A Vaulx Jazz-Soirée Future Sax – Steve Coleman

A Vaulx Jazz-Soirée Future Sax – Steve Coleman

Steve Coleman continue à inventer le jazz

La venue de Steve Coleman pour la seconde partie de la soirée du 23 mars 2017 constitue un évènement majeur. Le retour du saxophoniste alto avec son trio Reflex mobilise les amateurs de jazz de toutes générations. Le concert comble voire dépasse les attentes des spectateurs qui repartent convaincus que le jazz a un avenir.

Depuis quatre décennies Steve Coleman poursuit sa quête et refuse les étiquettes. Il est pourtant le cofondateur, au milieu des années 80, du mouvement M-BASE. Imprégné de philosophie il s’est aussi penché avec attention sur l’harmonie et les cycles rythmiques. Il a su intégrer le funk et le hip-hop à son vocabulaire musical et manifeste beaucoup d’intérêt pour les musiques et les cultures de Cuba, de l’Inde, du Ghana, de l’Égypte et plus récemment du Brésil.

Né en 1956, ce saxophoniste altiste est aujourd’hui considéré comme un de ceux qui a influencé la conception musicale des nombreux jazzmen venus après lui. Dans le même sens, il aime lui aussi faire référence aux anciens musiciens qui ont contribué à forger les bases de son univers. Charlie Parker, Sonny Stitt, Von Freeman mais aussi Sam Rivers, Thad Jones, Bunky Green sans oublier bien sûr Sonny Rollins et John Coltrane. Il dit avoir construit sa conception du jazz à partir de l’écoute de toutes ces figures légendaires du jazz et affirme que « le jazz est un continuum ».

C’est la troisième fois que Steve Coleman tourne en trio qu’il nomme d’ailleurs toujours « Reflex ». En 1993 il avait à ses côtés Reggie Washington et Gene Lake puis a retrouvé Marcus Gilmore et David Virelles en 2011. En 2017 il vient avec deux complices de longue date, ce qui facilite les interactions et la compréhension mutuelle. Il s’agit du bassiste Anthony Tidd et du batteur Sean Rickman.

Tel un architecte, Steve Coleman construit un set équilibré et solide. La musique prend forme, se transforme, se déforme, se bâtit au fur et à mesure des séquences qui se succèdent au gré de l’inspiration des musiciens et ils n’en manquent pas. Le concert se déroule dans la pénombre. Cette ambiance propice à la concentration participe sans doute du recueillement quasi mystique qui plane au-dessus du public. Très concentré, le saxophoniste semble ancré dans la musique comme un roc inaltérable autour duquel il élabore une musique instantanée qui comble d’aise les spectateurs unis dans une écoute attentive.

Le saxophoniste alto chante en continu sans effort au-dessus de la trame polyrythmique riche nourrie par un batteur hyper réactif et un bassiste très libre. Le leader décroche du micro et le discours du bassiste démarre poussé par le chant hors-micro de l’altiste et les mille nuances de la batterie. Quand Coleman revient, son souffle serein et inlassable émet des lignes réitératives auxquelles se mêlent des mélodies aiguës qui semblent venues d’un autre saxophone. Un double discours, comme un croisement de temporalité. La maîtrise technique absolue du musicien lui permet de libérer son discours de toute contrainte, de prendre tous les risques, de se dépasser et de créer dans l’instant une musique unique et toujours innovante.

Que cette musique porte le nom de jazz ou comme le dit Steve Coleman, « un tout cohérent avec l’univers », elle met d’accord les musiciens, les mélomanes, les néophytes et tous ceux qui écoutent avec attention et sans idées préconçues.

Après de sublimes moments où le calme règne sur scène, les musiciens convoquent une fusion assez étonnante entre saxophone et batterie. La trame se densifie et la tension monte d’un ton. Le saxophoniste sculpte la matière sonore. Un solo de batterie phénoménal relance les échanges entre le bassiste et le saxophoniste qui interrogent la musique et interagissent sans répit. Des geysers jaillissent du saxophone alors que le bassiste et le batteur segmentent le rythme. Steve Coleman fait même un clin d’oeil au be-bop et à Charlie Parker.

