Jazz à Vienne – Herbie Hancock-Donny McCaslin

Jazz à Vienne – Herbie Hancock-Donny McCaslin

Herbie Hancock, novateur perpétuel

Figure en vogue du jazz actuel, après sa participation au dernier album de David Bowie, le saxophoniste Donny McCaslin ouvre la soirée du 12/072017 avec un set incandescent et énergique qui laisse place au légendaire Herbie Hancock. Le pianiste propose un jazz d’une modernité inouïe.

Le saxophoniste ténor Donny McCaslin se produit en quartet pour le set d’ouverture de la soirée. A ses côtés on retrouve le pianiste-claviériste Jason Lindner tout à fait à l’aise aux côté de McCaslin lui aussi adepte des musiques électroniques.

Connu du grand public pour sa participation au dernier album de David Bowie, le musicien californien va en surprendre plus d’un. Il propose en effet un répertoire composé en grande partie de ses propres compositions gravées sur son récent album « Beyond Now » même si le groupe interprète une version solennelle et grave de Lazarus enregistré sur le « Blackstar » de Bowie.

Du jazz avant-gardiste. Les décibels explosent, des avalanches d’effets électroniques déboulent sur scène. Des flots incandescents de notes aiguës totalement maîtrisées jaillissent du ténor.  Radieux et félin le saxophoniste charismatique surfe sur les nappes des claviers et les roulements furieux de la batterie. Ancrée au sol par une rythmique implacable, le musique fusionnelle génère pourtant une forte énergie ascensionnelle qui transporte dans les hautes stratosphères.

La légende du pianiste-claviériste Herbie Hancock n’est pas usurpée. Cette superstar du jazz peut se vanter d’avoir autant ravi les amateurs de jazz acoustique que transporté les fans de jazz-fusion, de disco, de rock, de hip-hop, de funk. Visiblement ravi de jouer une fois encore à Vienne, Herbie Hancock ne tarit pas de louanges lors de la présentation de ses musiciens et l’on s’aperçoit très vit la véracité de ses dires. C’est bien un orchestre de haut vol qui se produit à ses côtés.

Le guitariste Lionel Loueke dont le propositions musicales ne cessent de surprendre et de stimuler le groupe. Le colossal et imperturbable bassiste James Genus et  l’arme secrète du groupe, le batteur Vinnie Colaiuta assurent un puissant ancrage rythmique à la musique. Issu du milieu hip-hop, le claviériste et saxophoniste Terrace Martin produit maintenant Herbie Hancock dont le prochain disque est toujours en préparation.

Attendu par un public impatient de découvrir sa nouvelle musique, Herbie Hancock offre un set ébouriffant de modernité. Assidu derrière ses claviers sur lesquels il s’éclate avec un plaisir non dissimulé, le pianiste n’en délaisse pas pour autant son Fazioli sur lequel il ne s’économise pas. On prend plaisir à retrouver ses attaques dynamiques et son phrasé délié tout au long de solos généreux et inventifs qui émaillent le set. 

La basse assure un groove implacable. Elle tend des ponts solides sur lesquels saxophone et guitare lancent des envolées inspirées. On capte même une brise africaine légère restituée par le guitariste dont l’inventivité ne cesse de  surprendre. Le tissu musical complexe n’en demeure pas moins mélodique malgré les décibels. De fulgurantes sagaies électriques tentent de transpercer l’armure rythmique mais elle demeure inaltérable.

On apprécie les échanges fructueux de claviers et de vocoders entre Terrace Martin et Herbie Hancock, le plus jeune renvoyant à son aîné ses trouvailles sonores qui en leur temps sonnaient déjà terriblement retro-futuristes. On garde en tête l’image d’Herbie Hancock assis sur le devant de la scène avec son  AX-Synth en bandoulière.

