Echo#2-Nuits de Fourvière 2021

Echo#2-Nuits de Fourvière 2021

Musique irrésistible et ascensionnelle

​Ciel dégagé, température estivale et vent léger président à la soirée du 18 juillet 2021 qui voit se produire Stefano Bollani puis Thomas de Pourquery sur la scène du Grand Théâtre de Fourvière. Les deux jazzmen avaient enchanté le public des Nuits de Fourvière lors de leur première venue, en 2017 pour le pianiste et en 2018 pour le saxophoniste. Si Stefano Bollani se produit de nouveau en solo, c’est à la tête de son Supersonic que revient Thomas de Pourquery. Une soirée pourvoyeuse de contrastes et de surprises. Deux concerts irrésistibles et inoubliables.

Cet Echo#2-Nuits de Fourvière 2021 se souvient de la soirée du18 juillet 2021 dont l’affiche réunit le pianiste Stefano Bollani puis le saxophoniste Thomas de Pourquery et son Supersonic.

Stefano Bollani - Variations pour piano sur Jesus Christ Superstar

Pantalon blanc, chemise colorée et cheveux gris attachés, c’est un Stefano Bollani souriant qui s’adresse au public attentif du Grand Théâtre de Fourvière auquel il dit son plaisir de se retrouver à Lyon. En effet, le pianiste et compositeur italien s’était produit à l’Odéon le 18 juillet 2017, en première partie d’une Nuit Italienne mémorable. A l’issue d’un set exubérant, le musicien transalpin avait conquis l’ensemble des spectateurs et spectatrices présents.

Echo#2-Nuits de Fourvière 2021, visuel de l'album Piano Variations on Jesus Christ Superstar de Stefano BollaniLe pianiste et compositeur Stefano Bollani précise d’emblée combien il a été séduit à 14 ans, par la musique, l’histoire et l’atmosphère des scènes du film « Jesus Christ Superstar » d’Andrew Lloyd Webber & Tim Rice. Cinquante ans après la parution de l’album-concept original « Jesus Christ Superstar », il a d’ailleurs gravé sa propre version de l’opéra rock, sur son album « Piano Variations on Jesus Christ Superstar », une version instrumentale pour piano dont il a présenté plusieurs titres au public de Fourvière. Il s’agit en fait d’improvisations très libres sur la structure et les mélodies originales qu’il se réapproprie via différents styles musicaux.

Après une interprétation enflammée et lyrique du Prélude composé par ses soins et malgré le vent qui disperse les partitions, Stefano Bollani donne ensuite une version vigoureuse et bluesy de Heaven On Their Minds qu’il joue tantôt assis tantôt debout emporté par sa flamme. Complètement immergé dans sa musique, le pianiste poursuit avec le délicat Everything’s Alright où très vite, la délicatesse se double d’un lyrisme éperdu de la main droite avant que la musique ne s’apaise de nouveau.

Il présente les trois premiers morceaux puis invite le public à pénétrer « dans le monde des méchants ». Ses deux mains dialoguent comme les protagonistes de l’histoire que le pianiste conte avec force conviction et mille nuances.

Après un moment véhément, il radoucit son propos avant de s’animer de nouveau entre phrasés caribéens et phrasés concertants. Il enchaîne ensuite Pilate’s Dreams, The Temple et I Don’t Know How to Love Him. La ballade mélancolique jouée avec une très grande sensibilité donne à entendre les prémices de la condamnation du Jésus après quoi le jeu du pianiste se fait plus percussif, authentifiant ainsi la dimension dramatique du moment.

©Marion Tisserand

Après avoir qualifié Ponce Pilate « d’hygiéniste » qui se lavait les mains (!..), déclenchant ainsi de grands rires dans l’assemblée, Stefano Bollani se remet au piano pour Gethsemane, un morceau tout en délicatesse où sa main droite entame le dialogue avec le Seigneur. Puis, différents moments musicaux se suivent où alternent véhémence, interrogations, silences et réflexions avant de se terminer par de délicates notes qui signent l’acceptation de sa mort.

Vient ensuite King Herod’s Song, un morceau que le pianiste qualifie de « vaudeville », juste avant la tragédie, où se mêlent rythmes de fox-trot, de bossanova et dont le rythme va en s’accélérant. Le contraste est grand avec Trial before Pilate où la main gauche bourdonne alors que la droite plaque des accords avec force. La musique se calme ensuite, se teinte de blues avant d’enfler de nouveau. Emporté par son jeu puissant qui reprend le thème de Superstar, le pianiste joue debout avant de terminer en délicatesse avec John Nineteen : Forty-One joué sur un tempo de ballade étiré à l’extrême. Le pianiste salue le public et sort de scène mais revient très vite, sous les vivas, rappelé par le public enthousiaste qui en redemande encore.

Après une ovation fournie, c’est Il Sentiero, une de ses propres compositions qu’il interprète. D’abord esquissée, la mélodie se répète sur un rythme ternaire, de légère elle devient plus appuyée et l’on se promène à la suite du pianiste sur un sentier musical qui fait alterner trouées lumineuses, sous-bois plus sombres, pour se terminer dans une clairière ensoleillée et paisible…. ces cinq dernières minutes musicales recèlent toutes les nuances de l’art de Stefano Bollani.

