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Le contrebassiste Mauro Gargano signe « Feed »
Musique, nourriture de l’âme
En 2021, le contrebassiste et compositeur Mauro Gargano propose « Feed », un nouvel album enregistré en trio avec le pianiste italien Alessandro Scobbio et le batteur français Christophe Marguet. Huit plages d’un jazz moderne et exigeant dont les vibrations poétiques nourrissent l’âme et irriguent l’imaginaire de rêveries singulières.
Après le fort raffiné et poétique « Nuages » sorti en 2020, le contrebassiste Mauro Gargano revient le 07 mai 2021 avec « Feed » (Diggin Music Prod/Absilone Socadisc). Composé entre avril et septembre 2020, le répertoire de l’album reflète les réflexions du leader lors de la première vague de la pandémie.
En trio avec le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet, le compositeur et contrebassiste Mauro Gargano propose huit pistes d’une musique sans concession où alternent tensions collectives et expressions individuelles. Son écoute réactive le souvenir de ces moments étranges où regarder par la fenêtre était le seul voyage possible et où la musique nourrissait les rêves d’évasion vers un monde libéré des contraintes imposées par le virus.
Enregistré à Paris où réside Mauro Gargano depuis des années, « Feed » délivre des sonorités chargées d’énergie, de surprises et d’espoir.
En ouverture de l’album, Feed se donne à découvrir au fil de 7’26 d’une musique ondulatoire pleine de surprises. A partir d’un motif répétitif de la contrebasse, le piano soutenu par une batterie au jeu tellurique déverse des torrents d’arpèges vibratoires. Après un début tout en hésitation, le titre offre une structure solide dont les débordements rythmiques stimulent l’oreille et enchantent l’écoute. Telle une nourriture mentale apéritivante, Feed ouvre l’envie de découvrir l’album plus avant.
Full Brain installe ensuite une étrange atmosphère. Débutée sur un tempo lent avec des volutes pianistiques tout en suspension et un accompagnement rythmique déstructuré sur des mesures impaires, cette seconde plage musicale s’enflamme en un crescendo rythmique. Contrebasse et piano rivalisent de puissance et réitèrent chacun de son côté un thème trituré inlassablement presque jusqu’à la saturation. Étrangement, cela fait écho à ces pensées redondantes et presque obsessionnelles qui ont pu envahir l’esprit de nombre de personnes confinées.
Plus loin sur l’album, Keep Distance déploie une structure hypnotique imprégnée d’une mélancolique beauté. Le jeu dépouillé du piano et l’accompagnement minimalisme des balais sur les peaux des tambours évoque l’introspection et suggère cette distanciation qui coupe les liens si l’on n’y prend pas garde. Après les tonalités plutôt sombres du début, on se laisse enivrer par les fluctuations du rythme et de l’intensité musicale induite par le jeu répétitif du piano porté par les impulsions de la rythmique. Sur Look Beyond the Window, le titre suivant, le trio engage à porter le regard plus loin. Il instaure d’abord un climat sonore pastoral puis fait évoluer l’atmosphère vers un groove où les synthés sont stimulés par une pulsation rythmique aux accents enrockés. Sans doute le compositeur veut-il ainsi augurer ainsi des ailleurs et des lendemains porteurs d’espoirs… on veut y croire avec lui.
Outre ces propositions musicales en lien avec le contexte sanitaire actuel, Mauro Gargano dédie deux pièces au désastre sanitaire, écologique et social qui touche la région des Pouilles dont il est originaire. Il reprend le thème Pasolini gravé sur « Nuages » et le renomme Ilva’s Dilemma en hommage au peuple de Tarente où l’aciérie d’Ilva a engendré une pollution source d’une catastrophe environnementale. Aujourd’hui ni le repreneur ni l’état italien ne consentent à sécuriser la production pour relancer l’économie tout en préservant la santé de la population. Après une introduction morose, le trio dessine une atmosphère singulière et la musique va crescendo. Le piano éloquent s’enflamme stimulé par le jeu sombre et réitératif de la contrebasse et celui et par celui de la fougueuse batterie. Pour Mauro Gargano, cette composition évoque « la musique des processions des « Mystères » jouées par les “bande municipali” de [s]a région pendant Pâques ». Dans la même veine, The Red Road fait référence à la poussière mortelle qui a pollué et coloré de rouge Tarente. Le morceau se termine par le chant désespéré de la contrebasse après que piano et batterie font résonner un chant qui évoque un tocsin funèbre. Mauro Gargano a composé ce morceau 2 heures en travaillant une étude basée sur les intervalles de neuvième et treizième à la contrebasse. Le titre est dédié à Lorenzo Zaratta, enfant de 5 ans mort d’un type de cancer du cerveau provoqué par la pollution.
En préambule de Lost Wishes, la contrebasse à la sonorité boisée développe une mélopée bluesy sur laquelle se greffe le jeu harmonieux du piano et le drive espiègle et inventif de la batterie. Le contrebassiste confie avoir « essayé d’écrire une chanson de Noël pour ces moments très spéciaux ». Ce thème lent souligné par le chant profond de contrebasse ménage des échappées très libres au piano.
L’album se termine avec le titre Secret Garden dédié au pianiste Gianni Lenoci (1963-2019). Composition originale, le morceau porte le même nom que celle gravée par pianiste disparusur l’album éponyme sorti en 2011. Sur la contrebasse l’archet développe une mélodie évanescente alors que le piano s’exprime comme en flottaison sur un continuum d’accompagnement des balais. Une improvisation collective se développe sur « une série de petits Haiku mélodiques » combiné « dans le cadre d’une improvisation collective plus étendue » avec répétition de « petits motifs rythmiques, toujours répétés avec de petites variations ». … climat épuré, notes raffinées du piano, sombre sonorité de la contrebasse. Une conclusion intime et poétique.
Après avoir apprécié l’album, on espère pouvoir se nourrir très vite de la musique du trio avec la réouverture prochaine des clubs et salles de concert. En conclusion, cette vidéo enregistrée à l’Institut Culturel Italien de Paris constitue une belle mise en oreille et … en appétit.
« Back to heaven – Led Zeppelin/Chapter Two »
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Romain Pilon signe « Falling Grace »
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