A la clef de Jazz Campus en Clunisois : Liberté & Création
La quarantième édition de Jazz Campus en Clunisois est restée fidèle à sa ligne directrice. Grâce à la ténacité remarquable de Didier Levallet, le festival a proposé un jazz créatif et évolutif. Pour lui donner raison, le public n’a pas boudé son plaisir et les musiciens généreux se sont éclatés.
Centrée sur un jazz en mouvement, la programmation de Didier Levallet a fait se côtoyer des musiciens de renommée internationale et de nouveaux venus inventifs. Du 13 au 20 août, lors du festival Jazz Campus en Clunisois, un jazz ouvert et inventif s’est exprimé sur les différentes scènes du festival et a proposé un très large éventail d’expressions et d’orchestres (du big-bang au duo).
On a apprécié la diversité des styles et des groupes écoutés les 18 et 19 août. Trois concerts très différents, trois moments de plaisir partagé avec un public conquis et des musiciens heureux de jouer.
La soirée du 18 août au Théâtre les Arts de Cluny présente le trio du guitariste Marc Ducret associé au trio « Métatonal ». Virtuose de la guitare, Marc Ducret est associé depuis vingt ans avec le batteur Eric Echampard et le contrebassiste Bruno Chevillon. Avec eux il pratique un jazz créatif et sans cesse renouvelé. « Métatonal » regroupe le saxophoniste alto Christophe Monniot, le trompettiste Fabrice Martinez et le tromboniste Samuel Blaser.
Le sextet installe une atmosphère détonante et énergique. Le toucher nerveux, précis et claquant de Ducret stimule le groupe. Entre rock et blues, il déchire le son et mène le bal. Les solistes croisent le fer et au fil d’un même morceau l’ambiance se tend, s’épaissit et se déchire sans omettre de ménager des trouées éthérées.
Au trombone, Samuel Blaser alterne entre puissance cuivrée et fluidité. De la trompette de Fabrice Martinez jaillissent de lumineux chorus. Christophe Monniot construit avec puissance et précision des improvisations qui sont de réels moments de grâce. La frappe orageuse d’Eric Echampard se transforme en un toucher coloriste aux dégradés raffinés lorsque ses balais caressent les cymbales. Bruno Chevillon chemine de bout en bout avec précision et justesse, attentif et réactif aux climats.
Dans cette foisonnante forêt de sons, les musiciens habitent l’espace de liberté que prodigue la musique et génèrent des climats rageurs électriques voire même sulfureux sans omettre de ménager des espaces de poésie salvatrice. Les titres se succèdent, Influence, Dialecte, Kumiho. On retient son souffle pour mieux savourer la musique intense puissante mais chaleureuse. Le plaisir que prennent les musiciens à jouer exsude de leurs instruments et transparait sur leurs visages.
En fin de concert, Marc Ducret dédie le morceau 64 au saxophoniste Guillaume Orti présent dans la salle (il anime les ateliers d’orchestre des stages). Le thème rend hommage à Bob Dylan, celui qui a déclenché chez Ducret l’envie de jouer. 64 reprend deux titres de Dylan, The Time they are a changin’ et Wigwam reliés par une courte boucle musicale écrite par Ducret. Entre guitare et harmonica, Marc Ducret fait monter la pression avec souplesse et puissance. Félin et reptilien à la fois, le guitariste déroule l’étendue de son savoir-faire et fait montre d’un plaisir extrême à partager ce concert avec ses comparses.
On garde du concert de Marc Ducret trio + « Métatonal », le souvenir d’un concert jubilatoire et incandescent dont on aurait aimé qu’il n’ait pas de fin. Un plaidoyer pour la musique vivante.
Le 19 août, un pique-nique est proposé à midi dans la cour du haras national de Cluny. En guise de menu musical, un concert du « Possible(S) Quartet ». Assis dans l’herbe, le public a répondu présent pour écouter les quatre musiciens installés sous l’ombre bienveillante des branches d’un majestueux tilleul centenaire. Deux trompettistes, Rémi Gaudillat et Fred Roudet, un tromboniste Loïc Bachevillier et un clarinettiste, Laurent Vichard réunis pour livrer un jazz de tous les possible(S).