Le jeu lumineux et encore renouvelé d’Herbie Hancock a régné en maître sur un concert aux allures de battle où les solistes rivalisent de créativité. Herbie Hancock a revisité son héritage avec ses légataires Ensemble ils ont écrit a partition d’un jazz de demain qui emprunte à celui d’hier pour mieux le renouveler.

Affiche Jazz à Vienne 2024 & Premiers Noms

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Kavita Shah publie « Cape Verdean Blues »

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Jazz à Vienne – Youn Sun Nah de retour

Jazz à Vienne – Youn Sun Nah de retour

De retour à Vienne, Youn Sun Nah triomphe

Le public s’est mobilisé le 09/07/2017 pour une soirée qui ouvre avec le trio de cordes Ponty-Lagrène-Eastwood et se termine avec Youn Sun Nah de retour au Théâtre Antique de Vienne, trois ans après son dernier concert.

En entrée de soirée, le violoniste Jean-Luc Ponty a réuni autour de lui deux fins techniciens, le guitariste Biréli Lagène et le contrebassiste Kyle Eastwood. Il promet de faire swinguer les cordes tout en s’octroyant le droit d’opérer une fusion musicale entre électrique et acoustique. En effet le violoniste a plus d’un tour dans son sac puisqu’il vient avec son violon acoustique mais aussi avec son violon électrique à 5 cordes.

L’improvisation préside à la réunion de ces trois artistes qui prennent un plaisir certain à dérouler une musique qui a décidé de ne pas s’inscrire dans la performance. Les notes respirent et advient la pulsation que reconnaissent les amoureux du jazz. Le groupe tient promesse avec un répertoire où alternent compositions des trois artistes et standards. 

On repère en ouverture du set, Blue Train, le standard de John Coltrane et plus tard Mercy Mercy Mercy de Joe Zawinul. Plutôt sympa ces deux titres qui font écho aux hommages que le festival a rendu à John Coltrane et Joe Zawinul. Sur Samba de Paris, une composition de Kyle Eastwood, Bireli Lagrène offre une improvisation fluide et véloce aux accents de choro brésilien. Jean-Luc Ponty propose un solo lumineux sur la fameuse composition du guitariste, Stretch.

Un set qui donne à entendre un jazz traditionnel renouvelé par trois solistes qui mettent leurs talents respectifs au service de la musique.

Après deux années sabbatiques et du temps consacré à son nouvel album « She Moves On » (ACT/PIAS) sorti le 19 mai 2017, la chanteuse coréenne Youn Sun Nah retrouve les scènes en 2017. Sa dernière venue à « Jazz à Vienne » le 02 juillet 2014 avec le guitariste Ulf Walkenius et Vincent Peirani lui avait valu des louanges unanimes et fort mérités.

Il tarde d’écouter le nouveau répertoire que la chanteuse présente sur scène avec un orchestre américain composé de Jamie Saft (piano, orgue, Fender Rhodes) compositeur et producteur de l’album, Brad Jones (contrebasse), Clifton Hyde (guitare) et Dan Rieser (batterie). Entre orgue et piano, le pianiste soutient le groove épaulé par la solide section rythmique toute entière au service de la chanteuse. On apprécie le côté rock écorché du guitariste sur Drifting de Jimi Hendrix.

Mené avec un grand professionnalisme, le set propose la quasi totalité des titres de l’album. Visiblement la chanteuse ne cache pas son plaisir à interpréter ces chansons qu’elle a découvertes et appréciées chez Jamie Saft. Teach The Gifted Children de Lou Reed, She Moves On de Paul Simon, The Dawntreader de Joni Mitchel dont elle propose une version magnifique en rappel.

Youn Sun Nah invite le public du Théâtre Antique à pénétrer dans son intimité sur une interprétation sensible de Black Is The Color Of My True Love’s Hair, une chanson traditionnelle américaine reprise par Nina Simone. Sur ce morceau Youn Sun Nah adopte le parti de la simplicité avec sa kalimba (piano à pouces), quelques percussions et une légère ligne de basse en soutien. On est comme suspendu à la clarté de cette voix empreinte de fragilité et pourtant si solide. Comblée par l’ovation du public, la chanteuse rayonnante offre de généreux rappels.

