La musique de Coltrane… élixir vital
Le 03/07/2017, « Jazz à Vienne » célèbre la mémoire de John Coltrane disparu le 17 juillet 1967. Un triple plateau pour un hommage à Coltrane. Deux illustres saxophonistes qui ont partagé la scène avec lui, Pharoah Sanders et Archie Shepp. Deux artistes contemporains, Emile Parisien et Jeff Mills.
Aujourd’hui encore les confins de l’univers musical de Coltrane constituent des frontières dont les musiciens continuent d’explorer les limites. Pour en saisir la substance et s’en abreuver, pour la comprendre et s’en inspirer, pour s’y immerger et se régénérer, pour communier avec l’art de celui qui représente sans doute pour l’ensemble des musiciens de jazz une référence incontournable. Il ne s’agit pas de le dépasser mais plutôt de le révérer pour pourvoir à son tour inventer son propre univers.
Nul mieux que Pharoah Sanders n’a de légitimité pour ouvrir cette soirée hommage à John Coltrane, lui qui fut son compagnon de route pendant les dernières années de sa vie (de septembre 1965 jusqu’au 17 mai 1967), lui qui est en quelque sorte devenu à sa mort l’héritier de son legs spirituo-musical. Il s’agit de plus de la première apparition de Pharoah Sanders sur la scène du Théâtre Antique de Vienne. Un évènement donc à plusieurs titres que la venue de ce saxophoniste, ce d’autant plus que l’artiste est âgé de 77 ans.
Pour l’occasion, Pharoah Sanders est accompagné de Gene Calderazzo à la batterie, William Henderson au piano et Oli Hayhurst à la contrebasse, musiciens qu’il ne cessera de présenter tout au long du set tant semble grand son plaisir de jouer avec eux. Il est vrai que le trio sert à merveille la musique de Pharoah Sanders et lui permet de déployer toute l’étendue de son art. Ils font battre la pulsation vitale de la musique.
Tel un phare qui éclaire l’héritage du Maître, Pharoah Sanders va déployer toute sa science du saxophone. On retrouve la plainte déchirée de ses lamentations incantatoires qui s’élève au-dessus du tapis magique tissé par l’admirable section rythmique toute dévolue au service du Pharaon. Des ballades déchirantes alternent avec morceaux plus rythmiques teintés de senteurs ibériques ou d’effluves venus des Caraïbes. Entre gros son et plainte nostalgique, le saxophone donne à entendre des aigus poignants ou des graves telluriques, des sonorités évoquant de caverneuses cornes de brume.
Naima, Olé, … De thème en thème le Pharaon, s’impose sur scène tel un sphinx hiératique irrigué par la vitalité de la musique modale de Coltrane. En effet, si le saxophoniste prend le temps de s’asseoir en début de set entre deux interventions pour écouter avec attention le jeu de ses musiciens, il délaisse la chaise au fur et à mesure de la soirée comme régénéré, revitalisé par la musique.
Cabotin il esquisse des pas de danse sur le devant de la scène, chante et engage le public à l’accompagner. Rien de racoleur dans l’attitude, plutôt le plaisir de donner, de partager, de convier le public à la célébration. Et ça fonctionne. les spectateurs restent comme fascinés, par le jeu de Pharoah Sanders qui, s’il a certes perdu en force n’en demeure pas moins porteur d’émotions puissantes voire même doté d’un lyrisme hypnotique.
Après un changement de plateau rapide, place au duo Émile Parisien-Jeff Mills. Le saxophoniste français et le DJ de Detroit explorent le mythique album enregistré par Coltrane en 1964, « A Love Supreme ».
Les jeux de lumières et la distance qui séparent les deux intervenants ne sont en rien des obstacles à la cohésion de leur prestation. Les deux compères se lancent dans leur incursion au sein de la musique de Coltrane. Spectacle fascinant et passionnant. Le contraste frappe. On retrouve Jeff Mills concentré en diable et Émile Parisien tel qu’en lui-même, vibrant et énergique.
La collaboration est fructueuse. Qu’il renvoie des samples de piano ou les boucles enregistrées live à partir des improvisations du saxophoniste, Jeff Mills fait preuve d’une acuité, d’une justesse et d’une finesse étonnantes. Émile Parisien quant à lui manifeste son habituelle verve furieuse et élégante qui ne cesse de surprendre et de toujours se renouveler. Un vrai processus de création instantanée est en cours devant les yeux du public fasciné. Si ce n’est la forme, rien ne change, l’improvisation alimente le cœur du jazz qui bat vivace et transfiguré.
Émile Parisien et Jeff Mills proposent une musique libre et renouvelée, vivante et surprenante, passionnante et singulière. Ils ouvrent les portes de l’avenir à la musique de Coltrane. Les deux passeurs possèdent la clé pour renouveler l’expression du jazz modal coltranien. La liberté, garant essentiel de l’évolution de cette musique dont l’avenir se projette décidément avec bonheur.
Le spectacle est fascinant et convainquant. Les deux exégètes de la musique de Coltrane projettent un langage renouvelé où encore une fois opère l’élixir de vie du jazz coltranien. Sans réserve, le public renvoie une ovation spontanée à la prestation qui a convaincu les plus réticents.
Le dernier set appartient au saxophoniste Archie Shepp venu avec un all-star composé du trompettiste Amir ElSaffar, du pianiste Jason Moran, et du batteur Nasheet Waits. Les rejoindront très brièvement, et cela est fort dommage, la chanteuse française Marion Rampal et le saxophoniste britannique Shabaka Hutchings représentant de la nouvelle génération du saxophone.
S’il a lui aussi joué et enregistré avec John Coltrane, à 80 ans, Archie Shepp propose une prestation qui met tout autant en valeur ses compositions personnelles que celles de Coltrane.
Il est vrai que ce charismatique musicien se prévaut d’être un témoin et un gardien de la musique noire américaine et il affiche clairement par son discours son ancrage dans le free jazz dont il fut une figure phare, mais aussi dans le blues, fondement de la musique afro-américaine dans lequel il s’est beaucoup trempé dans les dernières années de sa carrière.
Archie Shepp annonce d’emblée tirer son inspiration de celui qu’il se plaît maintenant à nommer son « Grand Frère ». Après Syeeda’s Song Flute, Archie Shepp invite la chanteuse Marion Rampal à le rejoindre pour seulement deux titres, ce qui est plutôt frustrant. On aurait aimé entendre plus la voix à la fois forte et fragile de cette musicienne empreinte de la dimension mélodique de la musique de Coltrane. On en dira tout autant pour la courte intervention de Shabaka Hutchings dont on a déjà vanté le talent et que le public aura tout le loisir de découvrir au Club de Minuit ce même soir.
Du haut de son tabouret dont il ne descendra guère, Archie Shepp expose via son saxophone les sons issus de la souffrance et de la révolte de ses frères. Soutenu par un orchestre vigoureux et inventif, le saxophoniste convoque Coltrane à travers Naima et après quelques flottements termine par une vibrante ballade bluesy.
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