Après la lave, le saxophoniste souffle le zéphyr sur un tempo très lent qui permet à la basse de tracer une ligne mélodique et de faire résonner les harmoniques de son instrument avant que survienne un nouveau paroxysme et que le rythme s’accélère. En rappel le concert se termine par un cadeau inattendu… ‘Round Midnight, comme un salut du saxophoniste à Thelonious Monk, un des plus grands compositeurs du jazz.

Le grand ordonnateur Steve Coleman a distribué les cartes, les musiciens ont joué et gagné la partie avec brio. Du début à la fin du set, la mise en place est parfaite, la suite musicale se déroule avec une fluidité étonnante et bannit tout excès démonstratif. Le public est comblé et manifeste avec chaleur son admiration et son respect.

Maître incontestable de l’improvisation et de la composition spontanée Steve Coleman a comblé le public du festival A Vaulx Jazz. Il a offert un voyage musical construit à partir des fondations du jazz et de son inspiration intérieure. Il a démontré si tant est que cela soit encore à prouver, que cette musique possède un avenir. Il reste aux musiciens à l’investir, aux public à s’en saisir et aux producteurs et programmateurs à le mettre en valeur.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – Simon Goubert – Sylvain Rifflet

Le 25 août 2023, Jazz Campus en Clunisois 2023 propose un double plateau sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny. En ouverture et en solo, le batteur Simon Goubert fait chanter « Le Matin des Ombres » puis, à la tête de son quartet, le saxophoniste Sylvain Rifflet s’adresse « Aux Anges » et invite le public à les rejoindre dans un monde électroacoustique tourmenté. Contrastée, cette surprenante soirée fait alterner et grondements et tourbillons sonores.

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – L’homme À Tête de chou in Uruguay

Le 24 août 2023, Didier Levallet accueille le quartet de Daniel Zimmermann sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny. Le tromboniste vient présenter son projet « L’homme À Tête de chou in Uruguay ». Un spectacle exaltant et volcanique qui propose une relecture innovante de chansons issues du répertoire de Serge Gainsbourg. Des variations inventives sur lesquelles souffle l’esprit d’un jazz teinté de rock, de funk et de reggae.

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A Vaulx Jazz-Soirée Future Sax – Shabaka and The Ancestors

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Shabaka and the Ancestors ré-imaginent l’univers du jazz

La première partie de la soirée du 23 mars 2017 intitulée « Future Sax » accueille « Shabaka and the Ancestors », une des formations du saxophoniste ténor Shabaka Hutchings. Le groupe tient ses promesses et offre un jazz libre inspiré par l’Afrique de Sud. Le public enthousiaste cède à l’alchimie incandescente du jazz.

Le saxophoniste ténor londonien Shabaka Hutchings se prénomme du nom d’un pharaon égyptien nubien Neferkare Shabaka (-716 à -702) issu de la vingt-cinquième dynastie d’Egypte. Comme bien d’autres musiciens de jazz avant lui, le musicien se tourne vers l’Afrique pour abreuver son inspiration à la source de cette matrice primitive.

S’il est né à Birmingham, Shabaka Hutchings a été élevé à la Barbade avant de revenir en Angleterre. Impliqué dans de nombreux projets dont « Sons of Kemet », un brass-band punk qui rêve d’Éthiopie, mais aussi « The Comet is Coming » qui fait rimer Fela avec Zappa. Il est aussi est immergé dans la scène jazz d’Afrique du Sud depuis des années et joue avec le quartet de son mentor Louis Moholo-Moholo de Cape Town. Shabaka Hutchings cède aussi à la transe vaudou dans les Caraïbes avec Anthony Joseph mais il ne sera pas présent à ses côtés pour la dernière soirée du festival A Vaulx Jazz.

Le 23 mars 2017, Shabakah Hutchings se présente sur scène avec la plupart des musiciens de Joahanesbourgh (hormis le pianiste et le trompettiste) avec lesquels il a enregistré son récent album en leader, « Winsdom Of Elders ». A ses côtés, Mthunzi Mvubu au saxophone alto, Ariel Zomonsky à la contrebasse, Gontse Makhene aux percussions, Tumi Mogorosi à la batterie et le chanteur Siyabonga Mthembu.

