« Passerelles » et « Always Too Soon »
En 2017 le pianiste Herve Sellin fait coup double en sortant le même jour, « Passerelles » et « Always Too Soon » chez Cristal. Deux répertoires différents. Deux albums empreints de l’esprit du jazz. Une double réussite.
Sur « Passerelles » Herve Sellin met en évidence les ponts qui existent entre classique, jazz et improvisation. Il consacre « Always Too Soon » à la musique que jouait Phil Woods.
En sortant le 20 octobre 2017 « Passerelles » (Cristal Records/Sony Music Entertainment) et « Always Too Soon, Dedicated to Phil Woods » (Cristal Records/Sony Music Entertainment), le pianiste Hervé Sellin ne fait vraiment pas les choses à moitié. Sa double culture de pianiste classique de formation devenu pianiste de jazz et ses quarante années d’expériences musicales au service de la musique lui donnent toute légitimité pour mener à bien ce projet ambitieux tout à fait réussi.
Issu de la filière classique et plus précisément du Conservatoire National Supérieur de Musique (CNSM) de Paris où il a obtenu en 1980 un double Prix de piano et de Musique de Chambre, Hervé Sellin est ensuite passé au jazz. Depuis 1993 il est professeur au Département Jazz et Musiques Improvisées du CNSM de Paris où il mène « Transversalissime », un travail artistique et pédagogique qui tente de rapprocher les musiques dites savantes, musique classique et contemporaine, et les musiques dites improvisées dont le jazz fait partie.
L’album « Passerelles » lance des ponts entre les univers du répertoire classique, le jazz et l’improvisation. Hervé Sellin utilise des matériaux classiques, les malaxe et les partage avec la pianiste classique Fanny Azzuro et trois jeunes musiciens issus de sa classe de jazz du Conservatoire de Paris, Rémi Fox au saxophone soprano, Emmanuel Forster à la contrebasse et Kevin Lucchetti à la batterie.
Hervé Sellin se joue des frontières et déjoue la complexité des musiques de Schumann, Satie, Dutilleux et Debussy. Il re-construit avec une grande sensibilité les musiques de ces grands compositeurs et les projette dans un monde où le swing est le grand gagnant. Les mélodies gardent leur évidence mais un nouveau dialogue s’établit entre elles, les harmonies et les rythmes qu’impulsent les musiciens.
Cinq Scènes d’Enfants de Robert Schumann, avec la pianiste Fanny Azzuro puis en quartet la 3ème Gnossienne d’Erik Satie suivi du « Choral et Variations » du 3ème mouvement de la Sonate de Henri Dutilleux dont on sait l’intérêt qu’il porte au jazz. Pour finir Hervé Sellin interprète seul le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy. On y perçoit des accents de blues ou de ragtime que le compositeur n’aurait sans doute pas désavoué.
Certes Hervé Sellin n’est pas le premier jazzman à tenter de créer des liens entre classique et jazz mais sa démarche résulte directement de sa vie d’artiste et de pédagogue qu’il consacre en partie à tisser des transversalités entre ces deux mondes. « Passerelles » réussit l’alliage subtil entre l’écriture originelle des musiciens classiques et la dynamique du jazz.
L’album « Always Too Soon, Dedicated to Phil Woods » résonne d’un jazz enraciné dans le bop. Enregistré par Hervé Sellin en quartet l’opus rend un vibrant hommage au saxophoniste Phil Woods. Le pianiste est entouré du saxophoniste Pierrick Pedron, du contrebassiste Thomas Bramerie et du batteur Philippe Soirat.
Hervé Sellin, pianiste attitré du saxophoniste Johnny Griffin a aussi fait deux tournées (2010 et 2011) avec l’altiste Phil Woods. Une relation amicale s’est établie entre eux et l’album propose un répertoire de titres que le saxophoniste aimait à jouer. C’est l’alto de Pierrick Pedron qui a l’insigne honneur de se faire l’écho de la voix de Phil Woods, lui-même le digne successeur de Charlie Parker. C’est dire combien le bop habite les plages de « Always Too Soon ».
Si Pedron brille par son lyrisme et son improvisation bopienne en diable, le pianiste demeure le pilote incontestable de l’album. Il s’inscrit dans une filiation directe avec Thelonious Monk, l’un des pères du bebop, sur les trois plages qu’il lui consacre. Hervé Sellin sonne en effet très monkien.
Outre le répertoire qu’aimait jouer Phil Woods dont un clin d’oeil à Lennie Tristano qui l’a influencé, l’album propose aussi quatre compositions originales.
Willow Woods et Always Too Soon, d’Hervé Sellin ne déparent pas dans le répertoire, pas plus que Dark Machine proposé par Pierrick Pedron dans le plus pur esprit bop. On est séduit par le magnifique Remember Phil écrit par la pianiste, compositrice et chef d’orchestre Carine Bonnefoy. Un espace de respiration où la contrebasse boisée de Thomas Bramerie prend toute sa place. Le batteur Philippe Soirat y fait aussi preuve d’une délicatesse et d’une subtilité inouïe.
Sur « Always Too Soon », Hervé Sellin inscrit sa musique dans la grande tradition du jazz et dans une filiation directe avec la musique que jouait Phil Woods même si l’on ne trouve aucune composition du grand altiste trop tôt disparu. Onze plages habitées et interprétées avec force et sincérité, avec nuance et souplesse. Du jazz inspiré que l’on ne se lasse pas d’écouter.
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