Certes le nouveau répertoire plus profilé pop-rock que jazz a privé le public des scats échevelés de la chanteuse mais son talent demeure intact. Youn Sun Nah de retour n’a rien perdu de son ADN vocal. Sa voix lumineuse conserve son grain unique. Souple et élégante elle convainc et émeut sur les ballades. Claire et limpide elle enfle et se gorge de puissance pour faire éclater les limites de sa fragilité.

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Jazz à Vienne – Soirée Cuba

Jazz à Vienne – Soirée Cuba

Une incandescente descarga cubana

Nul ne pouvait prévoir que la soirée du 07/07/17 ferait régner à Vienne la chaleur de l’île celle des thermomètres et celle de la musique. La Soirée Cuba a été une fête partagée et enfiévrée. Après l’hommage rendu par Angelique Kidjo à Celia Cruz, Roberto Fonseca fait voyager le public à travers toutes les musiques de son île.

Le premier set de la Soirée Cuba s’annonce comme un hommage à la salsa. En effet l’éternelle prêcheuse d’un multiculturalisme revendiqué, la chanteuse béninoise Angelique Kidjo met son énergie et son talent au service d’un hommage à Celia Cruz à qui elle dit vouer une grande admiration. La chanteuse se présente avec le percussionniste cubain Pedrito Martinez.

Après un début prometteur mené tambour battant avec Santiago, le répertoire regarde curieusement du côté du Brésil avec un Você Abusou plutôt décalé avant de revenir à des rythmes cubano-africains plus conformes à la couleur de la soirée. Avec Santa Barbara, la chanteuse convie le public à une cérémonie de santeria ancrée dans la tradition du peuple Yoruba d’Afrique occidentale. A peine la mèche musicale allumée, le public s’embrase en même temps que le rythme de la musique. La fête bat son plein, le public exulte.

Avec son « micro d’amour universel », Angelique Kidjo célèbre la famille humaine et la musique. Elle descend dans la foule qui se déchaîne autour d’elle. La chanteuse a transformé le Théâtre Antique de Vienne en un chaudron ardent où la musique embrase les corps et engage à la fête.

Place ensuite au héros de la soirée, le pianiste Roberto Fonseca dont il s’agit de la deuxième venue à Vienne qui l’avait accueilli en 2014 avec Fatoumata Diawara. Il vient cet été présenter son dernier album « ABUC » sorti en novembre 2016 chez Impulse ! … pour rappel, l’acronyme ABUC inverse les lettres de Cuba et l’album déroule les musiques depuis celles des années 40 jusqu’à celles d’aujourd’hui où l’électronique a sa part.

C’est avec un combo cuivré aux percussions vibrantes que Roberto Fonseca se présente sur scène accueilli par une ovation enthousiaste. Le pianiste a beaucoup progressé dans la maîtrise de la langue française et il entame avec le public un dialogue chaleureux et charmeur pour présenter son projet et les musiques qu’il va interpréter.

D’emblée Roberto Fonsaca convoque la musicalité sur le clavier de son piano avec Cubano Chant. Il laisse à entendre un latin jazz élégant et nuancé. Le public écoute avec attention comme captivé par cette essence musicale cubaine sertie de nuances et servie par une mise en place précise et soignée. Sur son orgue rouge Nord C2D, il entame ensuite Family qui lui est si cher. Place alors aux sonorités de l’orgue Hammond qui attaque avec énergie un boogaloo aux teintes des sixties sur lequel les cuivres déroulent leur show hyper réglé soutenu par la solide section rythmique. C’est ensuite au tour d‘Adel Gonzalez de déchaîner ses percussions avec brio. Le rythme reprend le dessus mais le pianiste a plus d’un tour dans son piano.

