Trois en-chanteurs des mots de Nougaro
Le 24 juin 2018 à l’Odéon de Fourvière, Babx, André Minvielle et Thomas de Pourquery offrent un réel hommage à Nougaro. Chacun convoque l’esprit et la langue de Nougaro. Un spectacle dont le format minimaliste sied à l’art de ces trois artistes qui cultivent autant le verbe que le rythme, la mélodie, l’humour et la convivialité.
Cet Echo#3-Nuits de Fourvière 2018 se souvient de la soirée « Hommage à Nougaro » proposée le 24 juin 2018 sur la scène de l’Odéon de Fourvière.
Le projet
Le projet présenté à Fourvière en 2018 a pris naissance en 2014 quand le « Marathon des Mots de Toulouse » demande à Babx de concevoir un hommage à Nougaro. Le chanteur-pianiste fait appel à André Minvielle et contacte ensuite le saxophoniste et chanteur Thomas de Pourquery. Leur spectacle fonctionne car d’après André Minvielle « on ne peut pas représenter quelqu’un comme Nougaro tout seul, ce qui aide c’est parce qu’on est trois à chanter »*. Après 2014 les trois artistes ont repris occasionnellement le projet au fil des ans, au gré de leurs disponibilités et des demandes.
Le trio
Babx, chanteur pianiste, poète trop rare. Thomas de Pourquery, saxophoniste et chanteur leader du sextet Supersonic avec qui il conduit la musique jusqu’à la transe. Improvisateur ardent sur son saxophone alto il use aussi avec grand talent de sa voix de baryton.
André Minvielle, « artiste artisan », voc’alchimiste amoureux des accents dont le dernier album « 1time » joue avec les rythmes et les mots. Il a la même tessiture, baryton Martin, et le même accent que Nougaro et l’a bien connu. Ils avaient tous deux « une accointance entre apéro et opéra »* et ensemble ils ont « pratiqué l’ivresse avec le chant »*. D’ailleurs, Nougaro a été président d’honneur de son association « Suivez l’accent » et il figure dans son ABCD’erre de la Vocalchimie à la lettre « N : C’est non comme Nougaro grand Noteur devant l’éternel ».
La scène
Avant l’entrée en scène de Babx, André Minvielle et Thomas de Pourquery le 24 juin 2018, l’équipement scénique est minimaliste. Côté cour un piano et un tabouret. Côté jardin une table (de jardin) et une chaise. Au centre, une mini-batterie/percussion électronique et une chaise. Et bien sûr des micros.
Ce climat de proximité et de simplicité instauré par le trio accentue encore l’atmosphère intime propre à cette superbe scène de Fourvière. La magie du moment et du lieu est accentuée par le chant des corneilles et des martinets qui se croisent dans le ciel clair comme une invitation au chant.
Le spectacle-part.1
André Minvielle saisit cet instant pour entrer en scène avec ses deux compagnons et attaque d’emblée a capella Pommier de Paradis, très vite rejoint par le saxophoniste et le pianiste. C’est sans compter avec le vent qui éparpille les partitions du chanteur occitan mais les éléments n’auront pas raison de ces trois lascars réunis pour honorer Nougaro.
Le trio malaxe en musique les mots de Nougaro dans un format quelquefois éloigné de l’original ce qui peut surprendre le public. Ce fut le cas lorsque Babx reprend La pluie fait des claquettes dont il offre une version superbe et confidentielle. De la même manière mais dans un autre registre, Thomas de Pourquery donne une nouvelle vie au titre A bout de souffle qu’il murmure dans le micro tout en respectant l’esprit de la version d’origine. Il réveille même les oiseaux qui émettent leur avis !
Avec une délicatesse infinie, Babx donne ensuite une version sensible du titre Les rimes sur la magnifique musique d’Aldo Romano. Pour ce trio peu commun il fallait bien une présentation qui leur ressemble. Ce fut le cas et le public hilare apprécie une élucubration gaguesque durant laquelle les trois artistes débitent en même temps leur différent laïus de présentation ponctués de mimiques et gimmicks très personnels !
Le spectacle-part.2
Le trio continue de plus belle avec un superbe medley… à moins qu’il ne soit préférable d’écrire pot-pourri qui s’inscrirait mieux dans le contexte du spectacle où la langue française et l’occitan sont privilégiés. S’enchaînent alors dans un swing imparable des grands standards de Nougaro, Locomotive d’Or, Amour Sorcier, Toulouse, Dansez sur moi. Une absolue réussite !
On se régale ensuite à l’écoute de « K you K yaw », une composition de Minvielle sur laquelle Nougaro a posé des paroles. Un vrai régal au fil duquel on reconnaît une citation du thème de Jobim, Aguas de Marços. Place ensuite au cinémots de Thomas de Pourquery qui picore des citations parmi une compilation d’interviews de la Dépêche du Midi qui sont lues plus que transversalement. C’est craquant et quelque peu surréaliste même si cette aparté drolatique casse un peu le rythme de la prestation musicale.
Qu’importe, André Minvielle revient avec C’est non, un titre de son ABCD’erre de la vocalchimie, composé par Nougaro sur lequel le voc »alchimiste béarnais a posé des paroles. Le swing reprend le dessus. Avec une douceur infinie Babx interprète Une petite fille dont il donne une version pleine de délicatesse.
Une des forces du spectacle réside dans l’alternance des contrastes. Ainsi après cette douce parenthèse advient La valse à UM pour laquelle André Minvielle a posé des paroles sur la musique de Denis Tuveri. Un enchantement que cette valse musette interprétée en français puis en occitan par André Minvielle soutenu par le piano et relancé par le saxophone alto.
Les rappels
Après un salut de principe, le trio rappelé par le public revient sans trop se faire prier.
André Minvielle en profite pour conter l’histoire fort incertaine mais hilarante de la rencontre improbable entre Isidore Ducasse, plus connu sous le pseudonyme de Comte de Lautréamont, qui aurait remonté le Gave (de Pau) et rencontré la jeune bergère Bernadette après avoir mâchonné un petit champignon, le birou…. « Bernadette sous birou » ! Pour nous faire entendre le son de leurs échanges dans la grotte de Lourdes le musicien use de sa bouteille plastique et de quelques effets électroniques maîtrisés.
André Minvielle continue ensuite à jouer avec les mots, ses percussions, son sac plastique et chante en occitan et en français, Lagenaria, une de ses compositions qu’accompagne le piano. Le trio termine la soirée avec L’île de Ré et invite ensuite le public à reprendre Les Rimes dont les mots résonnent dans les gradins dans un chant unanime.
Après la rituelle pluie de coussins, c’est une version a capella de Toulouse qui termine cette soirée d’hommage à Nougaro fort réussie.
Chaque membre du public est venu avec dans le cœur et l’âme son souvenir de Nougaro. Les trois musiciens ont apporté chacun à sa manière quelque chose de Nougaro. Pour finir, après la soirée, tout le monde repart avec de nouveaux souvenirs, de nouvelles sensations partagées entre tous les présents, spectateurs/trices des gradins et musiciens. Une belle leçon de musique qu’ont donnée ces trois artistes. Pour cet « Hommage à Nougaro » ils ont concilié leur art et ont su communiquer leur amour des mots et du rythme. Ils ont fait rimer la soirée avec simplicité, rareté et altérité. Un moment de pur plaisir comme on en souhaiterait plus souvent
* propos recueillis le 15 mai 2018 dans le cadre d’une rencontre animée par Richard Robert et organisée par les Nuits de Fourvière avec André Minvielle dans les locaux de la librairie Musicalame.
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