« Blue Xmas » par Miles Davis et Bob Dorough

« Blue Xmas » par Miles Davis et Bob Dorough

« Joyeux Noël » ou « Blue Xmas », on a choisi

Plus que quatre jours avant Noël. Diffuser de la musique dite « de Noël » à cette occasion est quelquefois tentant. Bien loin des chants traditionnels, chrétiens ou païens, c’est « Blue Xmas » qui figure dans le ciel de Noël des « Latins de Jazz… & Cie ».

Ce « Blue Xmas » figure sur le 33 Tours intitulé « Facets » pressé en 1973 (49 ans déjà) par le label CBS (Columbia Broadcasting System) dans la collection « Aimez-vous le Jazz » supervisée par Henri Renaud. Le disque regroupe plusieurs titres enregistrés à New-York par Miles Davis entre 1956 et 1962 avec des orchestres dont la composition varie.

300_facets-de-miles-davis_couvAinsi sur le disque on peut écouter quatre titres enregistrés le 25 juin 1958 avec un onztet où l’on retrouve entre autres musiciens aux côtés de Miles Davis, l’altiste Phil Woods, le pianiste Bill Evans et le contrebassiste Paul Chambers. Du beau monde qui interprète Jitterburg Waltz, Round Midnight, Wild Man Blues et Django sur des arrangement et sous la direction de Michel Legrand.

Deux autres titres ont aussi été gravés sur « Facets » par le quintet classique de Miles Davis des années 1955/1956 avec John Coltrane au saxophone ténor, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie. Il s’agit de Sweet Sue enregistré le 09 octobre 1956 et Budo capté le 27 octobre 1955.

Un autre titre de « Facets », Jazz Suite for Brass est à porter au crédit d’un grand orchestre dirigé par Gunter Schuller avec Miles Davis au flugelhorn et JJ Johnson au trombone. C’est le même orchestre augmenté de John Lewis au piano et Dik Horowitz aux percussions qui interprète Three Little FeelingsMiles Davis joue de nouveau de la trompette. Les deux morceaux ont été enregistrés à New-York en octobre 1956.

Enfin deux autres titres figurent sur la face A de l’album, Devil May Care et Blue Xmas. Miles Davis les a enregistrés avec un sextet composé par lui-même à la trompette, Wayne Shorter au saxophone ténor, Frank Rehak au trombone, William Correa (plus connu ensuite sous le nom de Willie Bobo) aux bongos, Paul Chambers à la contrebasse, Jimmy Cobb à la batterie et Bob Dorough au chant.

Si le sextet a enregistré Blue Xmas le 21 août 1962 en même temps que Nothing like you (absent sur « facets »), c’est le 23 août que le titre Devil May Care est mis en boîte. La production du groupe s’arrêtera là. Blue Xmas fait partie de la compilation de Noël produit en 1962 par le label Columbia. Il est ensuite repris sur l’album « Facets ». Pour précision, ces derniers titres ont été enregistrés entre les sessions des 27 juillet, 13 août et 6 novembre 1962 qui figureront ensuite sur l’album « Miles Davis with The Gil Evans Orchestra ».

Pour revenir à la petite histoire de Blue Xmas, entre 1959 et 1962, Columbia demandait aux artistes jazz de son catalogue d’enregistrer des titres en lien avec Noël qui étaient ensuite compilés sous l’appellation « Jingle Bell Jazz ». C’est ainsi qu’en 1962 le trompettiste Miles est sollicité par Columbia qui lui suggère de travailler avec le chanteur Bob Dorough. Le trompettiste compose la musique et le chanteur écrit les paroles. Le résultat n’est sans doute pas conforme aux critères définis à l’époque pour une « chanson de Noël » et le titre a dû trancher parmi les airs traditionnels enregistrés par les autres musiciens contemporains de Miles Davis.

C’est pour cette non-conformité qu’on a écouté et réécouté ce titre jusqu’à ce que le sillon du disque vinyl soit presque usé. De facto, il s’agit de paroles un rien cyniques qui critiquent ce que l’on peut nommer « le mauvais esprit » de Noël. Pour se garder de trop de critiques, Dorough juxtapose d’ailleurs un sous-titre  au morceau, To Whom It May Concern mis entre parenthèses. En ajoutant, « à qui de droit », Il entend ainsi que tout le monde n’est pas concerné par le texte de la chanson.

Aujourd’hui, Blue Xmas reste encore d’actualité quand il dénonce les Pères Noël de pacotille qui déambulent dans les rues, avec leurs costumes fantaisistes loués, leurs fausses barbes et leurs grands sourires qui sonnent faux. De nos jours encore les pauvres errent dans les rues pendant que d’autres courent pour remplir faire leurs emplettes et remplir les chaussures. Dorough dénonce le faux semblant de générosité des gourmands qui donnent quelques sous aux nécessiteux, aux enfants et aux sans-abri. Il jette un regard critique sur les « zillions » de cartes de Noël. A l’époque il n’y avait pas les sms et les réseaux sociaux qui démultiplient le phénomène.

Bref, même si le titre n’a pas vraiment enchanté Miles Davis qui a eu un regard assez critique sur ses enregistrements réalisés avec Bob Dorough, on écoute malgré tout Blue Xmas avec plaisir.

