Steve Coleman continue à inventer le jazz
La venue de Steve Coleman pour la seconde partie de la soirée du 23 mars 2017 constitue un évènement majeur. Le retour du saxophoniste alto avec son trio Reflex mobilise les amateurs de jazz de toutes générations. Le concert comble voire dépasse les attentes des spectateurs qui repartent convaincus que le jazz a un avenir.
Depuis quatre décennies Steve Coleman poursuit sa quête et refuse les étiquettes. Il est pourtant le cofondateur, au milieu des années 80, du mouvement M-BASE. Imprégné de philosophie il s’est aussi penché avec attention sur l’harmonie et les cycles rythmiques. Il a su intégrer le funk et le hip-hop à son vocabulaire musical et manifeste beaucoup d’intérêt pour les musiques et les cultures de Cuba, de l’Inde, du Ghana, de l’Égypte et plus récemment du Brésil.
Né en 1956, ce saxophoniste altiste est aujourd’hui considéré comme un de ceux qui a influencé la conception musicale des nombreux jazzmen venus après lui. Dans le même sens, il aime lui aussi faire référence aux anciens musiciens qui ont contribué à forger les bases de son univers. Charlie Parker, Sonny Stitt, Von Freeman mais aussi Sam Rivers, Thad Jones, Bunky Green sans oublier bien sûr Sonny Rollins et John Coltrane. Il dit avoir construit sa conception du jazz à partir de l’écoute de toutes ces figures légendaires du jazz et affirme que « le jazz est un continuum ».
C’est la troisième fois que Steve Coleman tourne en trio qu’il nomme d’ailleurs toujours « Reflex ». En 1993 il avait à ses côtés Reggie Washington et Gene Lake puis a retrouvé Marcus Gilmore et David Virelles en 2011. En 2017 il vient avec deux complices de longue date, ce qui facilite les interactions et la compréhension mutuelle. Il s’agit du bassiste Anthony Tidd et du batteur Sean Rickman.
Tel un architecte, Steve Coleman construit un set équilibré et solide. La musique prend forme, se transforme, se déforme, se bâtit au fur et à mesure des séquences qui se succèdent au gré de l’inspiration des musiciens et ils n’en manquent pas. Le concert se déroule dans la pénombre. Cette ambiance propice à la concentration participe sans doute du recueillement quasi mystique qui plane au-dessus du public. Très concentré, le saxophoniste semble ancré dans la musique comme un roc inaltérable autour duquel il élabore une musique instantanée qui comble d’aise les spectateurs unis dans une écoute attentive.
Le saxophoniste alto chante en continu sans effort au-dessus de la trame polyrythmique riche nourrie par un batteur hyper réactif et un bassiste très libre. Le leader décroche du micro et le discours du bassiste démarre poussé par le chant hors-micro de l’altiste et les mille nuances de la batterie. Quand Coleman revient, son souffle serein et inlassable émet des lignes réitératives auxquelles se mêlent des mélodies aiguës qui semblent venues d’un autre saxophone. Un double discours, comme un croisement de temporalité. La maîtrise technique absolue du musicien lui permet de libérer son discours de toute contrainte, de prendre tous les risques, de se dépasser et de créer dans l’instant une musique unique et toujours innovante.
Que cette musique porte le nom de jazz ou comme le dit Steve Coleman, « un tout cohérent avec l’univers », elle met d’accord les musiciens, les mélomanes, les néophytes et tous ceux qui écoutent avec attention et sans idées préconçues.
Après de sublimes moments où le calme règne sur scène, les musiciens convoquent une fusion assez étonnante entre saxophone et batterie. La trame se densifie et la tension monte d’un ton. Le saxophoniste sculpte la matière sonore. Un solo de batterie phénoménal relance les échanges entre le bassiste et le saxophoniste qui interrogent la musique et interagissent sans répit. Des geysers jaillissent du saxophone alors que le bassiste et le batteur segmentent le rythme. Steve Coleman fait même un clin d’oeil au be-bop et à Charlie Parker.
Après la lave, le saxophoniste souffle le zéphyr sur un tempo très lent qui permet à la basse de tracer une ligne mélodique et de faire résonner les harmoniques de son instrument avant que survienne un nouveau paroxysme et que le rythme s’accélère. En rappel le concert se termine par un cadeau inattendu… ‘Round Midnight, comme un salut du saxophoniste à Thelonious Monk, un des plus grands compositeurs du jazz.
Le grand ordonnateur Steve Coleman a distribué les cartes, les musiciens ont joué et gagné la partie avec brio. Du début à la fin du set, la mise en place est parfaite, la suite musicale se déroule avec une fluidité étonnante et bannit tout excès démonstratif. Le public est comblé et manifeste avec chaleur son admiration et son respect.
Maître incontestable de l’improvisation et de la composition spontanée Steve Coleman a comblé le public du festival A Vaulx Jazz. Il a offert un voyage musical construit à partir des fondations du jazz et de son inspiration intérieure. Il a démontré si tant est que cela soit encore à prouver, que cette musique possède un avenir. Il reste aux musiciens à l’investir, aux public à s’en saisir et aux producteurs et programmateurs à le mettre en valeur.
Titi Robin Quatuor présente « Le Sable et l’Écume »
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Michel Petrucciani Trio au Jazz Club Montmartre CPH 1988
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« Django! »… Baptiste Herbin en trio sans guitare
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