Roberto Fonseca fait retomber le pression avec une interprétation de Contradanza Del Espiritu. Il interprète le vieux rythme de la contredanse cubaine avec un romantisme qui tranche avec la tonalité de la soirée. Un pur moment d’émotion !

Sans attendre, le pianiste convoque ensuite sur le devant de la scène Daymé Arocena, la jeune chanteuse de la Havane. Telle une boule de nerfs tonique et souriante, sa voix chaude et soul fait groover le tempo. Le public ne s’y trompe pas et lui délivre des tonnerres d’applaudissements. Sitôt après son départ c’est le légendaire Eliades Ochoa qui arrive avec son éternel chapeau et sa guitare. Il charrie avec lui la musique des terres cubaines de l’intérieur. De retour sur scène, la chanteuse entame avec le pianiste et le percussionniste une puissante supplication.

Avec Afro Mambo, le morceau fétiche de son dernier album, Roberto Fonsaca donne le signal de la fête. On pensait pourtant que c’était la fête depuis le début de son set mais de facto, l’atmosphère va gagner en incandescence. La fièvre monte encore plus lorsque retentit Tierra santa sur lequel le leader présente ses musiciens … et même son manager. Visiblement heureux le pianiste se remet au piano avant de descendre dans la foule et de terminer sur scène avec Bonco en guise de rappel que reprend le Théâtre avec un enthousiasme effréné.

Comme Roberto Fonseca l’avait promis, il a joué comme s’il s’agissait de son dernier concert et a convié le public de Vienne à une folle descarga cubaine. Avec ses musiciens et ses invités il a célébré bolero, mambo, chachacha, danzón, contredanza, rumba, guajira, salsa … toutes les musiques de Cuba, celles d’hier et celles d’aujourd’hui. Une liesse populaire qui laissera un souvenir inoubliable et unanime de musicalité et de qualité.

Affiche Jazz à Vienne 2024 & Premiers Noms

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Kavita Shah publie « Cape Verdean Blues »

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Jazz à Vienne – Soirée French Touch

Jazz à Vienne – Soirée French Touch

De l’énergie galactique à la lave incandescente

Riche en énergie, la soirée « French Touch » du 04/07/017 a tenu ses promesses sur la scène du Théâtre Antique de « Jazz à Vienne ». La dynamique musicale du Yaron HermanTrio donne le ton. Après la chanteuse Anne Sila, le public accueille avec enthousiasme le concert proposé par Émile Parisien et Vincent Peirani en hommage au légendaire Joe Zawinul disparu en 2007.

C’est la première venue du pianiste Yaron Herman Sur la scène du Théâtre Antique de Vienne. En trio, il vient présenter le répertoire de son dernier album « Z » (Blue Note/Universal) accompagné de son alter-ego, le batteur Ziv Ravitz et du bassiste-chanteur Bastien Burger. Le trio prend visiblement plaisir à jouer et on perçoit d’emblée la grande connivence qui règne entre les trois musiciens. Le set contrasté permet de prendre la mesure des différentes propositions du groupe. 

Pleine d’énergie et de ruptures, la musique du trio de Yaron Herman propose des facettes variées. Elle oscille entre fureur et sérénité, entre tumulte et élévation, entre fracas et spiritualité. Les climats se suivent et leurs nuances sont plaisantes. Les nappes électroniques lancées en boucle par le batteur suggèrent des éthers galactiques. Tantôt le martèlement de la batterie rejoint le grondement de la basse, tantôt la voix éthérée du chanteur s’élève et ouvre la voie à l’expression romantique du pianiste qui prend même sur le dernier morceau des accents galactico-gershwinien.