Et pour finir on reprend avec Bob Dorough…

Blue Christmas, that’s the way you see it when you’re feeling blue
Blue Xmas, when you’re blue at Christmastime
You see right through,
All the waste, all the sham, all the haste
And plain old bad taste

Sidewalk Santy Clauses are much, much, much too thin
They’re wearing fancy rented costumes, false beards, and big fat phony grins
And nearly everybody’s standing round holding out their empty hand or tin cup
Gimme gimme gimme gimme, gimme gimme gimme
Fill my stocking up
All the way up
It’s a time when the greedy give a dime to the needy

Blue Christmas, all the paper, tinsel and the fal-de-ral
Blue Xmas, people trading gifts that matter not at all
What I call
Fal-de-ral
Bitter gall . . . Fal-de-ral.

Lots of hungry, homeless children in your own backyards
While you’re very, very busy addressing
Twenty zillion Christmas cards
Now, Yuletide is the season to receive and oh, to give and ahh, to share
But all you December do-gooders rush around and rant and rave and loudly blare
Merry Christmas
I hope yours is a bright one, but for me it’s blue…

Ouvrages consultés : 
- Miles Davis, L'autobiographie, Miles Davis avec Quincy Troupe, Presses de la Renaissance; 1989, 354 p, page 223
- Miles Davis, Ian Carr, Editions Parenthèses, Colection Epistrophy, 1991, 328p, p158
Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

Après avoir précisé que le concert du 20 août 2023, s’inscrit dans le cadre de Jazz Migration, dispositif d’accompagnement de musicien.ne.s émergent.e.s du jazz et musiques improvisées, Didier Levallet invite les musiciens du Noé Clerc Trio à gagner la scène du Farinier des Moines de l’Abbaye de Cluny.

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Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

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Annoncé en France pour le 08 septembre 2023, l’album « Shades Of Rainbow » permet de découvrir la pianiste japonaise Miki Yamanaka. En compagnie du saxophoniste Mark Turner, du contrebassiste Tyrone Allen et du batteur Jimmy Macbride, elle présente album remarquable où se télescopent swing et inventivité. Tout au long de ses huit compositions, ses solos laissent pantois. Du jazz de haute volée !

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« A Vaulx Jazz 2018 », pour conserver un rythme annuel au festival

« A Vaulx Jazz 2018 », pour conserver un rythme annuel au festival

Pour maintenir le rythme annuel du Festival « A Vaulx Jazz »

Le Festival « A Vaulx Jazz » inscrit depuis bientôt 30 ans dans le paysage du jazz rhône-alpin est menacé de devenir biennal. Le Comité « A Vaulx Jazz 2018 » se mobilise pour défendre le maintien de ce festival sur un rythme annuel. Pour soutenir ce mouvement citoyen, une pétition est mise en ligne.

 

Encore une fois le jazz est mis en danger par une décision politico-économique dont les tenants et les ressorts ne sont pas clairement communiqués sur la place publique mais dont les enjeux dépassent, on le comprend, le strict périmètre de la musique.

 

Pourtant ce festival « A Vaulx Jazz » a fait la preuve de sa profonde immersion dans le territoire de la commune de Vaulx-en-Velin qui vit chaque année durant trois semaines au rythme du jazz. « A Vaulx Jazz » est un repère essentiel dans la vie du jazz régional. Un repère pour les amateurs de jazz, certes mais aussi pour les musiciens et pour les Vaudais qui ont accueilli le jazz depuis plus de 29 ans.

 

En effet depuis de nombreuses années, le périmètre du festival « A Vaulx Jazz » dépasse largement les concerts produits de la scène du Centre Culturel Communal Charlie Chaplin. Au-delà des grands noms de la scène nationale et internationale du jazz, « A Vaulx Jazz », c’est aussi les concerts « Hors les murs » et la mise en place et le soutien d‘actions artistiques.

 

C’est ainsi que durant trois semaines, avec le « Hors les Murs », le jazz vit dans la ville de Vaulx-en-Velin, ses écoles, ses maisons de quartiers, ses crèches, ses maisons de retraite, ses rues, ses places, le Planétarium, la Maison des Fêtes et des Familles, la salle Édith Piaf, le Cinéma Pathé Carré de Soie du Pôle Commercial Carré de Soie, le Conservatoire de Musique et de Danse de Vaulx-en-Velin. Ce « Hors les Murs » rayonne d’ailleurs aussi hors de l’agglomération vaudaise et participe ainsi à faire rayonner encore plus le festival. Pour référence, en 2016, ont participé à ce « Hors les Murs », le Périscope, l’Auditorium de Lyon, L’École Nationale de Musique, L’Épicerie Moderne et bien d’autres encore.

 

D’ailleurs en 2015, Hélène Geoffroy, alors Maire socialiste de Vaulx-en-Velin et Vice-Présidente de la Métropole de Lyon allait en ce sens et reconnaissait, vantait même les mérites du Festival « A Vaulx Jazz » en rappelant les qualités du jazz et du festival qui savent « métisser les cultures » et « embellissent » la ville. Un festival et une année plus tard, le 19 octobre 2016, Nadia Lakehal, adjointe à la culture au maire socialiste de Vaulx-en-Velin, confirme certes la « tenue de la trentième édition du Festival « A Vaulx Jazz » du 14 au 25 mars 2017″ mais annonce que « le festival a vocation à devenir une biennale par la suite ».

 

Certes à la fin du festival « A Vaulx Jazz » 2016, on avait eu vent de « rumeurs » quant à une telle décision mais après le printemps et l’été on continuait à espérer que ces rumeurs ne soient que du vent. Or l’automne 2016 n’est malheureusement pas seulement annonciateur de la chute des feuilles mais aussi de celle du festival « A Vaulx Jazz ». En effet, une annonce publiée dans « Vaulx-en-Velin Le Journal », N° 142, page 5, précise que le festival « A Vaulx Jazz » a vocation à devenir biennal.

