« Las Hermanas Caronni », loin des musiques formatées
Samedi 17 septembre le duo des jumelles Caronni ouvre le cycle des « réjouissances sous le Chapiteau » que propose le Festival d’Ambronay. « Las Hermanas Caronni » offrent un concert hors des sentiers battus, comme une invitation au voyage.
« Las Hermanas Caronni » est un duo instrumental et vocal. Gianna au chant et aux clarinettes (clarinette et clarinette basse). Laura au chant « lead » et au violoncelle. Elles sont toutes les deux impliquées dans la composition des morceaux qu’elles interprètent. Avec trois albums à leur actif depuis leur venue en France dans les années 90, les sœurs font entendre une musique qui prend racine dans les traditions de leur pays natal, l’Argentine. A ce titre leur production s’inscrit dans ce qu’il est convenu de nommer « Musique du monde ». Pourtant leur identité musicale dépasse largement cette appellation.
En effet, immergées très jeunes dans la pratique de la musique baroque, « Las Hermanas Caronni » se sont aussi familiarisées avec la musique amérindienne et la pratique des percussions. De leur solide bagage musical classique acquis ensuite dans les conservatoires argentins et français (Lyon), les sœurs ont atteint une parfaite maîtrise instrumentale, Par ailleurs les deux artistes portent un intérêt certain pour le jazz et la liberté que l’improvisation procure. Di Donatto, Portal et Sclavis sont quelques-uns des clarinettistes de référence cités par Gianna.
Sur le chapiteau tombe la pluie. Sous le Chapiteau « Las Hermanas Caronni » installent une douce poésie empreinte de sérénité. L’élégance de leur musique triomphe des éléments naturels.
C’est en toute simplicité et vêtues de noir que les jumelles Caronni présentent leur duo et leur répertoire. Elles ont le souci de caractériser les influences de leur musique et donnent des repères au public d’Ambronay toujours curieux de découvrir les artistes présentés sous le Chapiteau. Parmi les treize titres inscrits au répertoire proposé, huit appartiennent à leur album « Navega Mundos » (Les Grands Fleuves/L’Autre Distribution) sorti en novembre 2015.
La tradition argentine imprègne le répertoire de « Las Hermanas Caronni ». Les musiques du Nord-Ouest de l’Argentine inspirent Cansino, un duo instrumental très calme, presque méditatif qui incite à prendre le temps. C’est du côté des traditions amérindiennes que les sœurs tirent leur inspiration pour le titre Esta cajita qui met en évidence la dimension percussive de ces musiques, l’une utilisant le corps du violoncelle et l’autre les « sabots de chèvre » pour marquer le tempo.
Les jumelles se réapproprient un tango de 1942, Yuyo Verde (« herbe folle »), dont elles donnent une version très libre. En effet, après une introduction instrumentale sensible elles s’évadent du cadre traditionnel du tango. Le murmure de la clarinette s’enroule autour de la mélodie nostalgique que chantent les cordes du violoncelle mais la passion reste sous-jacente. C’est La Chica del 17, un tango « vintage » que les sœurs interprètent en l’honneur à leur grand-mère qui leur a transmis le gout du chant. Laura entraîne son violoncelle dans une danse enlevée et sautillante. Avec Chamuya c‘est la milonga qu’explorent « Las Hermanas Caronni ». Ce titre plein d’humour figure sur leur deuxième album « Vuela ». Il s’agit d’une « milonga chinoise » écrite en souvenir de la période où elles croisent Juan Carlos Cáceres et jouent dans un orchestre de tango dans le quartier de Belleville à Paris. Le violoncelle lyrique laisse la parole à la clarinette basse très expressive qui ponctue son discours de citations de « La vie en rose » et de « Summertime ». La voix de Laura s’en mêle et installe une ambiance chinoise avant de reprendre des tonalités plus argentines.
La musique de « Las Hermanas Caronni » fait aussi des escapades du côté de la péninsule ibérique avec El Espagñol un morceau instrumental mélancolique d’inspiration espagnole. Les musiciennes font un clin d’œil à l’Andalousie avec leur reprise du titre des « Doors », Spanish Caravan. Pour pimenter le tout elles insèrent des bribes d’un morceau classique qu’elles donnent à découvrir au public. Il s’agit de « Tableaux d’une exposition » de Moussorgsky.
