D’une singularité inouïe
Le quartet luxembourgeois du batteur Michel Meis annonce la sortie de son deuxième album, « Kaboom », avec en invité, le violoniste français Théo Ceccaldi. Le titre explosif de l’opus est en parfaite adéquation avec son contenu musical. Un jazz moderne, nerveux et dynamique où alternent mélodies accrocheuses et improvisations décapantes et inspirées. Avec un goût affirmé pour la diversité des ambiances et les structures complexes, la musique affirme son identité qui tranche avec les formats consensuels. A découvrir et à partager !
Après son premier album « Lost in Translation » (2019), le quartet du batteur luxembourgeois Michel Meis sort « Kaboom », un deuxième opus annoncé pour le 28 mai 2021 sur Double Moon Records.
Avec aplomb, un superbe et mystérieux chat blanc aux yeux verts illustre le visuel de l’album et son livret. Le blanc fait aussi consensus pour la pochette et la tenue des artistes.
Tout comme le félin, le quartet s’octroie la liberté de faire ce qu’il veut… une musique lumineuse à la singularité inouïe qui dépayse et réjouit l’oreille.
Sur « Kaboom », avec souplesse et sans aucun heurt, Michel Meis 4tet navigue entre vibrations rock et pulsations jazz, entre effets rythmiques et mélodies lyriques, entre improvisations éclatantes et expérimentations originales.
« Kaboom »
Pour « Kaboom » (Double Moon Records/DistrArt Music) du Michel Meis 4tet, enregistré en décembre 2020, Michel Meis a réuni la même équipe que celle de son premier album. La tromboniste Alisa Klein, le pianiste Cédric Hanriot et le contrebassiste Stephan Goldbach. Sur cinq titres, le quartet invite le violoniste Théo Ceccaldi. La cohésion du groupe ne se dément à aucun moment mais cette osmose n’altère en rien la singularité de l’expression de chaque artiste. Son chaleureux et chargé d’émotion du trombone, force et élégance de la contrebasse, piano plein d’assurance mais riche en surprises, fougue et impétuosité maîtrisées de la batterie, élan et flexibilité du violon.
Entre sept pièces longues de sa composition, Michel Meis intercale quatre miniatures, deux de sa plume, une à créditer à Théo Ceccaldi & Stephan Goldbach et une autre à Cédrick Hanriot. Dans ces interludes prévaut l’improvisation. Expression solo pour le piano et sur les autres, des conversations entre violon et contrebasse, contrebasse et piano, batterie et trombone.
Au fil des titres
L’album ouvre avec Full Pedal Jacket. Basé sur riff qui revient tout au long de ses 8’42, le morceau débute de manière impétueuse et le quartet sonne comme un big band, son puissant et ardent du trombone, martèlement des notes du piano, envolées lyriques du violon, vigueur de la rythmique. Le piano apaise le climat puis embrase de nouveau l’atmosphère. Plus loin, le violon envoutant déroule ses lignes musicales sinueuses chargées de mélancolie. Après ce premier titre qui fleure bon l’hommage à Stanley Kubrick, advient un interlude joué solo par le piano, un moment onirique et précieux.
Tout le groupe se retrouve sur State of Uncertainty, piste écrite par le leader en plein confinement. Le titre et l’atmosphère évoquent à n’en pas douter l’état d’incertitude dans lequel se trouve le monde, ce que restituent tout à fait les changements de rythme. Le climat sonore oscille entre rythmes effrénés et mélodies oniriques. Jeu éclatant du trombone, souplesse féline du violon, respirations vibrantes du piano, pure élégance de la contrebasse, riches ponctuations rythmiques de la batterie. Un dialogue s’instaure ensuite sur un très court interlude entre les cordes de la contrebasse et celles du violon. Sonorité boisée des premières, pizzicati acidulés des secondes.
Très éclectique dans sa structure qui fait alterner plusieurs formes musicales, Kaboom déborde de puissance et de lumière. Après une introduction explosive trombone/violon, piano, batterie/contrebasse, le solo du violon illumine l’espace sonore par sa flamboyance mise en valeur par le drive de la batterie. Le piano dompte son impétuosité puis la laisse éclater et rallie à sa cause l’ensemble orchestral fulgurant d’énergie. Au mitan de l’album, le titre qui donne son nom à l’album inclut les éléments clés de la musique du groupe.
Avec une introduction au bruitisme spatial, Coming Together transporte le quartet vers un voyage cosmique. L’archet de la contrebasse fait résonner des notes graves, le clavier égrène des perles aiguës qui entrent en vibration avec les sonorités médium soufflées par le trombone au-dessus des effleurements des balais sur les cymbales. Par un enchainement subtil et presque sans rupture, le quartet rallié s’achemine vers She, une ballade atmosphérique écrite par Michel Meis pour Alisa Klein dont il dit qu’elle représente « l’âme du groupe ». Le trombone à la sonorité ample et moelleuse égrène des notes dans le registre grave alors que le piano lui répond par de courtes impulsions dans les aigus. Après le chorus lyrique du soufflant, la contrebasse chante au-dessus des nappes du Rhodes puis le piano développe un solo lyrique qui ravit par ses surprises.
Après un interlude fondé sur les arabesques du piano accompagné par l’archet de la contrebasse, débute le dansant Red Desert Air. Le thème repose sur un motif joué en continuum jusqu’à en devenir hypnotique, par le trombone et la contrebasse, lesquels sont rejoints par le piano et la batterie. Suit alors une énergique et captivante improvisation du trombone. L’accompagnement rythmique qui fait alterner ruptures et salves est somptueux. Le titre restitue tout à fait la chaleur torride qui se dégage d’une désertique étendue de sable chauffée à blanc. On en sort décoiffé.e !
Après un déferlement fracassant de la batterie, le souffle du trombone tisse ensuite une complainte d’une mélancolie infinie au-dessus du déchainement incessant des baguettes sur les tambours. A la suite de ce dernier interlude, se profile Re:build, « composition commandée (à Michel Meis) sur la reconstruction économique et sociale du Luxembourg détruit après la Seconde Guerre mondiale ». Après introduction du piano solo, batterie, contrebasse, trombone, Rhodes et violon entrent en piste. Les instruments créent un climat dont l’effervescence ne va cesser de varier. Les frontières s’amenuisent entre écriture et improvisations portées par des riffs rythmiques incessants que développent trombone, contrebasse et batterie. Après une virulente intervention du trombone et une improvisation du Rhodes interrogatif, le violon développe un jeu tendu et explosif qui s’achemine vers un territoire sonore plus calme où il est rejoint par l’archet de la contrebasse et par le trombone. Cette pièce qui oscille incessamment entre montées et descentes dynamiques termine avec brio le répertoire de cet album remarquable.
« Kaboom, un concentré d’éclectisme qui allie avec bonheur lyrisme et énergie, élégance et émotion. Sur cet opus peu conventionnel qui cultive la diversité, les plages font alterner les rythmes, naviguent entre dynamisme et mélancolie, entre chaleur et fureur. Un jazz actuel qui préfigure celui de l’avenir.
Du groove à gogo avec Dmitry Baevsky et « Roller Coaster »
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