On retrouve avec plaisir chez Yaron Herman des éclats lyrico-romantiques. Les atmosphères mélodiques, douces et délicates contrastent avec les grondements telluriques des deux rythmiciens. Le rythme hypnotique de Legs to run rappelle l’attachement du trio à la musique séquentielle et répétitive inscrite en filigrane dans tout le répertoire.

Le public fait un bel accueil au trio de Yaron Herman qui a offert un voyage musical alternatif réussi entre acoustique et électronique.

Révélée au grand public par The Voice 4, le chanteuse Anne Sila présente à Vienne un répertoire plus orienté vers le jazz que vers la pop même si elle se fait plaisir à interpréter un titre au texte anecdotique. Accompagnée par les musiciens du Magnetic Orchestra, Benoit Thévenout au piano, François Gallix à la contrebasse et Nicolas Serret à la batterie, elle présente un set dont on retient l’interprétation soignée du poème de Victor Hugo, Demain dès l’aube.

Soucieuse de performance vocale, la chanteuse gomme la dimension émotionnelle de son chant mais le public de Vienne apprécie celle qu’il a découverte à la télévision ou sur les scènes de la proche ville de Valence.

Le saxophoniste Émile Parisien et l’accordéoniste Vincent Peirani rejoignent la scène avec les six musiciens qu’ils ont réunis pour rendre hommage au grand Joe Zawinul.

« File Under Zawinul » rassemble huit musiciens dont quatre anciens compagnons de route du pianiste autrichien. Alignés en fond de la scène ces derniers assurent la fondation rythmique de la musique. Paco Serry à la batterie, Mino Cinelu aux percussions, Aziz Samahoui au chant et aux percussions et Linley Marthe à la basse.

Tony Paeleman au Fender Rhodes et Manu Codjia à la guitare entourent le duo Emile Parisien-Vincent Peirani. A l’occasion il sied de rappeler que l’accordéon a été l’instrument de début de Zawinul.

C’est Gibraltar, un thème de Wayne Shorter écrit à la grande période de « Weather Report », qui ouvre le set endiablé. Émile Parisien dit ensuite son plaisir de pouvoir rendre hommage au légendaire compositeur et pianiste Joe Zawinul avec cette bande d’artistes talentueux réunis à l’occasion.

Pas de doute l’énergie est de la partie. Le groupe enchaîne avec Madagascar puis Orient-Express et emporte le public de « Jazz à Vienne » dans un voyage au cours duquel les percussions et les interventions vocales d‘Aziz Samahoui apportent une coloration singulière et essentielle.

Paco Sery fait le show et galvanise le public qui manifeste très vite et très fort son enthousiasme. De bout en bout du set, Émile Parisien parcourt le plateau, s’immerge dans le flot débordant d’énergie de la musique. Il stimule les musiciens, les encourage, capte les vibrations qu’il restitue lors de ses chorus.

Assurée sans faille par les quatre anciens compères de Zawinul, la rythmique de File Under Zawinul génère certes une énergie incandescente mais assure aussi une mise en place précise garante de l’expression des solistes. Explosive et pulsatile la musique n’en demeure pas moins lyrique et créative. L’inspiration circule et les interventions des uns stimulent le discours des autres. Les solos fluides et acérés fusent de la guitare, les claviers fondent l’architecture de la musique, l’accordéon chante et harmonise, le saxophone se lamente. Ancré dans le sol, la basse fusionne avec la batterie et les percussions.

La déferlante musicale et la rythmique incandescente des huit musiciens du « File Under Zawinul » ont emballé le public de « Jazz à Vienne » comblé par un rappel généreux. Soutenue par la Spedidam, la Soirée French Touch a été à la hauteur des attentes des spectateurs..

