Richesse harmonique et climats poétiques
Le pianiste Joachim Caffonnette appartient à la génération montante du jazz belge. Pour son deuxième album « Vers l’Azur Noir » il s’associe à une section rythmique énergique. Le jeu interactif du trio est habité par un swing omniprésent. La richesse harmonique du propos soutient des mélodies alertes ou poétiques. A suivre avec attention !
Après plusieurs années passées à jouer en quintet, le pianiste belge Joachim Caffonnette rencontre le contrebassiste français Alex Gilson. Sur le conseil de ce dernier, en avril 2017 il fait appel au batteur français Jean-Baptiste Pinet. Les trois musiciens s’entendent à merveille.
Au printemps 2017 ils entreprennent une tournée entre Belgique, Luxembourg et France qui leur permet de trouver leur son. A la suite de cela ils conçoivent d’enregistrer un album annoncé pour le 19 avril 2019. Son titre « Vers l’Azur Noir » fait référence à un poème de Rimbaud.
L’album est dédié à tous les migrants désespérés qui se lancent vers la méditerranée comme vers une illusoire « mer des topazes » qui se transforme en un « azur noir » où se noie leur espoir. Plusieurs titres de l’album évoquent d’ailleurs cette problématique vis à vis de laquelle Joachim Caffonnette est fort impliqué.
« Vers l’Azur Noir »
« Vers l’Azur Noir » (Neuklang Records/See List) propose un répertoire de neuf titres parmi lesquelles six compositions du leader et trois reprises. Deux titres pop-rock, Hey Jude de Paul McCartney (dédié à Julian, le fils de John Lennon) et Sugar Man de Sixto Rodriguez. Un standard de jazz redevable à Thelonious Monk, Monk’s Dream.
A six titres enregistrés au Jet Studio de Bruxelles en novembre 2017 par Angelica Roca et mixées par Vincent De Bast, le groupe a ajouté trois morceaux captés live par Vincent de Bast lors d’un concert à la Cellule 133a à Bruxelles en septembre 2018. Grâce à cette proposition on saisit à la fois la précision du travail du trio en studio et la spontanéité des échanges en concert.
Cette double perception de la musique du trio permet de saisir l’écoute interactive qui relie les musiciens et le jeu symbiotique qu’ils développent. On appréhende ainsi la richesse harmonique des textures et les lignes mélodiques poétiques ou vivaces développées par le trio.
Au fil des titres
Les six premiers titres restituent le travail du trio en studio.
Après une délicate mélodie romantique, Perspectives se densifie harmoniquement et fait référence au contrepoint de Bach. La musique tourbillonne et l’on perçoit la synergie qui règne au sein du trio. Pris sur un tempo plus rapide, Inner Necessity déroule un swing fluide et souple auquel le superbe solo du batterie apporte une respiration.
Entre ténèbres et lumière, le piano interprète en solo Tripoli’s Sorrow, une élégante ballade élégiaque au parfum evansien. Le trio enchaîne avec une version lumineuse et pleine de fraîcheur de Hey Jude dont le développement restitue tout à fait l’esprit de l’original… il manque juste la coda et les na, na, na qu’on est tenté de fredonner in petto.
Intitulé en référence aux derniers mots du premier vers de « Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs » écrit par Arthur Rimbaud en 1871, Vers l’Azur Noir magnifie le versus lyrique du trio dont la poétique musicale ne restitue en rien l’ironie dont le texte rimbaldien est imprégné.
Pris sur un tempo jazz médium, Sugar Man prend ses distances avec la version originale du titre que Sixto Rodriguez a créé lors de sa brève carrière aux USA entre 1967 et 1971 et que l’on a retrouvé en 2013 après un regain de succès en Afrique du Sud en 1998. Avec son alternance de solos, la valse tendre inscrit son format dans un jazz on ne peut plus classique qui magnifie le thème.
Enregistrés live, les trois derniers titres captent l’impact du trio sur le public.
Sur À Mawda, la section rythmique accompagne avec ardeur le jeu effervescent du piano qui porte l’expression de sa colère vis à vis de la mort dramatique de la fillette kurde à qui est dédiée la chanson.
Le trio groove et semble s’amuser sur les presque huit minutes que dure Monk’s Dream. Dans le pur esprit de la composition de Monk, le piano ludique et élastique articule un chorus ponctué de virgules. Les séquences saccadées et les distorsions harmoniques nourrissent le propos du pianiste auquel le batteur répond par un solo fort inspiré.
Jax and Reddy marque la fin du voyage. Cet épilogue met en évidence le goût du piano pour le décalage qu’il maîtrise d’ailleurs à la perfection, le souple mais solide soutien de la contrebasse et la réactivité admirable de la batterie.
La sortie de « Vers l’Azur Noir » donne à découvrir Joachim Caffonnette Trio. Un univers où lyrisme et dynamisme se disputent la préséance. Traversé par le swing et porté par une complicité perceptible, l’album propose une musique fort équilibrée où mélodie, harmonie et improvisation coexistent avec bonheur.
Après un concert de sortie d’album prévu à Bruxelles le 18 Avril 2019, au Théatre Marni, le trio annonce une tournée avec un concert à Paris le 23 avril 2019 à 19h30 au Sunside. ICI pour suivre l’actualité des dates de concert de Joachim Cafonnette Trio.
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