Dès le début du set, la fascination gagne la salle lorsque s’élèvent la plainte exacerbée et les cris déchirants du chanteur qui, tel un prêtre, semble célébrer un culte auquel on est convié. Il est rejoint par le saxophone alto énergique puis par le ténor qui appelle à la transe. Les rythmiciens, contrebassiste, batteur et percussionniste, unissent leurs énergies et libèrent une force vitale qui engendre une tension redoutable. L’alliage de leurs rythmes conjoints déroule un tapis propice  à l’expression des solistes. Vibrations incantatoires des cuivres, mélopée profonde du chanteur qui convoque même les oiseaux.

Les morceaux s’enchaînent entrecoupés de pauses bienvenues qui permettent aux musiciens d’opérer les changements de pulsation. Des moments de répit comme des prétextes pour mieux changer le rythme qui de tellurique devient obsédant ou quasiment enflammé par la contrebasse qui anime un pseudo cérémonial vaudou.

Pourtant rien de démonstratif ni de gratuit dans ce tapis rythmique. Il n’a qu’un objet, servir et  favoriser l’expression des solistes. La prière du saxophone ténor, l’incantation de l’alto, la plainte de la voix. Ainsi les trois prêtres unissent leurs chants et le jazz advient en toute liberté.
 
Les ambiances évoluent et le paysage musicale se bouleverse. Des rengaines mélodieuses alternent avec des chants mélancoliques ou des ambiances évocatrices de paysages. La mise en place est parfaite.

De bout en bout du concert, Shabaka Hutchings manifeste une grande écoute vis à vis des autres musiciens dont il capte les ondes pour mieux leur renvoyer. Le discours du saxophoniste ténor est totalement maîtrisé. De son jeu se dégage un magnétisme quasi mystique qui abreuve une prière musicale nourrie de spiritualité et d’énergie. S’il se lamente avec lyrisme il sait aussi libérer avec spontanéité des fulgurances et des flots de notes mais sans exubérance. De l’épaisseur sonore surgit même parfois un chant aux allures de gospel ensauvagé.

Dans  le verbe du saxophoniste on retrouve des échos rollinsiens mais aussi des familiarités avec le monde de Sun Ra et même des accents qui évoquent la chaleur d’un certain Gato. Le saxophone ténor apparaît comme l’extension du corps de l’artiste, uniquement le porte-voix qui lui permet de propulser son cri. On décèle chez l’altiste Mthunzi Mvubu des influences très coltraniennes même si bien sûr Trane demeure aussi au premier titre une influence majeure de Shabaka Hutchings.

Ce 23 mars 2017, le Jazz triomphe vraiment A Vaulx Jazz. La musique magnétique de « Shabaka and the Ancestors » engendre une fièvre pulsative propice à l’exaltation voire à la transe cathartique. Pourtant elle est porteuse d’une douce spiritualité et engendre une sorte de ressourcement qui transparaît sur les visages de tous les spectateurs présents. La terre mère a inspiré les musiciens qui invitent le jazz dans une nouvelle lumière porteuse d’avenir.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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A Vaulx Jazz – Soirée Jazz Front / Avishai Cohen

A Vaulx Jazz – Soirée Jazz Front / Avishai Cohen

Avishai Cohen se libère du jazz

Pour le second concert de « Soirée Jazz Front » du 22 mars 2017, le festival A Vaulx Jazz invite le contrebassiste Avishai Cohen et son « Jazz Free Quartet ». Nouveau projet. Nouveau quartet. Nouveau son. Très clairement le leader prend ses distances avec le jazz.

Il n’est plus besoin de présenter Avishai Cohen, contrebassiste, compositeur, arrangeur et chanteur devenu un artiste incontournable de la scène jazz internationale après un passage aux côtés de Danilo Perez puis chez Chick Corea durant cinq ans. Depuis 2005 le musicien poursuit sa quête musicale en recherche d’un son distinctif. Pour ce faire sa musique explore des territoires où les racines du jazz rencontrent les musiques classique, celles d’Europe de l’Est, d’Espagne, du Maghreb, du Moyen-Orient et aussi d’Israël, comme un retour aux sources. Même si elle se réfère à de nombreuses influences, l’identité musicale d’Avishai Cohen repose essentiellement sur le chant profond de sa contrebasse et ses lignes mélodiques émouvantes.