Affiche Jazz à Vienne 2024 & Premiers Noms

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Kavita Shah publie « Cape Verdean Blues »

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Jazz à Vienne – Hommage à John Coltrane

Jazz à Vienne – Hommage à John Coltrane

La musique de Coltrane… élixir vital

Le 03/07/2017, « Jazz à Vienne » célèbre la mémoire de John Coltrane disparu le 17 juillet 1967. Un triple plateau pour un hommage à Coltrane. Deux illustres saxophonistes qui ont partagé la scène avec lui, Pharoah Sanders et Archie Shepp. Deux artistes contemporains, Emile Parisien et Jeff Mills.

Aujourd’hui encore les confins de l’univers musical de Coltrane constituent des frontières dont les musiciens continuent d’explorer les limites. Pour en saisir la substance et s’en abreuver, pour la comprendre et s’en inspirer, pour s’y immerger et se régénérer, pour communier avec l’art de celui qui représente sans doute pour l’ensemble des musiciens de jazz une référence incontournable. Il ne s’agit pas de le dépasser mais plutôt de le révérer pour pourvoir à son tour inventer son propre univers.

Nul mieux que Pharoah Sanders n’a de légitimité pour ouvrir cette soirée hommage à John Coltrane, lui qui fut son compagnon de route pendant les dernières années de sa vie (de septembre 1965 jusqu’au 17 mai 1967), lui qui est en quelque sorte devenu à sa mort l’héritier de son legs spirituo-musical. Il s’agit de plus de la première apparition de Pharoah Sanders sur la scène du Théâtre Antique de Vienne. Un évènement donc à plusieurs titres que la venue de ce saxophoniste, ce d’autant plus que l’artiste est âgé de 77 ans.

Pour l’occasion, Pharoah Sanders est accompagné de Gene Calderazzo à la batterie, William Henderson au piano et Oli Hayhurst à la contrebasse, musiciens qu’il ne cessera de présenter tout au long du set tant semble grand son plaisir de jouer avec eux. Il est vrai que le trio sert à merveille la musique de Pharoah Sanders et lui permet de déployer toute l’étendue de son art. Ils font battre la pulsation vitale de la musique.

Tel un phare qui éclaire l’héritage du Maître, Pharoah Sanders va déployer toute sa science du saxophone. On retrouve la plainte déchirée de ses lamentations incantatoires qui s’élève au-dessus du tapis magique tissé par l’admirable section rythmique toute dévolue au service du Pharaon. Des ballades déchirantes alternent avec morceaux plus rythmiques teintés de senteurs ibériques ou d’effluves venus des Caraïbes. Entre gros son et plainte nostalgique, le saxophone donne à entendre des aigus poignants ou des graves telluriques, des sonorités évoquant de caverneuses cornes de brume.

Naima, Olé, … De thème en thème le Pharaon, s’impose sur scène tel un sphinx hiératique irrigué par la vitalité de la musique modale de Coltrane. En effet, si le saxophoniste prend le temps de s’asseoir en début de set entre deux interventions pour écouter avec attention le jeu de ses musiciens, il délaisse la chaise au fur et à mesure de la soirée comme régénéré, revitalisé par la musique.

Cabotin il esquisse des pas de danse sur le devant de la scène, chante et engage le public à l’accompagner. Rien de racoleur dans l’attitude, plutôt le plaisir de donner, de partager, de convier le public à la célébration. Et ça fonctionne. les spectateurs restent comme fascinés, par le jeu de Pharoah Sanders qui, s’il a certes perdu en force n’en demeure pas moins porteur d’émotions puissantes voire même doté d’un lyrisme hypnotique.

Après un changement de plateau rapide, place au duo Émile Parisien-Jeff Mills. Le saxophoniste français et le DJ de Detroit explorent le mythique album enregistré par Coltrane en 1964, « A Love Supreme ».

Les jeux de lumières et la distance qui séparent les deux intervenants ne sont en rien des obstacles à la cohésion de leur prestation. Les deux compères se lancent dans leur incursion au sein de la musique de Coltrane. Spectacle fascinant et passionnant. Le contraste frappe. On retrouve Jeff Mills concentré en diable et Émile Parisien tel qu’en lui-même, vibrant et énergique. 