 

petition-pour-le-maintien-annuel-du-festival-a-vaulx-jazzLa gravité de cette nouvelle a entraîné une forte mobilisation dont l’initiative revient entre autre au musicien Fred Roudet. Une association, le Comité « A Vaulx Jazz 2018 », a été créée. Sur son site, on peut lire le rappel du contexte et signer une pétition pour le maintien du rythme annuel du festival « A Vaulx Jazz ». A ce jour 967 signatures ont déjà été recueillies. Il importe que la mobilisation soit forte pour que la parole des citoyens soit représentative et participe à la prise de décision des édiles en charge de Vaulx-en-Velin.

 

Certes les réponses tardent aux questions que pose le Comité « A Vaulx Jazz 2018 ». Monsieur Dussurgey et son équipe municipale se défendent de vouloir mettre « A Vaulx Jazz » en péril mais arguent qu’un rythme biennal pour le jazz permettrait à la ville de mettre en place une année sur deux, un festival des cultures urbaines qui conviendrait tout à fait au contexte de Vaulx-en-Velin. Comme si les deux contextes ne pouvaient pas coexister et s’enrichir l’un l’autre. Comme si les décideurs savaient quelle est la musique qui convient aux habitants des banlieues. Comme si à Vaulx-en-Velin le jazz n’était pas perçu ni compris. En quelque sorte, un formatage politicien déciderait quelle musique peut convenir à quels habitants !

 

D’ailleurs un tel positionnement est vraiment curieux car « A Vaulx Jazz » a largement accueilli du hip-hop, du slam, de la musique de rues et le jazz est connu pour avoir toujours été perméable aux autres arts et musiques. En ce sens, le festival « A Vaulx Jazz » représente un vrai modèle car il a toujours porté son regard et son écoute sur les musiques des minorités dont il a favorisé l’expression. « A Vaulx Jazz » a communiqué avec ses habitants qui se sont mobilisés lors des concerts proposés au cœur de la ville. Ce festival pourtant reconnu au niveau national pour ses qualités artistiques et son implication sociétale n’est pourtant pas perçu comme tel par les siens, en tout cas par les décideurs de la ville.

 

Bien sûr on n’est pas sans connaître le contexte économique actuel au niveau de la Région Rhône-Alpes-Auvergne et de la Métropole. On n’est pas sans ignorer la baisse des aides et des subventions vis à vis de cette musique qu’est le jazz mais on se demande pourquoi une équipe municipale consentirait à sacrifier un festival dont la réussite constitue un plus incontestable pour la ville et ses citoyens.

 

Il n’est pas imaginable que les responsables municipaux vaudais restent insensibles aux arguments cohérents portés par le Comité « A Vaulx Jazz 2018 ». Que ceux qui soutiennent le jazz s’expriment ! Il ne s’agit pas d’un vote mais d’un engagement de soutien, une signature au bas d’une pétition qui demande le maintien annuel du festival « A Vaulx Jazz ».

 

Pour un festival « A Vaulx Jazz » pérenne et annuel ! Pour le mélange des musiques et des cultures ! Pour que les citoyens de Vaulx-en-Velin accèdent à la vision élargie que le jazz donne de la musique !

 

 
Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

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Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

Annoncé en France pour le 08 septembre 2023, l’album « Shades Of Rainbow » permet de découvrir la pianiste japonaise Miki Yamanaka. En compagnie du saxophoniste Mark Turner, du contrebassiste Tyrone Allen et du batteur Jimmy Macbride, elle présente album remarquable où se télescopent swing et inventivité. Tout au long de ses huit compositions, ses solos laissent pantois. Du jazz de haute volée !

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Ambronay 2016 – Las Hermanas Caronni

Ambronay 2016 – Las Hermanas Caronni

« Las Hermanas Caronni », loin des musiques formatées

Samedi 17 septembre le duo des jumelles Caronni ouvre le cycle des « réjouissances sous le Chapiteau » que propose le Festival d’Ambronay. « Las Hermanas Caronni » offrent un concert hors des sentiers battus, comme une invitation au voyage.

« Las Hermanas Caronni » est un duo instrumental et vocal. Gianna au chant et aux clarinettes (clarinette et clarinette basse). Laura au chant « lead » et au violoncelle. Elles sont toutes les deux impliquées dans la composition des morceaux qu’elles interprètent. Avec trois albums à leur actif depuis leur venue en France dans les années 90, les sœurs font entendre une musique qui prend racine dans les traditions de leur pays natal, l’Argentine. A ce titre leur production s’inscrit dans ce qu’il est convenu de nommer « Musique du monde ». Pourtant leur identité musicale dépasse largement cette appellation.

En effet, immergées très jeunes dans la pratique de la musique baroque, « Las Hermanas Caronni » se sont aussi familiarisées avec la musique amérindienne et la pratique des percussions. De leur solide bagage musical classique acquis ensuite dans les conservatoires argentins et français (Lyon), les sœurs ont atteint une parfaite maîtrise instrumentale, Par ailleurs les deux artistes portent un intérêt certain pour le jazz et la liberté que l’improvisation procure. Di Donatto, Portal et Sclavis sont quelques-uns des clarinettistes de référence cités par Gianna.

Sur le chapiteau tombe la pluie. Sous le Chapiteau « Las Hermanas Caronni » installent une douce poésie empreinte de sérénité. L’élégance de leur musique triomphe des éléments naturels.

las-harmanas-caronni_ambronay-chapiteau_17092016_nvC’est en toute simplicité et vêtues de noir que les jumelles Caronni présentent leur duo et leur répertoire. Elles ont le souci de caractériser les influences de leur musique et donnent des repères au public d’Ambronay toujours curieux de découvrir les artistes présentés sous le Chapiteau. Parmi les treize titres inscrits au répertoire proposé, huit appartiennent à leur album « Navega Mundos » (Les Grands Fleuves/L’Autre Distribution) sorti en novembre 2015.