Alors qu’un album est attendu à l’automne 2017 chez Sony, Avishai Cohen tourne actuellement son tout nouveau projet « Jazz Free » qu’il présente en septet ou en quartet. C’est la version du « Jazz Free Quartet » que propose le festival A Vaulx Jazz à un public très mobilisé autour de cet artiste. Le concept du nouveau projet annonce une musique libérée du jazz.

Dès la présentation du groupe on comprend qu’il va moins s’agir de jazz instrumental que de chant sur un fond de groove mouvant. En effet, l’artiste l’annonce tout de go dès le début du set, pas un seul musicien de jazz dans le groupe… sauf peut-être lui, enfin on l’espère, si tant est qu’il soit possible de donner une définition formelle de ce qu’est vraiment un musicien de jazz.

Effectivement sur scène on constate la disparition du piano acoustique remplacé par des claviers. En effet, dans la version quartet du projet, Avishai Cohen dirige sa nouvelle formation entre Fender Rhodes, basse Fender, contrebasse, sans oublier les micros qui portent son chant. Certes le musicien est familier des claviers qu’il utilise pour écrire ses musiques mais sans doute escompte-t-il ainsi teinter son répertoire d’un son plus tendance.

Les musiciens du groupe viennent tous d’Israël. Itamar Doari, le percussionniste est membre régulier du trio d’Avishai Cohen. La violoncelliste Yael Shapira chante aussi et a joué avec le leader dans le cadre de son quatuor à cordes « Almah ». Elyasaf Bishari joue de l’oud, de la basse électrique et chante également.

Au Fender, Avishai Cohen débute le set par un chant traditionnel de shabbat puis enchaîne par deux titre de son ancien album « Aurora » (2009) dont le superbe Leolam puis Winter Song qu’il ouvre à la basse Fender. Puis le répertoire déroule des chansons qui regardent du côté de la pop sans omettre un blues écrit par le leader pour sa femme mais qu’il dédie à toutes les femmes présentes. Le substrat blues est plutôt light et les paroles quasi indigentes… doo doo doo.

Un chant yéménite ramène le répertoire du côté des musiques traditionnelles et les musiciens unissent leurs talents pour célébrer une musique empreinte de profondeur et de véracité. Un morceau quasi instrumental enflamme la scène et la contrebasse poussée par la percussion donne toute la mesure de sa profondeur.

De bout en bout du set on est impressionné par la prestation éblouissante du percussionniste Itamar Doari. Il assure une assise rythmique solide avec une simplicité et une efficacité remarquables. Les accompagnements du violoncelle sont par contre insuffisamment mis en valeur, comme noyés dans la masse sonore et l’on ne peut donc en savourer la finesse. Tous les musiciens unissent leurs voix au chant du leader qui prend un visible plaisir à l’exercice vocal.

D’ailleurs Avishai Cohen interprète seul au chant et à l’archet sur sa contrebasse le gospellisant Sometimes I Feel Like a Motherless Child. Le charisme et le talent naturel de l’artiste suffisent pour que l’émotion surgisse enfin sur scène, même si l’on a entendu Avishai Cohen en d’autres temps interpréter des titres avec plus de déchirement. il est vrai que le musicien a essuyé quelques contrariétés avec le son et la pédale de son Fender Rhodes qu’il a du coup abandonné.

En fait, tout repose sur la partie vocale répartie entre l’ensemble des artistes et sur un fond rythmique qui doit porter la musique et faire vibrer le public, le faire bouger. D’ailleurs le message des musiciens est explicite. A plusieurs reprises ils invitent la salle à taper dans les mains en rythme et pour finir, sur un rythme aux influences latines Avishai Cohen sollicite le public à venir danser sur le devant de la scène qui se remplit très vite.

Après ce set, on se questionne pourtant sur le rôle de l’artiste dont on peut attendre, comme le disait Jean Vilar, qu’il ait « …le courage et l’abnégation de présenter au spectateur ce qu’il ne sait pas qu’il désire ». Visiblement une partie de la salle a eu ses désirs satisfaits. Une autre partie du public regrette la distance prise par les artistes avec les fondamentaux du jazz au profit d’une musique compactée et formatée au goût du jour… pour plaire et remplir les salles, mais n’est-ce pas là un des objectifs des producteurs, tourneurs, artistes et organisateurs ?

