. En feuilletant le livret, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre la liberté qui habite les huit plages et celle des animaux sauvages dont les superbes clichés en noir et blanc du photographe Nicolas Bruant illustrent le livret.
Par la puissance et les nuances de leur expression, les quatre musiciens, à la fois fauves et poètes, transportent la musique à la confluence de deux dimensions, celle de la culture et celle de la nature. En effet, si la musique reflète la culture des artistes qui lui donnent vie, elle participe aussi à enrichir celle du public qui l’écoute. Par ailleurs, lorsque l’artiste improvise, on peut considérer cette création instantanée comme une forme distanciée des contraintes de l’écriture, une expression spontanée qui opère un retour à la nature d’une musique originelle.
Au fil des titres
Sur un motif répétitif de batterie, la clarinette basse et la guitare installent un décor musical onirique en suspension. Au fil des mesures Run to Live, le morceau se tend et s’électrise. Le solo voltigeur de la clarinette basse plante le décor et entame une course éperdue pour survivre. Plus tard, à l’unisson avec la guitare, la clarinette basse entonne la mélodie au tempo saccadé de Croc. Comme un animal aux aguets, la contrebasse montre les crocs. Soutenu par une batterie bruitiste, elle fait entendre son grondement tellurique avant que la mélodie musclée ne reprenne son cours.
Changement de climat avec le décoiffant Betty Devil. Son écriture contemporaine et ludique inspire la clarinette basse et la guitare dont la connivence est palpable. Absolument magistral !
Sur Lions Die Alone, le paysage se fait méditatif. La palette expressive des instruments se colore de nuances alternativement graves ou inquiétantes. La contrebasse vibrante rend le climat poignant et le souffle boisé fait frémir la clarinette au-dessus des cymbales délicates. Peaceful Majesty instaure ensuite un climat contemplatif. Le tandem magique, clarinette-guitare dessinent une fresque subtile qui invite au voyage intérieur et à la méditation.
Après une introduction solo de la clarinette basse, le quartet déroule la mélodie fragmentée et humoristique du titre Hippopotorganum Magnum. Son écoute fait résonner les réminiscences des phrasés d’un certain Eric Dolphy. Plus loin, le chant de la clarinette basse émerge comme une prière de From bear to Fox. En parfaite osmose, les quatre instrumentistes habillent l’espace musical d’une intensité lumineuse quasi spirituelle
L’opus se termine avec Monkey Rag où le quartet invite à une parodie fort réussie de ragtime. Le jeu musical acrobatique, évoque des singes qui sautillerent de branche en branche et la clarinette enflammée libère des sons aux accents fauves et primitifs soutenue par une paire rythmique d’une exceptionnelle inventivité. Le final ludique vaut son pesant d’or et en concert devrait déclencher des tonnerres d’applaudissements.
« Wild Beasts », une proposition musicale originale aux accents fauves qui jongle entre écriture subtile et improvisation picturale. Un jazz libéré des contraintes. Une musique dont la poésie enchante par ses couleurs sauvages. Un album qu’il plaît à écouter encore et encore pour mieux s’en imprégner.
Pour se replonger dans les climats de « Wild Beasts » et retrouver Jean-Marc Foltz (clarinettes), Philippe Mouratoglou (guitare), Sébastien Boisseau (contrebasse) et Christophe Marguet (batterie), RV pour le concert de sortie de l’album à Paris, le 05 mars 2020 au Sunset.
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