La tradition argentine imprègne le répertoire de « Las Hermanas Caronni ». Les musiques du Nord-Ouest de l’Argentine inspirent Cansino, un duo instrumental très calme, presque méditatif qui incite à prendre le temps. C’est du côté des traditions amérindiennes que les sœurs tirent leur inspiration pour le titre Esta cajita qui met en évidence la dimension percussive de ces musiques, l’une utilisant le corps du violoncelle et l’autre les « sabots de chèvre » pour marquer le tempo.

Les jumelles se réapproprient un tango de 1942, Yuyo Verde (« herbe folle »), dont elles donnent une version très libre.las-harmanas-caronni-3_ambronay-chapiteau_17092016_nv En effet, après une introduction instrumentale sensible elles s’évadent du cadre traditionnel du tango. Le murmure de la clarinette s’enroule autour de la mélodie nostalgique que chantent les cordes du violoncelle mais la passion reste sous-jacente. C’est La Chica del 17, un tango « vintage » que les sœurs interprètent en l’honneur à leur grand-mère qui leur a transmis le gout du chant. Laura entraîne son violoncelle dans une danse enlevée et sautillante. Avec Chamuya c‘est la milonga qu’explorent « Las Hermanas Caronni ». Ce titre plein d’humour figure sur leur deuxième album « Vuela ». Il s’agit d’une « milonga chinoise » écrite en souvenir de la période où elles croisent Juan Carlos Cáceres et jouent dans un orchestre de tango dans le quartier de Belleville à Paris. Le violoncelle lyrique laisse la parole à la clarinette basse très expressive qui ponctue son discours de citations de « La vie en rose » et de « Summertime ». La voix de Laura s’en mêle et installe une ambiance chinoise avant de reprendre des tonalités plus argentines.

La musique de « Las Hermanas Caronni » fait aussi des escapades du côté de la péninsule ibérique avec El Espagñol un morceau instrumental mélancolique d’inspiration espagnole. Les musiciennes font un clin d’œil à l’Andalousie avec leur reprise du titre des « Doors », Spanish Caravan. Pour pimenter le tout elles insèrent des bribes d’un morceau classique qu’elles donnent à découvrir au public. Il s’agit de « Tableaux d’une exposition » de Moussorgsky.

« Las Hermanas Caronni » saluent aussi la France avec une version très personnelle du morceau de Brassens, Je me suis fait tout petit. Leur pointe d’accent charmant accompagne leur interprétation de ce titre où la clarinette prend des accents klezmer et la voix de Laura se lance dans un scat très souple. Interrompues par les applaudissements du public abusé par la fin du scat, les sœurs ne se laissent pas déstabiliser et reprennent le morceau pour le terminer avec une fantaisie quelque peu dramatisée sur les cordes du violoncelle.

Avec émotion, les sœurs rappellent l’arrivée de leurs grands-parents suisses-italiens sur la terre argentine et interprètent Pachamama, « terre-mère » en leur mémoire. Les deux voix se superposent, puis la clarinette brode et esquisse un pas de tango.

Au-delà de toutes leurs influences musicales, « Las Hermanas Caronni » nourrissent leur répertoire de poésie et de douceur. On retient Macondo, composition écrite en hommage à l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez qui a situé à Macondo l’intrigue de son roman « Cent ans de solitude ». Elles nous rappellent d’ailleurs que ce roman est toujours d’actualité et que le temps tourne en rond. On a aimé les vers de Rainer Maria Rilke chantés sur la version inspirée de La mélodie des Choses dont la musique est écrite par Laura Caronni.

Le public ne cache pas son enthousiasme pour la musique des jumelles Caronni qui reviennent avec Drume negrita, une berceuse traditionnelle cubaine. « Las Hermanas Caronni » invitent ensuite les spectateurs à les rejoindre pour un After au Bar du Festival.

laura-caronni_ambronay-after_170916_nvC’est gianna-caronni_ambronay-after_cl_17092016_nvdans un bar bondé que les musiciennes sont accueillies pour l’After. Après leur généreuse prestation, elles jouent le jeu et offrent un second concert qu’elles animent avec patience et pédagogie. Elles se présentent et n’hésitent pas à donner des précisions très éclairantes concernant leurs trajectoires personnelles et les musiques qu’elles interprètent. On découvre la chacarera, rythme argentin inspiré de l’époque de la colonisation et typique de leur région d’origine, vers Rosario dans la campagne du nord-est de l’Argentine. C’est ensuite l’histoire d’un homme qui parcourt la pampa et dont la seule compagnie est celle d’un essieu grinçant, … en quelque sorte une rencontre musicale entre Jean-Sébastien (Bach !) et Atahualpa Yupanqui. En fin de soirée, elles entraînent le public à chanter avec elles une valse créole qui conte l’histoire d’un cheval têtu et indomptable.

