Shabaka and the Ancestors ré-imaginent l’univers du jazz
La première partie de la soirée du 23 mars 2017 intitulée « Future Sax » accueille « Shabaka and the Ancestors », une des formations du saxophoniste ténor Shabaka Hutchings. Le groupe tient ses promesses et offre un jazz libre inspiré par l’Afrique de Sud. Le public enthousiaste cède à l’alchimie incandescente du jazz.
Le saxophoniste ténor londonien Shabaka Hutchings se prénomme du nom d’un pharaon égyptien nubien Neferkare Shabaka (-716 à -702) issu de la vingt-cinquième dynastie d’Egypte. Comme bien d’autres musiciens de jazz avant lui, le musicien se tourne vers l’Afrique pour abreuver son inspiration à la source de cette matrice primitive.
S’il est né à Birmingham, Shabaka Hutchings a été élevé à la Barbade avant de revenir en Angleterre. Impliqué dans de nombreux projets dont « Sons of Kemet », un brass-band punk qui rêve d’Éthiopie, mais aussi « The Comet is Coming » qui fait rimer Fela avec Zappa. Il est aussi est immergé dans la scène jazz d’Afrique du Sud depuis des années et joue avec le quartet de son mentor Louis Moholo-Moholo de Cape Town. Shabaka Hutchings cède aussi à la transe vaudou dans les Caraïbes avec Anthony Joseph mais il ne sera pas présent à ses côtés pour la dernière soirée du festival A Vaulx Jazz.
Le 23 mars 2017, Shabakah Hutchings se présente sur scène avec la plupart des musiciens de Joahanesbourgh (hormis le pianiste et le trompettiste) avec lesquels il a enregistré son récent album en leader, « Winsdom Of Elders ». A ses côtés, Mthunzi Mvubu au saxophone alto, Ariel Zomonsky à la contrebasse, Gontse Makhene aux percussions, Tumi Mogorosi à la batterie et le chanteur Siyabonga Mthembu.
Dès le début du set, la fascination gagne la salle lorsque s’élèvent la plainte exacerbée et les cris déchirants du chanteur qui, tel un prêtre, semble célébrer un culte auquel on est convié. Il est rejoint par le saxophone alto énergique puis par le ténor qui appelle à la transe. Les rythmiciens, contrebassiste, batteur et percussionniste, unissent leurs énergies et libèrent une force vitale qui engendre une tension redoutable. L’alliage de leurs rythmes conjoints déroule un tapis propice à l’expression des solistes. Vibrations incantatoires des cuivres, mélopée profonde du chanteur qui convoque même les oiseaux.
Les morceaux s’enchaînent entrecoupés de pauses bienvenues qui permettent aux musiciens d’opérer les changements de pulsation. Des moments de répit comme des prétextes pour mieux changer le rythme qui de tellurique devient obsédant ou quasiment enflammé par la contrebasse qui anime un pseudo cérémonial vaudou.
Pourtant rien de démonstratif ni de gratuit dans ce tapis rythmique. Il n’a qu’un objet, servir et favoriser l’expression des solistes. La prière du saxophone ténor, l’incantation de l’alto, la plainte de la voix. Ainsi les trois prêtres unissent leurs chants et le jazz advient en toute liberté.
Les ambiances évoluent et le paysage musicale se bouleverse. Des rengaines mélodieuses alternent avec des chants mélancoliques ou des ambiances évocatrices de paysages. La mise en place est parfaite.
De bout en bout du concert, Shabaka Hutchings manifeste une grande écoute vis à vis des autres musiciens dont il capte les ondes pour mieux leur renvoyer. Le discours du saxophoniste ténor est totalement maîtrisé. De son jeu se dégage un magnétisme quasi mystique qui abreuve une prière musicale nourrie de spiritualité et d’énergie. S’il se lamente avec lyrisme il sait aussi libérer avec spontanéité des fulgurances et des flots de notes mais sans exubérance. De l’épaisseur sonore surgit même parfois un chant aux allures de gospel ensauvagé.
Dans le verbe du saxophoniste on retrouve des échos rollinsiens mais aussi des familiarités avec le monde de Sun Ra et même des accents qui évoquent la chaleur d’un certain Gato. Le saxophone ténor apparaît comme l’extension du corps de l’artiste, uniquement le porte-voix qui lui permet de propulser son cri. On décèle chez l’altiste Mthunzi Mvubu des influences très coltraniennes même si bien sûr Trane demeure aussi au premier titre une influence majeure de Shabaka Hutchings.
Ce 23 mars 2017, le Jazz triomphe vraiment A Vaulx Jazz. La musique magnétique de « Shabaka and the Ancestors » engendre une fièvre pulsative propice à l’exaltation voire à la transe cathartique. Pourtant elle est porteuse d’une douce spiritualité et engendre une sorte de ressourcement qui transparaît sur les visages de tous les spectateurs présents. La terre mère a inspiré les musiciens qui invitent le jazz dans une nouvelle lumière porteuse d’avenir.
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