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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A Vaulx Jazz – Soirée Jazz Front / Workshop de Lyon

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Le Workshop de Lyon fête son « mi-centenaire »

Beaucoup de bougies et encore du souffle pour cette première partie de la soirée « Jazz Front » ce 22 mars. Les 30 ans du festival A Vaulx Jazz, les 40 ans de l’ARFI et le demi-siècle du Workshop de Lyon. A cette occasion le groupe invite le trompettiste Jean-Luc Capozzo.

Depuis longtemps les musiciens de l’ARFI et ceux du Workshop de Lyon montent au front « A la Recherche d’un Folklore Imaginaire » en cohérence avec le titre de la soirée. A titre personnel on pose comme comme préalable que le plus important est bien de chercher et non de trouver car c’est bien dans la quête que l’art avance et dans le questionnement que l’homme fonde son existence.

Le Workshop de Lyon a préexisté de 10 ans à l’ARFI et bien des changements ont affecté la composition du groupe depuis 1967. Au début la formation a accueilli trompettiste et pianiste puis a adopté la forme actuelle avec deux saxophonistes (dont l’un est aussi clarinettiste), un contrebassiste et un batteur, Après le départ du regretté Maurice Merle en 2003 et l’arrivée de Jean Aussanaire, le Workshop de Lyon a continué sa route musicale et fête en 2017 son « mi-centenaire » (dixit Cristian Rollet). A cette occasion est d’ailleurs publiée une intégrale du Workshop de Lyon.

Qu’en est-il aujourd’hui pour le Workshop de Lyon de l’énergie originelle, de l’évolution du répertoire, de la pérennité ou du renouvellement du propos musical et de sa forme ? C’est bien en ce début de soirée la question que se posent les spectateurs qui connaissent le groupe depuis ses débuts. Pour ceux qui découvrent, ce sera plus simple, juste écouter et saisir la musique. Point de comparaison, de regrets ou de déploration possibles. Ainsi l’écoute est plus libre… ce qui est souhaitable vis à vis de ces musiques qui se revendiquent d’un jazz libéré issu du mouvement free jazz à l’inverse d’Avishai Cohen programmé en seconde partie de soirée qui veut lui se libérer du jazz.

Sur scène se présentent en demi-cercle élargi Jean Aussanaire (saxophones alto/soprano), Jean-Paul Autin (saxophones alto/sopranino, clarinette basse), Jean Bolcato (contrebasse, voix), Christian Rollet (batterie, percussions). Dans une perspective d’ouverture, le groupe accueille le trompettiste Jean-Luc Cappozzo ancien complice du groupe. En maître de cérémonie, Christian Rollet présente le contexte de la soirée et précise que le répertoire compte une quinzaine de titres représentatifs de la vie musicale du Workshop de Lyon.

Le set ouvre avec le lyrisme et les belles couleurs de la composition de Jean Bolcato, Sophisticato. Suivent deux morceaux de Maurice Merle, l’un lumineux et enlevé et le second plus recueilli où clarinette basse et alto entament une musique qui évoque un requiem. Les trilles effrénés et ricanants de l’alto libèrent chez les autres instrumentistes la débauche de grognements, bruitages, grondements, caquètements et borborygmes, bref l’abécédaire habituel du Workshop. Après une invitation au silence les musiciens se réunissent pour élever un chant puissant et conduisent la musique sur une route moins chaotique.

Suivent d’autres compositions de Jean Bolcato dont Marcello, de Jean-Paul Autin, sans oublier La mob. à Momo de Jean Aussanaire avec un clin d’oeil à Maurice Merle. Pour le rappel le groupe interprète Anniversaire… on n’en attendait pas moins. Workshop de Lyon, le groupe porte vraiment bien son nom, un perpétuel atelier qui tisse et retisse des liens entre hier et aujourd’hui pour renouveler son patrimoine musical. On se questionne pourtant sur la présence des partitions pour de tels musiciens rompus à leur répertoire et à l’impro. Sans doute pour tracer les nouveaux arrangements.