Après cette soirée teintée d’une nostalgie toute argentine, il vient la tentation de réécouter « Vuela » et « Navega Mundos »  pour se replonger dans l’univers de « Las Hermanas Caronni » que l’on quitte avec regret. Par contre on se console en apprenant que prochainement leur premier album, « Baguala de la siesta » (actuellement indisponible) va être pressé de nouveau.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

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Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

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Jazz Campus en Clunisois fidèle à ses valeurs

Jazz Campus en Clunisois fidèle à ses valeurs

  A la clef de Jazz Campus en Clunisois : Liberté & Création

La quarantième édition de Jazz Campus en Clunisois est restée fidèle à sa ligne directrice. Grâce à la ténacité remarquable de Didier Levallet, le festival a proposé un jazz créatif et évolutif. Pour lui donner raison, le public n’a pas boudé son plaisir et les musiciens généreux se sont éclatés.

300_affiche-festival-jazz-campus-clunisois-2016Centrée sur un jazz en mouvement, la programmation de Didier Levallet a fait se côtoyer des musiciens de renommée internationale et de nouveaux venus inventifs. Du 13 au 20 août, lors du festival Jazz Campus en Clunisois, un jazz ouvert et inventif s’est exprimé sur les différentes scènes du festival et a proposé un très large éventail d’expressions et d’orchestres (du big-bang au duo).

On a apprécié la diversité des styles et des groupes écoutés les 18 et 19 août. Trois concerts très différents, trois moments de plaisir partagé avec un public conquis et des musiciens heureux de jouer.

La soirée du 18 août au Théâtre les Arts de Cluny présente le trio du guitariste 300_Marc-Ducret_JCeC_18082016_NVMarc Ducret associé au trio « Métatonal ». Virtuose de la guitare, Marc Ducret  est associé depuis vingt ans avec le batteur Eric Echampard et le contrebassiste Bruno Chevillon. Avec eux il pratique un jazz créatif et sans cesse renouvelé. « Métatonal » regroupe le saxophoniste alto Christophe Monniot, le trompettiste Fabrice Martinez et le tromboniste Samuel Blaser.

Le sextet installe une atmosphère détonante et énergique. Le toucher nerveux, précis et claquant de Ducret stimule le groupe. Entre rock et blues, il déchire le son et mène le bal. Les solistes croisent le fer et au fil d’un même morceau l’ambiance se tend, s’épaissit  et se déchire sans omettre de ménager des trouées éthérées.

Au trombone, Samuel Blaser alterne entre puissance cuivrée et fluidité. De la trompette de Fabrice-Martinez_JCeC_18082016_NVFabrice Martinez jaillissent de lumineux chorus. Christophe Monniot construit avec puissance et  précision des improvisations qui sont de réels moments de grâce. La frappe orageuse d’Eric Echampard se transforme en un toucher coloriste aux dégradés raffinés lorsque ses balais caressent les cymbales. Bruno Chevillon chemine de bout en bout avec précision et justesse, attentif et réactif aux climats.

Dans cette foisonnante forêt de sons, les musiciens habitent l’espace de liberté que prodigue la musique et génèrent des climats rageurs électriques voire même sulfureux sans omettre de ménager des espaces de poésie salvatrice. Les titres se succèdent, Influence, Dialecte, Kumiho. On retient son souffle pour mieux savourer la musique intense puissante mais chaleureuseMarc-Ducret-harmonica_JCeC_18082016_NV. Le plaisir que prennent les musiciens à jouer exsude de leurs instruments et transparait sur leurs visages.

MarcDucretTrio-et-Metatonal_JCeC_18082016_NVEn fin de concert, Marc Ducret dédie le morceau 64 au saxophoniste Guillaume Orti présent dans la salle (il anime les ateliers d’orchestre des stages). Le thème rend hommage à Bob Dylan, celui qui a déclenché chez Ducret l’envie de jouer. 64 reprend deux titres de Dylan, The Time they are a changin’ et Wigwam reliés par une courte boucle musicale écrite par Ducret. Entre guitare et harmonica, Marc Ducret fait  monter la pression avec souplesse et puissance. Félin et reptilien à la fois, le guitariste déroule l’étendue de son savoir-faire et fait montre d’un plaisir extrême à partager ce concert avec ses comparses.

On garde du concert de Marc Ducret trio + « Métatonal », le souvenir d’un concert jubilatoire et incandescent dont on aurait aimé qu’il n’ait pas de fin. Un plaidoyer pour la musique vivante.

tilleul-haras-pique-nique_JCeC_19082016_NVLe 19 août, un pique-nique est proposé à midi dans la cour du haras national de Cluny. En guise de menu musical, un concert du « Possible(S) Quartet ». Assis dans l’herbe, le public a répondu présent pour écouter les quatre musiciens installés sous l’ombre bienveillante des branches d’un majestueux tilleul centenaire. Possibles(S)quartet_JCeC_19082016_NVDeux trompettistes, Rémi Gaudillat et Fred Roudet, un tromboniste Loïc Bachevillier et un clarinettiste, Laurent Vichard réunis pour livrer un jazz de tous les possible(S).

Quatre soufflants pour un voyage imaginaire. Entre fanfare et orchestre « chambriste », les compères content des histoires musicales aux éclats cuivrés et aux titres évocateurs. Chassez le naturel, il revient au Tango, La tendresse de la sauterelle, Les poilus, Nuit et Entre-danse, Se faire appeler Arthur, L’armée des poètes. L’imagination des spectateurs vogue de tableau en tableau, au gré des ambiances nuancées. On apprécie l’équilibre qui existe entre l’espace de liberté propice à l’improvisation et les mouvements orchestraux où la mélodie repose sur une rythmique solide assurée par les autres instrumentistes.

Les musiciens du « Possible(s) Quartet » mettent leurs qualités techniques au service de la narration orchestrale. Le cadre bucolique et la musique poétique et élégante ont comblé un auditoire attentif où se côtoyaient toutes les générations.