« Las Hermanas Caronni » saluent aussi la France avec une version très personnelle du morceau de Brassens, Je me suis fait tout petit. Leur pointe d’accent charmant accompagne leur interprétation de ce titre où la clarinette prend des accents klezmer et la voix de Laura se lance dans un scat très souple. Interrompues par les applaudissements du public abusé par la fin du scat, les sœurs ne se laissent pas déstabiliser et reprennent le morceau pour le terminer avec une fantaisie quelque peu dramatisée sur les cordes du violoncelle.
Avec émotion, les sœurs rappellent l’arrivée de leurs grands-parents suisses-italiens sur la terre argentine et interprètent Pachamama, « terre-mère » en leur mémoire. Les deux voix se superposent, puis la clarinette brode et esquisse un pas de tango.
Au-delà de toutes leurs influences musicales, « Las Hermanas Caronni » nourrissent leur répertoire de poésie et de douceur. On retient Macondo, composition écrite en hommage à l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez qui a situé à Macondo l’intrigue de son roman « Cent ans de solitude ». Elles nous rappellent d’ailleurs que ce roman est toujours d’actualité et que le temps tourne en rond. On a aimé les vers de Rainer Maria Rilke chantés sur la version inspirée de La mélodie des Choses dont la musique est écrite par Laura Caronni.
Le public ne cache pas son enthousiasme pour la musique des jumelles Caronni qui reviennent avec Drume negrita, une berceuse traditionnelle cubaine. « Las Hermanas Caronni » invitent ensuite les spectateurs à les rejoindre pour un After au Bar du Festival.
C’est dans un bar bondé que les musiciennes sont accueillies pour l’After. Après leur généreuse prestation, elles jouent le jeu et offrent un second concert qu’elles animent avec patience et pédagogie. Elles se présentent et n’hésitent pas à donner des précisions très éclairantes concernant leurs trajectoires personnelles et les musiques qu’elles interprètent. On découvre la chacarera, rythme argentin inspiré de l’époque de la colonisation et typique de leur région d’origine, vers Rosario dans la campagne du nord-est de l’Argentine. C’est ensuite l’histoire d’un homme qui parcourt la pampa et dont la seule compagnie est celle d’un essieu grinçant, … en quelque sorte une rencontre musicale entre Jean-Sébastien (Bach !) et Atahualpa Yupanqui. En fin de soirée, elles entraînent le public à chanter avec elles une valse créole qui conte l’histoire d’un cheval têtu et indomptable.
Après cette soirée teintée d’une nostalgie toute argentine, il vient la tentation de réécouter « Vuela » et « Navega Mundos » pour se replonger dans l’univers de « Las Hermanas Caronni » que l’on quitte avec regret. Par contre on se console en apprenant que prochainement leur premier album, « Baguala de la siesta » (actuellement indisponible) va être pressé de nouveau.
Titi Robin Quatuor présente « Le Sable et l’Écume »
Sur son nouvel album « Le Sable et l’Écume », Titi Robin présente un répertoire original composé pour Titi Robin Quatuor, sa nouvelle formation instrumentale. Un projet instrumental porté par les sublimes échanges de quatre musiciens hors pair. La musique s’inscrit dans une culture radicalement modale et polyrythmique. La prise de risque artistique est à la mesure de l’enjeu esthétique. Un projet modal, hors mode et radical.
Michel Petrucciani Trio au Jazz Club Montmartre CPH 1988
Le label Storyville Records prévoit la sortie d’un double-album inédit de Michel Petrucciani, « Michel Petrucciani Trio au Jazz Club Montmartre CPH 1988 ». Annoncé pour le 15 novembre 2024, cet opus inédit permet d’écouter le pianiste entouré de Gary Peacock et de Roy Haynes. Du jazz intemporel qui allie lyrisme, sensibilité et virtuosité.
« Django! »… Baptiste Herbin en trio sans guitare
C’est un véritable défi que réussit le saxophoniste Baptiste Herbin avec « Django! » sur lequel il revisite l’univers de Django Reinhardt, en trio trio saxophone, contrebasse, batterie. Sans guitare, l’album restitue l’essence de la musique du fameux guitariste manouche. Échanges énergiques, fulgurances virtuoses, valses enivrantes, exubérances et silences, tout concourt à faire de cet album absolue une réussite qui allie innovation et tradition.