Thomas de Pourquery & Supersonic

Après sa participation à la soirée « Hommage à Nougaro » proposée le 24 juin 2018 sur la scène de l’Odéon de Fourvière avec Babx et André Minvielle, le saxophoniste, chanteur et compositeur Thomas de Pourquery revient à Fourvière en 2021 avec son groupe Supersonic.

La nuit est tombée quand la scène s’éclaire. Le son de la trompette s’élève. Après une introduction musicale qui déclenche les applaudissements nourris du public, la voix de Thomas de Pourquery s’élève au-dessus de la musique du groupe. Sa voix souvent grave s’envole avec facilité dans les aigus. Le front ceint de perles, il salue le public, remercie les organisateurs… le spectacle peut commencer.

Car il s’agit en effet tout autant d’un concert que d’un spectacle. Le son est au rendez-vous, les éclairages sont inspirés, le décor est planté… la navette Supersonic est prête à décoller, le public se prépare à monter dans la machine stellaire avec les six musiciens présents sur scène, Thomas de Pourquery (saxophone alto, chant), Arnaud Roulin (piano, claviers, Moog et synthétiseurs), Fabrice Martinez (trompette, bugle, chant), Laurent Bardainne (saxophone ténor, chant), Frederick Galiay (basse, chant) et Edward Perraud (batterie, chant).Echo#2-Nuits de Fourvière 2021, visuel de l'album Back to the Moon de Thomas de pourquery & Supersonic

Après Take-off et Joy qui mettent le spectacle en orbite, advient Back to The Moon, comme un alunissage vigoureux dans le monde stellaire du sextet qui présente, dixit le leader « les nouvelles mélopées » de « Back to The Moon », album à sortir le 17 septembre 2021 sous le nouveau label de Thomas de Pourquery, Lying Lions Productions.

La basse ronflante et la batterie pulsatile font merveille et dynamisent voix et instruments solistes. Thomas de Pourquery tombe la veste et pose ses perles, les fulgurances de son alto croisent celles de la trompette. Tout s’enchaîne sans discontinuer, riffs de basse, lamentations du ténor, chant de la foule que le leader invite à les rejoindre. Les pieds dans le jazz, la tête entre rock et pop, le sextet joue avec énergie.

Dans une totale communion, le groupe propose un répertoire pourtant nouveau mais déjà totalement maîtrisé. Mise en place parfaite, interactions de chaque instant. Les ambiances se suivent et se renouvellent, gravité, légèreté, humour. Cuivrée, la musique se fait martiale puis céleste sans oublier de swinguer. Poussé par l’ardent batteur à la chemise toujours fleurie, l’alto chante solo puis hurle avant de rejoindre les cintres de la scène avec une citation de Ne me quitte pas. Le « Chevalier Blanc »,

© Marion Tisserand pour Jazz-Rhones-Alpes.com

Fabrice Martinez ainsi présenté par Thomas de Pourquery, lance l’introduction de Yes Yes Yes Yes avant que tout le groupe ne se retrouve pour un moment sidérant. Propulsés par une musique quasi-sidérale, les spectateurs sont prêts à décoller, portés par la basse tellurique, la batterie dopée, les synthés aux sonorités tournoyantes, la trompette interstellaire, le ténor puissant et l’alto vociférant.

Alors que le groupe débute I Gotta dream, Thomas de Pourquery stimule le public qu’il trouve « trop bien installé, trop bien vacciné », lui demande de se lever et de « faire les essuie-glaces avec les bras au-dessus de la tête en rythme » et ça fonctionne, tout le monde obéit au doigt et à l’œil au leader alors que la musique se développe de manière exponentielle. Le saxophoniste les félicite, « pas mal pour des provinciaux… dans le milieu du panier » et parvient même à les faire chanter avec lui, tant dans les graves que dans les aigus. La musique se fait de plus en plus dense.

Après avoir taquiné de nouveau le public, Thomas de Pourquery annonce le dernier morceau. Féroce et inspiré comme jamais, Edward Perraud derrière sur ses fûts et ses cymbales fait monter plus encore la tension sur la reprise de Caetano Veloso, O Estrangeiro qui explose de mille feux. L’air devient musique, on la respire, on la vit, elle vibre en chacun.e.

Pour le plus grand bonheur du public, le groupe revient pour un rappel et interprète une version délicate de Love in Outer Space de Sun Ra auquel Thomas de Pourquery et Supersonic ont consacré leur premier album « Play Sun Ra » sorti en 2014.

Deux concerts épiques et inoubliables. Comme l’a dit Thomas de Pourquery, « les étoiles sont tout près finalement »… Le 18 juillet 2021, elles étaient sur la scène du Grand Théâtre de Fourvière et le public est monté au ciel avec Stefano Bollani puis avec Thomas de Pourquery et ses complices du Supersonic.

Avec tous nos remerciements à Marion Tisserand et Jazz-Rhône-Alpes pour les photos de Stefano Bollani et Thomas de Pourquery & Fabrice Martinez qui témoignent de la prestation de ces artistes sur la scène du Grand Théâtre de Fourvière, le 18 juillet 2021.
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