Brotherhood-cop-Maurice-Salaun-300x300Le soir du 19 août, le Théâtre les Arts de Cluny accueille le « Brotherhood Heritage » qui rend hommage à l’esprit de la musique du « Brotherhood of Breath » (Confrérie du Souffle), big-band issu d’un orchestre Sud-Africain réfugié en Europe pour cause d’apartheid dans les années soixante. Ce « Brotherhood of Breath » a influencé la scène européenne du jazz sous la houlette de Chris McGregor jusque dans les années 90. Le contrebassiste Didier Levallet a fait partie des dernières moutures de cet orchestre historique. Il co-pilote avec le pianiste François Raulin le projet du « Brotherhood Heritage »  qui reprend en partie le répertoire de l’orchestre d’origine et mêle des compositions originales écrites dans le même esprit, comme Hymne to Breath, de François Raulin.Brotherwood-Heritage-SAX6CB6P6DRt_JCeC_19082016_NV

Sur scène sont réunis des musiciens aguerris à la musique improvisée et ouverts aux expériencesBrotherwood-Heritage-tpt-tb_JCeC_19082016_NV. Comme le dit François Raulin tous ces musiciens ont en commun la « capacité de s’exprimer en trois accord et de groover ». On retrouve le saxophoniste et clarinettiste anglais Chris Biscoe qui a lui aussi fait partie des dernières moutures du « Brotherhood of Breath ». Raphaël Imbert (saxophone), François Corneloup (saxophone baryton), Michel Marre et Alain Vankenhove (trompette), Simon Goubert (batterie), Jean-Louis Pommier et Mathias Mahler (trombone). Le spectacle a été créé à Jazz sous les Pommiers où il a reçu un accueil enthousiaste.

Au court du concert vibre l’esprit de la fête. Brotherwood-Heritage-salut_JCeC_19082016_NVLes instrumentistes saisissent tous les espaces de liberté et les mettent à profit pour s’exprimer. La masse sonore rutile. L’orchestre propose une musique ensoleillée et chaleureuse, une sorte de musique du bonheur profondément enracinée dans les rythmes africains. Les corps des musiciens sont habités de cette joie et les visages irradient de lumière. La texture sonore change de couleur au gré des improvisations et des orchestrations. Des arrangements aux échos ellingtonniens succèdent aux extravagances des solistes qui rivalisent de créativité et de fantaisie.

Rutilant, le « Brotherhood Heritage » groove en toute liberté. La musique rayonne et le concert est une réussite incontestable. Dommage qu’il y ait une fin à cette parenthèse d’allégresse.

Il faudra attendre encore douze longs mois pour retrouver Jazz Campus en Clunisois et s’immerger de nouveau dans un jazz libre et créatif.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

Après avoir précisé que le concert du 20 août 2023, s’inscrit dans le cadre de Jazz Migration, dispositif d’accompagnement de musicien.ne.s émergent.e.s du jazz et musiques improvisées, Didier Levallet invite les musiciens du Noé Clerc Trio à gagner la scène du Farinier des Moines de l’Abbaye de Cluny.

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Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

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Annoncé en France pour le 08 septembre 2023, l’album « Shades Of Rainbow » permet de découvrir la pianiste japonaise Miki Yamanaka. En compagnie du saxophoniste Mark Turner, du contrebassiste Tyrone Allen et du batteur Jimmy Macbride, elle présente album remarquable où se télescopent swing et inventivité. Tout au long de ses huit compositions, ses solos laissent pantois. Du jazz de haute volée !

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Duo Desiderio-Oliveira au Péristyle

Duo Desiderio-Oliveira au Péristyle

Le Jazz brésilien du Duo Desiderio-Oliveira

Après le concert de sortie de l’album « Rencontre » sur la scène de Cybèle du festival de Vienne, le Duo Desiderio-Oliveira revient au Péristyle. Avec 3 sets par soirée, c’est l’occasion rêvée pour écouter et savourer en direct le répertoire du disque. Mélodies chatoyantes et rythmes brésiliens tressent une musique colorée.

300-300_Zaza-Desideiro_CoulOriginaire300-300_Ewerton-Oliveira-coul de Rio de Janeiro, le batteur-percussionniste Zaza Desiderio, a grandi en vrai carioca avec le Choro et la Samba. Dans le Nordeste, à Recife, c’est le Frevo et le Macaratú qui ont bercé le pianiste Ewerton Oliveira. Ces deux Brésiliens ont donc baigné dans la tradition musicale de deux villes différentes et éloignées. De la même génération, les deux artistes ont pourtant en commun d’avoir grandi en écoutant les musiques traditionnelles de leurs régions respectives, les musiques instrumentales brésiliennes, les classiques de la Bossa-Nova, la Música Popular Brasileira (Musique Populaire Brésilienne) et aussi le jazz. Rien ne favorisait la rencontre de Zaza Desideiro et Ewerton Oliveira sur le territoire de ce vaste Brésil.

La vie les a conduits séparément en France en 2010 et le hasard a fait se rejoindre leurs routes à Lyon, ville où ils se sont installés et qu’ils ont adoptée. Pratiquer et écouter la musique à Lyon les a conduit à se côtoyer lors de soirées musicales puis à croiser leurs notes. Au fil du temps, les deux musiciens devenus plus proches envisagent de jouer ensemble et de composer quelques thèmes. Au gré des rencontres humaines, de belles personnes les encouragent à persévérer et à aller plus loin.

300-300_Couv_CD-RencontreAinsi, né en France du hasard de leur rencontre et de leur culture respective, le Duo Desiderio-Oliveira murit un projet musical dont l’album « Rencontre »… « encontro » est le résultat.