La collaboration est fructueuse. Qu’il renvoie des samples de piano ou les boucles enregistrées live à partir des improvisations du saxophoniste, Jeff Mills fait preuve d’une acuité, d’une justesse et d’une finesse étonnantes. Émile Parisien quant à lui manifeste son habituelle verve furieuse et élégante qui ne cesse de surprendre et de toujours se renouveler. Un vrai processus de création instantanée est en cours devant les yeux du public fasciné. Si ce n’est la forme, rien ne change, l’improvisation alimente le cœur du jazz qui bat vivace et transfiguré.

Émile Parisien et Jeff Mills proposent une musique libre et renouvelée, vivante et surprenante, passionnante et singulière. Ils ouvrent les portes de l’avenir à la musique de Coltrane. Les deux passeurs possèdent la clé pour renouveler l’expression du jazz modal coltranien. La liberté, garant essentiel de l’évolution de cette musique dont l’avenir se projette décidément avec bonheur.

Le spectacle est fascinant et convainquant. Les deux exégètes de la musique de Coltrane projettent un langage renouvelé où encore une fois opère l’élixir de vie du jazz coltranien. Sans réserve, le public renvoie une ovation spontanée à la prestation qui a convaincu les plus réticents.

Le dernier set appartient au saxophoniste Archie Shepp venu avec un all-star composé du trompettiste Amir ElSaffar, du pianiste Jason Moran, et du batteur Nasheet Waits. Les rejoindront très brièvement, et cela est fort dommage, la chanteuse française Marion Rampal et le saxophoniste britannique Shabaka Hutchings représentant de la nouvelle génération du saxophone.

S’il a lui aussi joué et enregistré avec John Coltrane, à 80 ans, Archie Shepp propose une prestation qui met tout autant en valeur ses compositions personnelles que celles de Coltrane.

Il est vrai que ce charismatique musicien se prévaut d’être un témoin et un gardien de la musique noire américaine et il affiche clairement par son discours son ancrage dans le free jazz dont il fut une figure phare, mais aussi dans le blues, fondement de la musique afro-américaine dans lequel il s’est beaucoup trempé dans les dernières années de sa carrière.

Archie Shepp annonce d’emblée tirer son inspiration de celui qu’il se plaît maintenant à nommer son « Grand Frère ». Après Syeeda’s Song Flute, Archie Shepp invite la chanteuse Marion Rampal à le rejoindre pour seulement deux titres, ce qui est plutôt frustrant. On aurait aimé entendre plus la voix à la fois forte et fragile de cette musicienne empreinte de la dimension mélodique de la musique de Coltrane. On en dira tout autant pour la courte intervention de Shabaka Hutchings dont on a déjà vanté le talent et que le public aura tout le loisir de découvrir au Club de Minuit ce même soir.

Du haut de son tabouret dont il ne descendra guère, Archie Shepp expose via son saxophone les sons issus de la souffrance et de la révolte de ses frères. Soutenu par un orchestre vigoureux et inventif, le saxophoniste convoque Coltrane à travers Naima et après quelques flottements termine par une vibrante ballade bluesy.

Affiche Jazz à Vienne 2024 & Premiers Noms

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Jazz à Vienne – Christian Scott

Jazz à Vienne – Christian Scott

Une musique fascinante, puissante et esthétique

Le 30 juin 2017 à « Jazz à Vienne », Christian Scott et son groupe assurent la seconde partie de la soirée. Malgré les conditions météorologiques défavorables et un début de concert un peu différé, le public apprécie à sa juste mesure la musique novatrice du trompettiste.