Quatre soufflants pour un voyage imaginaire. Entre fanfare et orchestre « chambriste », les compères content des histoires musicales aux éclats cuivrés et aux titres évocateurs. Chassez le naturel, il revient au Tango, La tendresse de la sauterelle, Les poilus, Nuit et Entre-danse, Se faire appeler Arthur, L’armée des poètes. L’imagination des spectateurs vogue de tableau en tableau, au gré des ambiances nuancées. On apprécie l’équilibre qui existe entre l’espace de liberté propice à l’improvisation et les mouvements orchestraux où la mélodie repose sur une rythmique solide assurée par les autres instrumentistes.
Les musiciens du « Possible(s) Quartet » mettent leurs qualités techniques au service de la narration orchestrale. Le cadre bucolique et la musique poétique et élégante ont comblé un auditoire attentif où se côtoyaient toutes les générations.
Le soir du 19 août, le Théâtre les Arts de Cluny accueille le « Brotherhood Heritage » qui rend hommage à l’esprit de la musique du « Brotherhood of Breath » (Confrérie du Souffle), big-band issu d’un orchestre Sud-Africain réfugié en Europe pour cause d’apartheid dans les années soixante. Ce « Brotherhood of Breath » a influencé la scène européenne du jazz sous la houlette de Chris McGregor jusque dans les années 90. Le contrebassiste Didier Levallet a fait partie des dernières moutures de cet orchestre historique. Il co-pilote avec le pianiste François Raulin le projet du « Brotherhood Heritage » qui reprend en partie le répertoire de l’orchestre d’origine et mêle des compositions originales écrites dans le même esprit, comme Hymne to Breath, de François Raulin.
Sur scène sont réunis des musiciens aguerris à la musique improvisée et ouverts aux expériences. Comme le dit François Raulin tous ces musiciens ont en commun la « capacité de s’exprimer en trois accord et de groover ». On retrouve le saxophoniste et clarinettiste anglais Chris Biscoe qui a lui aussi fait partie des dernières moutures du « Brotherhood of Breath ». Raphaël Imbert (saxophone), François Corneloup (saxophone baryton), Michel Marre et Alain Vankenhove (trompette), Simon Goubert (batterie), Jean-Louis Pommier et Mathias Mahler (trombone). Le spectacle a été créé à Jazz sous les Pommiers où il a reçu un accueil enthousiaste.
Au court du concert vibre l’esprit de la fête. Les instrumentistes saisissent tous les espaces de liberté et les mettent à profit pour s’exprimer. La masse sonore rutile. L’orchestre propose une musique ensoleillée et chaleureuse, une sorte de musique du bonheur profondément enracinée dans les rythmes africains. Les corps des musiciens sont habités de cette joie et les visages irradient de lumière. La texture sonore change de couleur au gré des improvisations et des orchestrations. Des arrangements aux échos ellingtonniens succèdent aux extravagances des solistes qui rivalisent de créativité et de fantaisie.
Rutilant, le « Brotherhood Heritage » groove en toute liberté. La musique rayonne et le concert est une réussite incontestable. Dommage qu’il y ait une fin à cette parenthèse d’allégresse.
Il faudra attendre encore douze longs mois pour retrouver Jazz Campus en Clunisois et s’immerger de nouveau dans un jazz libre et créatif.
Titi Robin Quatuor présente « Le Sable et l’Écume »
Sur son nouvel album « Le Sable et l’Écume », Titi Robin présente un répertoire original composé pour Titi Robin Quatuor, sa nouvelle formation instrumentale. Un projet instrumental porté par les sublimes échanges de quatre musiciens hors pair. La musique s’inscrit dans une culture radicalement modale et polyrythmique. La prise de risque artistique est à la mesure de l’enjeu esthétique. Un projet modal, hors mode et radical.
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