Les deux compères engagent une démarche de financement participatif et la collecte de fonds leur permet d’enregistrer l’album au TooTee Studio les 03, 04, 05 et 06 mars 2016. Mixage et mastering ont été réalisés par Pierre Baudinat. « Rencontre » sort chez Diapason et est distribué par Socadisc (distributeur de musique indépendant).

« Rencontre », l’album porte bien son nom. Il a pu voir le jour grâce à la force des relations nouées par ces deux musiciens depuis leur arrivée à Lyon. Si les deux complices savent nouer les relations humaines, leur créativité leur permet aussi de tisser une musique alimentée par les nombreuses influences musicales qui ont nourri leur inspiration. Entre joie et nostalgie l’opus palpite au rythme du jazz et des musiques du Brésil. Un disque coloré qui fait écho aux harmonies chatoyantes des chemises des deux complices.

Rythmes variées et mélodies ciselées irriguent un répertoire de 19 titres dont 17 compositions originales écrites à part quasi égale par les deux musiciens ou résultant d’une co-écriture. Les deux Lyonnais d’adoption reprennent aussi avec bonheur le thème Capivara d’Hermeto Pascoal, compositeur si cher à Ewerton et le duo interprète aussi le populaire Eu Vi Mamãe Oxum na Cachoeira um.

Certes réussir un album n’est pas chose aisée et l’avoir fait est déjà un challenge mais parvenir à transformer un répertoire léché en une musique de concert est encore un pari plus risqué. Ce d’autant plus que l’exercice du duo est exigeant et requiert en temps réel une maîtrise technique infaillible sur les instruments mais aussi une connivence sans faille entre les deux protagonistes. 

320-72_ZazaDesiderio-EwertonOliveira_02-16082016_Peristyle_nvLe Duo Desiderio-Oliveira a gagné aussi sur ce tableau de la musique live. En effet, chaque set de la soirée du 16 août au Péristyle apporte sa part de surprises et se teinte d’une couleur différente. Les climats se suivent et les textures ne se ressemblent pas. Un set pugnace et tendu précède un autre plus introverti et ciselé. Pour finir, l’ambiance se fait plus ludique et la prise de confiance aidant, l’espace de liberté augmente et les improvisations s’étoffent avec réussite. De bout en bout la musique vibre de sincérité et de complicité, de précision et de folie à la fois, de maîtrise et de d’imagination. Les regards des deux musiciens ne se quittent pas, les sourires irradient leur visage, leur attention demeure de bout en bout. La salle du Péristyle témoigne d’une écoute attentive et d’une réactivité extrême. Toutes les chaises sont tournées vers la scène.400-72_ZazaDesiderio-1_16082016_Peristyle_NV

Le « batteriste »- percussionniste Zaza Desideiro démultiplie son talent. Son énergie est tout entière consacrée aux rythmes complexes qui se succèdent et balaient quasiment l’entièreté des musiques du Brésil. Sa frappe précise et musicale alterne entre pandeiro, triangle et batterie. Entre les claviers du piano et ceux des synthétiseurs « Korg » et « Yamaha », le pianiste Ewerton Oliveira jongle de belle manière au gré des climats et sait utiliser à bon escient les sonorités du « Moog » aux ambiances un peu cosmiques.EwertonOliveira_16082016_Peristyle_NV

Lors de la soirée du 16 août, on a aimé l’atmosphère des rues avec Passeanda Nas Ruas et l’immersion dans le climat plus tragique de Caminho Mysterioso. La belle se peigne joue d’insolence. Au gré des rythmes variés, les mélodies brodent de nouveaux univers, la pression monte, la belle nous provoque et pour terminer est applaudie à tout rompre. Acorda e Vai fait un clin d’oeil à la génération funky des Brésiliens et les spectateurs balancent en rythme. Raiz de Mandeioca déclenche son lot d’applaudissements et Zaki no Frevo nous transporte dans les rythmes du Nordeste. Rencontre_mainsZazaEwertonAvec délice on découvre la saudade sautillante et bleue de Tereza no blues. Sur Aline si belle, les deux musiciens se partagent le piano pour interpréter ce titre qui est un lando, rythme afro-péruvien pour lequel le percussionniste utilise coquillages et bois du piano pour remplacer le cajon.

On a particulièrement apprécié l’interprétation nuancée du thème Capivara d’Hermeto Pascoal aux ruptures rythmiques foisonnantes et on retient aussi l’interprétation du titre Estrada de São Saru320_EwertonOliveira-OlivierTruchot_16082016_Peristyle_NVê qui évoque un lieu imaginaire, véritable paradis où coule le miel et les fruits à foison. « Moog » et triangle y font monter la tension musicale qui éclate en un feu d’artifice. La suave comptine Linda Flor de Manhã est interprétée en hommage à la fille d’un ami pour laquelle elle a été composée. Les musiciens ont aussi fait un clin d’oeil à Antonio Carlos Jobim à deux reprises. D’abord, Samba da Una Nota So prise sur un rythme rapide et se termine par un 4/4 piano-batterie. Ensuite, O morro não tem vez interprété en rappel du dernier set avec un invité surprise, le pianiste Olivier Truchot qui a partagé les claviers avec Ewerton et s’en est donné à cœur joie.

Les concerts donnés au Péristyle par le Duo Desiderio-Oliveira prouvent l’équilibre symbiotique qui existe entre les deux instrumentistes. Face au public, le répertoire gagne en épaisseur, les morceaux sont densifiées et magnifiés. La mise en place est soignée et rigoureuse. Les dimensions rythmique, mélodique et harmonique sont explorées sous toutes leurs facettes et la grande place laissée à l’expression personnelle via l’improvisation comble d’aise le public venu écouter les deux musiciens.

