Une incandescente descarga cubana
Nul ne pouvait prévoir que la soirée du 07/07/17 ferait régner à Vienne la chaleur de l’île celle des thermomètres et celle de la musique. La Soirée Cuba a été une fête partagée et enfiévrée. Après l’hommage rendu par Angelique Kidjo à Celia Cruz, Roberto Fonseca fait voyager le public à travers toutes les musiques de son île.
Le premier set de la Soirée Cuba s’annonce comme un hommage à la salsa. En effet l’éternelle prêcheuse d’un multiculturalisme revendiqué, la chanteuse béninoise Angelique Kidjo met son énergie et son talent au service d’un hommage à Celia Cruz à qui elle dit vouer une grande admiration. La chanteuse se présente avec le percussionniste cubain Pedrito Martinez.
Après un début prometteur mené tambour battant avec Santiago, le répertoire regarde curieusement du côté du Brésil avec un Você Abusou plutôt décalé avant de revenir à des rythmes cubano-africains plus conformes à la couleur de la soirée. Avec Santa Barbara, la chanteuse convie le public à une cérémonie de santeria ancrée dans la tradition du peuple Yoruba d’Afrique occidentale. A peine la mèche musicale allumée, le public s’embrase en même temps que le rythme de la musique. La fête bat son plein, le public exulte.
Avec son « micro d’amour universel », Angelique Kidjo célèbre la famille humaine et la musique. Elle descend dans la foule qui se déchaîne autour d’elle. La chanteuse a transformé le Théâtre Antique de Vienne en un chaudron ardent où la musique embrase les corps et engage à la fête.
Place ensuite au héros de la soirée, le pianiste Roberto Fonseca dont il s’agit de la deuxième venue à Vienne qui l’avait accueilli en 2014 avec Fatoumata Diawara. Il vient cet été présenter son dernier album « ABUC » sorti en novembre 2016 chez Impulse ! … pour rappel, l’acronyme ABUC inverse les lettres de Cuba et l’album déroule les musiques depuis celles des années 40 jusqu’à celles d’aujourd’hui où l’électronique a sa part.
C’est avec un combo cuivré aux percussions vibrantes que Roberto Fonseca se présente sur scène accueilli par une ovation enthousiaste. Le pianiste a beaucoup progressé dans la maîtrise de la langue française et il entame avec le public un dialogue chaleureux et charmeur pour présenter son projet et les musiques qu’il va interpréter.
D’emblée Roberto Fonsaca convoque la musicalité sur le clavier de son piano avec Cubano Chant. Il laisse à entendre un latin jazz élégant et nuancé. Le public écoute avec attention comme captivé par cette essence musicale cubaine sertie de nuances et servie par une mise en place précise et soignée. Sur son orgue rouge Nord C2D, il entame ensuite Family qui lui est si cher. Place alors aux sonorités de l’orgue Hammond qui attaque avec énergie un boogaloo aux teintes des sixties sur lequel les cuivres déroulent leur show hyper réglé soutenu par la solide section rythmique. C’est ensuite au tour d‘Adel Gonzalez de déchaîner ses percussions avec brio. Le rythme reprend le dessus mais le pianiste a plus d’un tour dans son piano.
Roberto Fonseca fait retomber le pression avec une interprétation de Contradanza Del Espiritu. Il interprète le vieux rythme de la contredanse cubaine avec un romantisme qui tranche avec la tonalité de la soirée. Un pur moment d’émotion !
Sans attendre, le pianiste convoque ensuite sur le devant de la scène Daymé Arocena, la jeune chanteuse de la Havane. Telle une boule de nerfs tonique et souriante, sa voix chaude et soul fait groover le tempo. Le public ne s’y trompe pas et lui délivre des tonnerres d’applaudissements. Sitôt après son départ c’est le légendaire Eliades Ochoa qui arrive avec son éternel chapeau et sa guitare. Il charrie avec lui la musique des terres cubaines de l’intérieur. De retour sur scène, la chanteuse entame avec le pianiste et le percussionniste une puissante supplication.
Avec Afro Mambo, le morceau fétiche de son dernier album, Roberto Fonsaca donne le signal de la fête. On pensait pourtant que c’était la fête depuis le début de son set mais de facto, l’atmosphère va gagner en incandescence. La fièvre monte encore plus lorsque retentit Tierra santa sur lequel le leader présente ses musiciens … et même son manager. Visiblement heureux le pianiste se remet au piano avant de descendre dans la foule et de terminer sur scène avec Bonco en guise de rappel que reprend le Théâtre avec un enthousiasme effréné.
Comme Roberto Fonseca l’avait promis, il a joué comme s’il s’agissait de son dernier concert et a convié le public de Vienne à une folle descarga cubaine. Avec ses musiciens et ses invités il a célébré bolero, mambo, chachacha, danzón, contredanza, rumba, guajira, salsa … toutes les musiques de Cuba, celles d’hier et celles d’aujourd’hui. Une liesse populaire qui laissera un souvenir inoubliable et unanime de musicalité et de qualité.
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