L’accueil du public est chaleureux et bienveillant. Les fans exultent, les sceptiques questionnent le renouvellement difficile mais sur scène il est rassurant de voir les yeux des musiciens toujours brillants de l’envie de créer et du désir de jouer. Entre chaos et poésie, le Workshop de Lyon a déroulé son abécédaire. Il a délivré de joyeuses sérénades et de délirantes envolées.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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A Vaulx Jazz-Combat Jazz-Naissam Jalal-Marc Ribot

A Vaulx Jazz-Combat Jazz-Naissam Jalal-Marc Ribot

Naissam Jalal-Marc Ribot, le jazz résiste et combat

A Vaulx Jazz intitule la soirée du 17 mars, « Combat Jazz ». Sur scène, deux groupes. La flûtiste Naïssam Jalal & Rythms of Resistance. Le guitariste Marc Ribot & Ceramic Dog. Une ode à la résistance et un manifeste véhément contre les oppressions. Le jazz, musique toujours d’actualité pour porter les combats.

« Soirée Combat Jazz ». L’accroche est bonne dans le monde actuel en convulsion où plus rien n’est acquis. De tout temps l’art s’est mobilisé pour combattre. Le jazz a déjà été le fer de lance de la minorité afro-américaine contre les discriminations. Aujourd’hui encore le jazz persiste et signe. Dans cette soirée du 17 mars 2017 il devient instrument de lutte et tente de mobiliser contre l’indifférence, sensibiliser aux injustices, mettre en garde et engager au combat. En effet, A Vaulx Jazz donne la parole à deux musiciens issus de cultures différentes. Naissam Jalal-Marc Ribot. Deux musiques quasiment aux antipodes.

Acquis par avance au discours du légendaire guitariste Marc Ribot, le public découvre avec intérêt le talent de la flutiste, compositrice Naïssam Jalal accompagnée de son groupe « Rythms of Resistance ».

La soirée ouvre avec Naïssam Jalal and Rythms of Resistance, le quintet de la franco-syrienne Naïssam Jalal, compositrice, flûtiste et joueuse de ney (flûte oblique à embouchure terminale en roseau). Très concentrée la jeune-femme présente son projet dont le nom, « Almot Wala Almazala« , « la mort plutôt que l’humiliation » campe d’emblée le sens du combat. Celui que le peuple syrien a engagé contre le pouvoir en place « pour vivre libre et digne dans son pays ». Naïssam Jalal offre sa musique en hommage aux martyrs de ce grand peuple.

On a déjà loué lors de sa sortie le 10 novembre 2016, la musique de « Almot Wala Almazala« , le dernier album de la flutiste Naïssam Jalal and Rythms of Resistance. La découverte du projet en concert confirme l’écoute du disque. Loin des cadres traditionnels formatés des musiques orientalisantes, les compositions de la jeune flûtiste sont servies par des interprètes virtuoses qui se jouent des modes orientaux pour construire une musique porteuse de révolte et d’espoir. La mise en place est parfaite. La rythmique soutient l’expression remarquable des solistes.

Totalement investie dans sa musique Naïssam Jalal fait preuve sur la flûte traversière d’une virtuosité dans pareille. Ses improvisations impressionnent. Elle maîtrise parfaitement le vocabulaire modal et aussi la pratique du jouer-chanter sur la flûte. Les cris ou les plaintes de sa voix doublent ses envolées furieuses ou ses mélopées éthérées. Elle embouche le ney pour un solo empreint de tristesse qu’elle élève contre les violences policières.

Le charismatique saxophoniste franco-marocain Mehdi Chaïb assure une prestation excellente. Sonorités stridentes et exacerbées, tout en retenue ou au contraire totalement extraverties. Il apporte un soutien rythmique efficace au chant de la flûte dont il magnifie les expressions et, au derbouka, il échange avec la section rythmique à plusieurs occasions.

Composée du contrebassiste Zacharie Abraham et du batteur italien Francesco Pastacaldi, la solide section rythmique assure un soutien sans faille à l’expression très libre des solistes. En osmose avec les propos de la flûtiste, le guitariste et violoncelliste allemand Karsten Hochapfelt tisse des climats singuliers. L’archet de son violoncelle double souvent celui de la contrebasse pour créer une ligne de basse continue lancinante et grave. On a apprécié le climat disruptif et ludique du morceau Où est passé le bouton pause de mon cerveau ? qui permet au guitariste de partir librement en impro.

La musique de Naïssam Jalal a gagné son combat. Des compositions aux arrangements somptueux se dégage une musicolère combative et ondoyante. A travers elle on entend le combat du peuple, les cris de révolte qui s’élèvent mais l’espoir advient et pour finir l’amour triomphe au-delà des frontières.

