« Autour de Chet » … un album comme un hommage
Star de son vivant, le trompettiste et chanteur de jazz, Chet Baker, a atteint le statut d’icône après sa mort. Les plages de l’album « Autour de Chet » font résonner aujourd’hui des compositions qu’il a jouées et rejouées.
On tient à saluer l’album « Autour de Chet » (Decca/Universal) sorti le 29 avril et réalisé par Clément Ducol avec des duos de trompettiste/chanteur(se) réunis autour d’un solide quartet comptant Bojan Z au piano, Cyril Atef à la batterie, Christophe Minck à la basse et Pierre-François Dufour à la batterie et au violoncelle. Cet opus présente la vision musicale de musiciens d’aujourd’hui pour qui Chet Baker est une référence.
A l’origine inscrit dans le style west-coast des années cinquante, Chet Baker avait alors le visage d’un ange beau et désenchanté comme le fut celui de James Dean. Après une période de vie ravagée par les excès et les addictions, il a repris une seconde carrière de 1975 à sa mort tragique en 1988. S’il n’était plus physiquement le même, sa musique aussi s’était transformée. Chargée d’émotion, elle restituait, ses questionnements, ses errances, sa quête. Son souffle et sa voix nous bouleversaient. Sa musique devenait l’incarnation même de la nostalgie. Ses notes bleues ponctuaient le silence dont il se jouait. Le souffle devenait soupir, la voix se brisait. Son visage crépusculaire et parcheminé, évoquait celui d’un indien qui aurait parcouru les sentiers d’une guerre qu’il livrait avec lui-même. Autour de Chet la légende prenait forme.
Si Chet Baker n’a jamais été un virtuose, il a pourtant toujours suscité l’enthousiasme. Crooner autant que trompettiste, Chet a affirmé son identité musicale : un jeu ourlé de pudeur et de retenue, entre retrait et distance, introspection et confidence. C’est ainsi que des générations se sont imprégnées des compositions qu’il n’a eu cesse de rejouer. Aujourd’hui encore, le musicien continue à murmurer ses poèmes musicaux dans l’inconscient collectif où il se projette tel le funambule lunaire qu’il a toujours été. Tous ses morceaux portent son empreinte et il est difficile de les écouter joués par un autre.
L’intérêt majeur de l’album « Autour de Chet » est de projeter l’univers de Chet Baker dans la sphère du XXIème siècle. Sur l’opus, la trompette est tenue par six musiciens différents : Luca Aquino, Stéphane Belmondo, Airelle Besson, Benjamin Biolay, Alex Tassel et Erik Truffaz. De la même manière, le chant est incarné par plusieurs voix : Hugh Coltman, Piers Faccini, Elodie Frégé, Ibeyi, Caméliana Jordana, Yael Naim, Sandra Nkake & Charles Pasi. Les associations trompettiste/chanteur(se)s quelquefois inattendues parviennent à imprimer des ambiances très singulières, quelquefois très inspirées. Les arrangements musicaux sont soignés et les choix d’orchestration varient.
Point de trompette sur les thèmes interprétés par Yaël Naïm et Pasi. Option musique de chambre, juste la voix de Yaël Naïm et les cordes pour le titre d’ouverture, l’incontournable My Funny Valentine repris dans une version rubato introspective. Pasi choisit une ambiance blues pour interpréter It could happen to you où voix et harmonica balancent entre pudeur et entrain.
Les autres thèmes proposent des duos trompette/voix. Le monde du blues émarge de nouveau dans l’interprétation désabusée et déchirante que Hugh Coltman (voc) et Erik Truffaz (tpt) donnent de Born to be blue.
Avec Airelle Besson (tpt) et Sandra Nkake (voc), deux femmes explorent les profondeurs de la nostalgie et s’abandonnent avec retenue sur un Grey December teinté d’un sépia digne des années 50. La trompette d’Airelle Besson et la voix mate et très souple de José James s’accordent en contrepoint pour un Nature Boy mystérieux. C’est un Let’s get lost très cinématographique, minimaliste et romantique qu’interprètent Rosemary Standley (voc) et Luca Aquino (tpt), avec en toile de fond l’univers de Chet. Le même Luca Aquino rejoint Piers Faccini (voc) pour une version « comptine » du morceau A Taste of Honey qui nous entraîne dans les coulisses d’un étrange théâtre d’ombres. Elodie Frégé (voc) et Alex Tassel (tpt) choisissent le parti d’un swing délicat et tendre pour reprendre But not for me qui se promène dans une atmosphère que Marylin n’aurait pas renié. Ibeyi et les jumelles Diaz joignent leurs voix à celle de la trompette de Benjamin Biolay pour un Moon and Sand chaloupé et plein de langueur.
Frisson garanti avec le duo Camelia Jordana (voc) et Erik Truffaz qui nous attirent dans un monde teinté de désenchantement avec un lancinant et désespéré The Thrill is gone.
« Autour de Chet »… un album qui colle à l’image de son inspirateur dont le profil bleu orne la pochette du disque avec bonheur. L’essentiel est restitué. L’émotion affleure tout au long de ces dix moments précieux que chacun goûtera avec sa propre sensibilité.
Et pour comble, la seconde partie de la soirée du 29 juin sur la scène du Théâtre Antique de Vienne sera l’occasion de déguster quelques-unes de ces atmosphères. En effet, Jazz à Vienne propose une soirée « Hommage à Chet Baker » avec Piers Faccini (g, voc), José James, Sandra Nkaké, Camelia Jordana, Yael Naim (voc), Erik Truffaz, Airelle Besson, Stéphane Belmondo (tp), Bojan Z (p), Cyril Atef (dms), Christophe Minck (b), Pierre-François Dufour (dms, vlc), Quatuor à cordes, Clément Ducol (dir).
Toutes les informations à retrouver sur le site du festival Jazz à Vienne. Il reste les dix titres de l’album « Autour de Chet » pour illuminer les nuits à venir.
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