Christian Scott que l’on avait découvert aux côtés de Marcus Miller en 2009 s’inscrit dans la droite ligne des souffleurs de la Nouvelle-Orléans. En peu de temps le neveu du saxophoniste Donald Harrison Jr. s’est forgé un style très personnel en participant à la création de la Stretch Music. Ce jeune trompettiste né en 1983 ne cesse d’étonner par sa capacité à intégrer des influences modernes dans le jazz centenaire. On peut évoquer sans grande erreur une filiation qu’il aurait avec un autre musicien qui a bien avant lui fait évoluer le jazz selon une logique similaire, un certain trompettiste prénommé Miles.

Le concert de ce 30 juin 2017 restera gravé dans les mémoires de celles et ceux qui ont bravé le froid et la pluie. Malgré les circonstances peu favorables, le trompettiste a très vite recueilli des applaudissements nourris et fait briller  de bonheur les yeux des spectateurs.

Il est vrai qu’il sait y faire le bougre. Non seulement il joue à merveille mais il prend aussi le temps de présenter ses musiciens et de louer leurs qualités dont on s’apercevra très vite qu’elles sont à l’aulne de ses dires. Il sait aussi narrer avec humour les déboires subis tout au long de sa journée suite à des impérities des transports aériens. Le public ainsi détendu peut alors se concentrer tout entier sur la musique, en savourer la puissance et les nuances et se laisser gagner par l’émotion.

Christian Scott est entouré d’une section rythmique hors pair avec Lawrence Fields (piano, claviers), Luques Curtis (contrebasse) et Mike Mitchell (batterie). A ses côtés, la flutiste Elena Pinderhughes que l’on a découverte sur le second album d’Ambrose Akinmusire. Son jeu aérien, fluide et limpide tranche avec celui du leader plus mordant et puissant qui utilise alternativement Sirenette et Reverse Flugel, des modèles de trompettes qui portent sa signature.

La musique du groupe témoigne de sa très forte cohésion où chacun prend sa place sans omniprésence. Il en ressort un climat fusionnel qui porte un discours très moderne pourtant ancré dans la tradition du jazz. Contemplatives ou puissantes, sereines ou guerrières les ambiances varient. Les improvisations cristallines du pianiste et les interventions du contrebassiste captivent. Le batteur transforme le paysage rythmique de chaque morceau et assure une assise solide sans faille aucune. La section rythmique constitue une solide charpente qui porte les deux solistes et leur permet de s’exprimer en toute liberté.

Lorsque Christian Scott conte son vécu d’enfant aux côtés de son grand-père, Donald Harrison Sr., Grand Chef de quatre tribus d’Indiens Noirs de Louisiane (Brave, Creole Wild West, White Eagles et Guardians of the Flame). Christian Scott lui-même est cette année devenu chef indien de sa tribu nommée Yamasee ou Brave. A travers le discours qu’il tient on comprend que Christian Scott aTunde Adjuah souhaite lutter contre les discriminations et changer le monde grâce à la musique, l’amour et la solidarité vis à vis des démunis oubliés de la société.

Tel un guerrier félin il enchaîne sa narration avec un hymne tribal dédié à l’amour où le batteur devient le cœur battant d’une musique chargée d’émotion, de profondeur et de puissance. De la mêlée s’élève le chant volubile et fluide de la flutiste. Les effets électroniques de la trompette contribuent à donner encore plus de lumière et de respiration au message de cette musique organique et très physique.

La cohésion du groupe a imposé son énergie à la musique traditionnelle et moderne à la fois. Les variations d’ambiances de la section rythmique implacable ont donné libre cours à l’expression des solistes. Les envolées limpides et aériennes de la flutiste ont éclairé de lumière la partition de la soirée. Le jeu physique et précis du trompettiste a convaincu tant par son mordant que par ses fulgurances lyriques. De ce concert le public repart heureux et conquis.

Pour rentrer plus avant dans le monde de Christian Scott, on conseille l’écoute des l’albums « Ruler Rebel » et « Diaspora », deux premiers opus de la Centennial Trilogy que Christian Scott produit pour célébrer le centenaire du jazz.

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