Soirée Orange Sonic
Intitulée « Orange Sonic », la soirée du 22 mars 2019 présente un double plateau. Après la musique brute du groupe « Festen », le public savoure la rencontre musicale et chorégraphique proposée par Thomas de Pourquery et ses acolytes de « Supersonic » qui rencontrent leurs amis du Congo. Pour ce RV transcontinental, le soleil a irradié la nuit du Festival A Vaulx Jazz.
Echo#3-A Vaulx Jazz 2019 fait un clin d’oeil sur la soirée « Orange Sonic » du 22 mars 2019 au Centre Culturel Communal Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin. A la tension rythmique saturée de « Festen » succède la lumière cosmique pulsatile et joyeuse de la bande de musiciens et danseurs réunis autour de Thomas de Pourquery.
« Festen »
Depuis 2007, les frères Fleau, Maxime (batterie) et Damien (saxophone), Jean Kapsa (piano) et Oliver Degabriele (basse) sévissent sous le nom de « Festen », groupe à l’énergie brute qui porte le nom du film de Thomas Vinterberg.
Le 22 mars 2019 en ouverture de soirée, les musiciens de « Festen » présentent le répertoire de leur sixième album « Inside Stanley Kubrick » sorti en septembre 2018 chez Laborie Jazz. Les quatre protagonistes invitent le public à pénétrer dans leur musique qui explore l’univers de Stanley Kubrick. Derrière le groupe sont projetées des images ou quelques extraits de films de ce géant du cinéma. Ainsi la musique puise des idées clefs de quelques films. La violence du fameux « Orange mécanique », le côté brut et solide du monolithe de « 2001 Odyssée de l’Espace », » le climat guerrier et explosif de « Docteur Folamour », l’ambiance inquiétante et sanglante du fameux Overlook Hotel de « Shining », pour ne citer que ceux-là.
D’un bout à l’autre du set, rythmique tendue, sono à fond, pulsation souvent binaire qui n’a rien à envier au rock. Les solistes s’effacent au profit du collectif et les éclairages ne restituent que la silhouette des musiciens. Toute expressivité individuelle est gommée, la pulsation rythmique écrase le propos, le piano sature, la basse ronfle, la batterie groove, le saxophone éructe. Ça ne groove point, ça tonne.
Dans la salle des têtes oscillent rythmiquement, certains protègent leurs tympans, d’autres encore attendent en vain que quelque nuance ménage une place au silence et aux contrastes… mais que nenni. C’est Fast and Furious !
Thomas de Pourquery & Friends from Congo
La seconde partie de soirée voit revenir Thomas de Pourquery qui avait enchanté A Vaulx Jazz le 21 mars 2015 avec son projet « Supersonic plays Sun Ra » en ouverture de la dernière soirée de la 28ème édition du festival « A Vaulx Jazz ». Le public s’en souvient encore. Depuis le compositeur, saxophoniste et chanteur a triomphé avec son superbe projet « Sons of Love » sorti en 2017 avec Supersonic.
Lors d’un séjour en République du Congo, Thomas de Pourquery et Supersonic ont joué et rencontré le chorégraphe Delavalett Bidiefono et les danseurs de sa compagnie ainsi que des musiciens congolais. Cet épisode se poursuit avec trois rencontres en France entre le sextet Supersonic de Thomas de Pourquery et trois danseurs parmi lesquels Delavalett Bidiefono, une chanteuse et deux percussionnistes congolais. Le 22 mars 2019, A Vaulx Jazz accueille la première date de cette rencontre transcontinentale entre les musiciens français et les danseurs et musiciens congolais. Le festival Détours de Babel (La Source Fontaine) et le festival Banlieues Bleues en sont les deux autres étapes.
Après l’entrée en scène de Delavalett Bidiefono qui danse sur les notes du saxophone de Thomas de Pourquery, le reste des douze musiciens et danseurs les rejoignent sur scène et la rencontre commence. D’emblée l’alchimie fonctionne entre les musiciens français d’une part les danseurs et musiciens congolais d’autre part. En effet les deux groupes fusionnent en bloc uni.
Conduite avec énergie par le batteur Edward Perraud et le bassiste Frederick Galiay, la rythmique tellurique accueille les percussions africaines de Fabe Beauriel Bambi et Mohamed Sylla. Les quatre musiciens stimulent les interactions des solistes. Le pianiste Arnaud Roulin est en perpétuelle interaction avec le trio de soufflants qui donnent aussi de la voix. Flanqué du volubile et inventif Laurent Bardainne (saxophone ténor) et du lumineux Fabrice Martinez (trompette, buggle), Thomas de Pourquery (saxophone alto) accueille la chanteuse Berléa Dieuveille Bilembolo qui les rejoint sur les arrangements conçus à partir du répertoire du groupe.
Sur le devant de la scène, en avant des musiciens, les deux danseurs Delavalett Bidiefono et Fiston Bidiefono croisent leur danse souple et athlétique avec celle de Cognès Mayoukou qui se meut comme une liane élastique. Ils font alterner mouvements expressifs et coulés avec des enchainements toniques où bras et jambes fouettent l’air comme le font ceux des boxeurs. Comme un combat ritualisé, la danse devient une extension de la musique. Une énergie communicative circule entre la musique et les danseurs et les deux arts croisent leurs ardeurs.
Les vibrations africaines essaiment et la syntaxe de la musique s’en trouve enrichie. Le jazz dense et combatif de Supersonic accueille le battement pulsatile des percussions et la voix de Berlea Dieuveille Bilembolo développe un chant qui évolue entre sensibilité et puissance. Les tubes supersoniques se succèdent, Give the Money Back, Slow Down, Simple Forces, ….
Après avoir accueilli, pop, blues, funk, soul, rock, boogaloo, la musique de Supersonic se teinte d’accents africains et prend des allures d’une célébration gospel groovy.
Si Thomas de Pourquery confie au public le bonheur que cette « rencontre » représente pour lui, il assortit aussi son discours de petits signes de la main et de bisous mais ne se prive pas de stimuler le public pour qu’il participe à la liesse et chante avec plus de cœur pour tenter d’atteindre le Graal. Au final, tout le monde se sent concerné et joue le jeu sans trop se forcer et l’énergie communicative qui se dégage de la scène gagne la salle qui en redemande.
Le groupe franco-congolais revient sans trop se faire prier pour le plus grand plaisir du public et interprète un morceau de Caetano Veloso, O Estrangeiro que Thomas de Pourquery a réarrangé pour l’occasion, comme pour faire le lien entre l’Afrique et le Brésil, clin d’oeil à l’histoire coloniale de la musique qui a cheminé d’Afrique au Brésil et a fait le chemin inverse pour irriguer la rumba congolaise.
La rencontre dynamique proposée par le toujours bienveillant Thomas de Pourquery a donné lieu à d’intenses moments d’échanges scéniques. Animés d’une énergie vitale irradiante, les enfants de Sun Ra, les danseurs et le musiciens congolais ont orchestré une transe ardente et sans frontière qui a conquis le public de Vaulx-en-Velin.
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