Le second set revient à Marc Ribot et son projet Ceramic Dog. A ses côtés, Shahzad Ismally à la guitare, basse, percussions et Moog et le batteur Ches Smith. Si le nombre de musiciens diminue, l’intensité sonore augmente. L’ambiance se profile comme enragée voire nucléaire. Le guitariste présente un brûlot enflammé contre le capitalisme et le consumérisme crié sur une musique libérée de toute frontière. Une esthétique vigoureuse qui hésite entre rock post punk et jazz avant-gardiste underground.

Le groupe se présente comme un triangle à géométrie mouvante. Deux guitares, une batterie et trois voix. Une voix, une guitare, une basse et des percussions. Deux voix, deux batteries, une guitare. Le guitariste virtuose sait tout faire et ne bride à aucun moment l’expression de son orchestre qui apparaît comme une extension de lui-même. Si la musique affiche la rage et la violence, elle n’en est pas moins construite avec une précision surprenante. Le guitariste pilote la machine à musique et les morceaux se succèdent sans interruption sous sa férule attentive.

Marc Ribot n’est pas content et il le fait savoir. Il se partage entre guitare et voix pour exprimer sa rage contre la société de consommation et ses dérives dont le téléchargement illégal des musiques. Il dénonce les méfaits du capitalisme qui abandonne ses enfants et perpétue la ségrégation à tous les niveaux de la société. Sur des rythmes effrénés, les improvisations de la guitare crient la désespérance et la colère. Sa voix hurle la révolte et appelle à la résistance et au combat.

Les formes éclatent sous les coups de butoir d’un batteur, réincarnation vivante d’un Vulcain féroce mais élégant. Si le batteur hache le rythme, le bassiste fait ronfler les graves avant de se saisir du manche de la guitare pour rejoindre le leader et hurler avec lui. Il utilise ensuite le Moog pour relancer la folie jusqu’au paroxysme et s’acharne sur ses tambours pour rejoindre le batteur infatigable.

Les spectateurs adhèrent à la musique de ces trois fauteurs de trouble qui parviennent à rallier les suffrages d’un public amateur de musique enragée, convulsive mais généreuse et inventive.

La musique de Marc Ribot zigzague entre les styles qu’il se réapproprie. Il emprunte tout à la fois les atours du jazz, du rock, du punk, du blues et des musiques improvisées qu’il compacte en un format très singulier, une sorte de paroxyjazz enrocké qui tronçonne et caresse à la fois. 

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

Une soirée vibrante de musicalité et d’émotion Pour la dernière soirée du Festival Jazz Campus en Clunisois 2023, Didier Levallet accueille « Shabda », le sextet du contrebassiste et compositeur Yves Rousseau. Trois saxophones, un violon, une batterie et la...

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Simon Goubert – Sylvain Rifflet

Le 25 août 2023, Jazz Campus en Clunisois 2023 propose un double plateau sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny. En ouverture et en solo, le batteur Simon Goubert fait chanter « Le Matin des Ombres » puis, à la tête de son quartet, le saxophoniste Sylvain Rifflet s’adresse « Aux Anges » et invite le public à les rejoindre dans un monde électroacoustique tourmenté. Contrastée, cette surprenante soirée fait alterner et grondements et tourbillons sonores.

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Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

Jazz Campus en Clunisois 2023 – L’homme À Tête de chou in Uruguay

Le 24 août 2023, Didier Levallet accueille le quartet de Daniel Zimmermann sur la scène du Théâtre les Arts de Cluny. Le tromboniste vient présenter son projet « L’homme À Tête de chou in Uruguay ». Un spectacle exaltant et volcanique qui propose une relecture innovante de chansons issues du répertoire de Serge Gainsbourg. Des variations inventives sur lesquelles souffle l’esprit d’un jazz teinté de rock, de funk et de reggae.

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A Vaulx Jazz – Dirty Dozen Brass Band

A Vaulx Jazz – Dirty Dozen Brass Band

A Vaulx Jazz 30ème édition, soirée d’ouverture festive

 

L’esprit de la Nouvelle-Orléans plane sur la soirée d’ouverture du Festival A Vaulx Jazz#30. Après le Zozophonic Orchestra arrive sur scène le Dirty Dozen Brass Band. Cette fanfare culte fait régner l’esprit de la fête sur le Centre Culturel Communal Charlie-Chaplin.