On reste immergé dans la dynamique colorée des musiques du Duo Desiderio-Oliveira avec une écoutedu titre Estrada De São Saruê  issu de l’album « Rencontre ».

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

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Miki Yamanaka présente « Shades Of Rainbow »

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Jazz Trio_Vallognes-Teruel-Oukrid au Péristyle

Jazz Trio_Vallognes-Teruel-Oukrid au Péristyle

L’énergie souple et sensible du « Jazz Trio » fait mouche

Du 04 au 06 août, la musique énergique et harmonieuse du « Jazz Trio » a conquis le public attentif . Dans les travées du Péristyle, écoute, encouragements spontanés et applaudissements. Un véritable enchantement !

400-72_Péristyle_Eric -Teruel-trioDurant trois jours le Péristyle assume vraiment sa vocation de salle de concert pour le plus grand plaisir de tous les spectateurs. Manu Vallognes (basse électrique), Eric Teruel (piano) et Yvan Oukrid (batterie) tissent une musique nuancée qui enchante et respire. On perçoit la complicité qui circule entre les musiciens du « Jazz Trio ». La joie du partage illumine leurs échanges et les densifient. C’est avec une énergie mâtinée de souplesse et de sensibilité que les trois compères proposent un répertoire de compositions originales d’Eric Teruel et de standards revisités avec talent.

Côté trio, Eric Teruel n’en est pas à son coup d’essai. Il a en effet déjà enregistré précédemment trois albums en trio sous son nom puis a opté pour le solo et ensuite le quintet sans oublier son travail autour de la chanson française, le cinéma et le groupe « Mei Teï Sho ». Avec ses deux nouveaux complices, il a fondé le « Jazz Trio » depuis plus d’un an. Yvan Oukrid et Manu Vallognes sont aussi des musiciens émérites dont le talent est reconnu depuis longtemps.

L’univers de ce « Jazz Trio » est singulier. La musique coule tout en souplesse et en finesse. Une musique à la mise en place peaufinée. Les arrangements des standards surprennent et dépaysent l’auditeur. Sur sa U-basse fretless Manu Vallognes tisse une trame harmonique tout en rondeur. Ses introductions lyriques et ses chorus précis teintent de poésie les morceaux du trio. A la batterie, Yvan Oukrid maîtrise les balais et prodigue alors un soutien efficace mais discret. Par contre, il sait tempêter avec force et énergie quand le tempo l’impose. Rythmiciens avérés, les deux musiciens prodiguent un environnement qui laisse toute latitude au pianiste pour improviser.

C’est en effet grâce à l’accompagnement attentif de ses deux compagnons qu’Eric Teruel peut laisser court à son talent. On ne peut s’empêcher de retrouver chez lui des traits qui évoquent fugacement Ahmad Jamal ou Michel Petrucciani bien qu’il s’exprime en fait dans un idiome qui lui appartient en propre. Aérien et précis il sculpte les ballades comme des haïkus. Par contre son toucher sait se faire tonique et véloce sur les rythmes soutenus qu’il maîtrise. Ses postures font échos à ses interventions. Debout au-dessus de son siège lors des chorus tendus. Félin et détendu lorsque sa main droite danse sur le clavier et brode les thèmes ou les impros.400-72_Manu-Vallognes-Eric-Teruel-Yvan-Oukrid-Jazz-Trio Il surfe avec aisance sur le tapis déroulé par la basse et la batterie. Tout cela sans jamais se départir de son sourire.

Chez les trois musiciens, pas d’esbroufe, pas de gimmicks. Loin des modes qui se démodent le « Jazz Trio » propose une musique construite au gré d’une inspiration sans cesse renouvelée. Il explore tous les territoires. Il sait se déchaîner mais aussi évoluer avec délicatesse sur les ballades ou les rythmes médium. Les compositions du pianiste déclenchent l’enthousiasme. Sur Deep Trip, les musiciens explorent le registre de la nostalgie. Sur Foolish dance, le swing implacable du trio est servi par une mise en place précise. Pris sur un train d’enfer, Rescue porte quant à lui très bien son titre. Sans inhibition, décoiffant et tonique, il propose un 4/4 échevelé. On apprécie que ces musiciens confrontent leur art aux standards souvent boudés par la jeune génération. Ils les déconstruisent pour se les approprier avec simplicité et bon goût. On a écouté avec bonheur Invitation et son introduction de basse évocatrice de Jaco Pastorius. You and the Night and the Music pris sur un tempo rapide permet un solo de batterie débridé.

« Jazz Trio ». Un bain de musique vivifiante et ciselée dans laquelle il fait bon s’immerger. Trois musiciens complémentaires qui unissent leurs talents pour créer une musique très personnelle.

300_Mad Train_cover-cdA l’occasion des concerts du Péristyle on apprend qu’un disque du « Jazz Trio » est annoncé pour la rentrée. « Mad train » (Label TroisFoisplusMusic). Les spectateurs en profitent en avant première. L’album sera disponible mi-octobre mais il est possible de le commander sur http://www.tfpm.org/madtrain.html.

Onze titres comme onze gares qui reflètent l’esthétique singulière du « Jazz Trio ». On a vraiment envie de monter dans ce train finalement pas si fou que cela. A moins que la folie ne consiste à créer une musique vivante à l’encontre des tendances actuelles plutôt lisses et sans âme.

Un petit avant-goût du disque avec cette vidéo de With a song in my Heart

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Noé Clerc Trio

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