C’est au Zozophonic Orchestra qu’échoie de débuter la soirée d’ouverture du 30ème Festival A Vaulx Jazz le 16 mars 2017 à Vaulx-en-Velin. Quatre ans après leur précédente venue au festival, les six « zozos » parviennent à mobiliser l’enthousiasme des spectateurs. Le groupe présente le répertoire de son nouvel album ce qui explique sans doute le manque de délire et de spontanéité de la prestation très réglée.

Le set est pourtant mené avec entrain par cet orchestre joyeux. Le chanteur “Manouche” Fournier, le guitariste Nicolas Frache, Sylvain Felix au saxophone baryton, Jean Crozat au trombone, Etienne Kermarc  à la basse et Jean Joly à la batterie. Devant la scène le public adhère à la musique qui zigzague entre blues, rock, country et esprit néo-orléanais.

Le décor est planté, le public est prêt… le tapis rouge peut être déroulé pour accueillir de  la star des Brass-Bands, le Dirty Dozen Brass Band.

Véritable institution de la Nouvelle-Orléans, le Dirty Dozen Brass Band (DDBB) fête sur les routes du monde le quarantième anniversaire de sa création avec à sa tête ses deux membres fondateurs le trompettiste Gregory Davis et le saxophoniste baryton Roger Lewis.

Cette formation a renouvelé le répertoire des ensembles de cuivres de la Nouvelle Orléans. Sa recette, dynamiter les thèmes des marches néo-orléanaises en les accommodant à la sauce funk, rock, jazz, pop. Un assemblage de musiques propre à cet orchestre mythique qui inspire de nombreux brass-bands de par le monde. Entre respect des traditions et modernité à l’approche très funk, le souffle du DDBB bidouille un groove incandescent crado mais bon enfant.

Attaché au courant des musiques populaires le DDBB renouvelle les fondations de la tradition mais colle à la réalité de la musique d’aujourd’hui. Avec simplicité et cordialité le groupe invite le Zozophonic Orchestra qu’il entraîne dans son délire furieux. Le plaisir de Sylvain Felix et de Jean Crozat est palpable lorsqu’ils mêlent leurs souffles à ceux des cuivres du Dirty Dozen Brass Band. Peut-être le charisme des américains sera-t-il une source d’inspiration pour « Manouche » plutôt en retrait face à ces bêtes de scène.

Face au public tous les musiciens exultent. Sous des dehors plutôt calmes, Kevin Harris joint son chant et celui de son saxophone ténor à la liesse. Au sousaphone, Kirk Joseph assure les basses avec une vigueur impressionnante. Dommage que le son de cet instrument ait été quelque peu amputé de toutes ses harmoniques que l’on ne percevait que devant la scène en son direct. Malgré son frêle gabarit le guitariste Takeshi Shimmura fait merveille aux côtés de Julian Addison, batteur charismatique et infatigable.

En fin de soirée, quelques spectatrices sont même invitées sur scène pour s’associer à la liesse et à la danse des Américains survoltés.

La musique du DDBB unit plus qu’elle n’exclut. On peut dire qu’elle assume un rôle social le temps d’un spectacle en réunissant sur scène des musiciens de cultures différentes et en fédérant des publics de tous âges et de toutes cultures au rythme de la musique.

Un modèle dont pourraient s’inspirer les politiques pour mobiliser les citoyens. On voterait volontiers pour le Dirty Dozen Brass Band qui a réussi à inclure Fly me to the Moon dans son répertoire et à conduire les spectateurs dans leur ciel d’étoiles. On a apprécié le professionnalisme sans faille des musiciens du DBBB qui semblent encore habités par le plaisir de jouer et de partager, même après 40 années de métier.

A partir de mélodies très simples le Dirty Dozen Brass Band fait planer une allègre cacophonie dans la salle. Parties vocales collectives, fragments de spirituals, enchaînements débridés, solistes brillants, arrangements festifs, de l’humour et de l’énergie à perdre haleine. La fanfare fait exploser les repères et aide à oublier la morosité quotidienne. Le Dirty Dozen Brass Band booste les humeurs et stimule les corps. Un abime d’énergie et de trouvailles comme remède à la tristesse.

Jazz Campus en Clunisois 2023 – Shabda

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