Michel Portal présente « MP85 »

Michel Portal présente « MP85 »

Un voyage musical radieux

Après un silence discographique de 10 ans, Michel Portal revient avec un nouvel album aux accents joyeux, « MP85 ». Si les initiales du titre reprennent celles de son identité, le nombre associé évoque les 85 bougies soufflées le 27 novembre 2020 par le leader. Avec son nouveau groupe, le clarinettiste restitue la vision qu’il a du monde. Il invite à le suivre dans un voyage musical radieux qui commence en Afrique et se termine au pays basque. Dix paysages sonores sublimes.

Avec une carrière menée avec brio à la confluence de plusieurs univers, musiques classique et contemporaine, bandes originales de films, jazz et musiques improvisées, le clarinettiste Michel Portal inspire le respect. Dix ans après « Balaïdor » (2011) enregistré en New York, l’album « MP85 » couverture de l'album MP85 de Michel Portalmarque les retrouvailles de l’artiste avec Label Bleu, label avec lequel il avait collaboré dans les années 90 pour trois albums dont le dernier, « Dockings » (1998), réunissait déjà à ses côtés, Bruno Chevillon et Bojan Zulfikarpašić plus connu sous le nom de Bojan Z.

Enregistré après le premier confinement, entre le 25 et le 30 juin 2020, par l’ingénieur du son Philippe Teissier du Cros, au Studio Gil Evans de la Maison de la Culture d’Amiens, « MP85 » (Label Bleu/L’Autre Distribution) est sorti le 05 mars 2020. Michel Portal évoque lui-même cet enregistrement comme une sorte de retour à ce qui fonde pour lui la musique… la joie des échanges et du partage.

« Ce disque s’est fait dans des conditions très particulières, au sortir de deux longs mois de confinement. Avec les membres de mon nouveau quintet, nous nous sommes retrouvés dans les studios de Label Bleu, avides de musique mais animés d’un sentiment mêlé de joie, de crainte du virus et de méfiance involontaire envers l’autre soudain renvoyé à son statut d’“étranger menaçant”. Comme s’il s’agissait pour chacun d’entre nous de rétablir la bonne distance par rapport au monde et aux autres, la musique durant ces quelques jours d’enregistrement s’est inventée au présent en circulant de l’un à l’autre avec une vraie intensité collective. C’est ce mouvement fondamental d’ouverture qui, je crois, donne à la musique de ce disque sa couleur et sa direction — comme un retour progressif à la vie. Ce que nous avons cherché là tous ensemble, c’est de retrouver l’élan et l’insouciance du jeu, la joie simple de partager l’instant dans ce qu’il a de plus vif et explosif : cette faculté qu’a la musique, quand on la prend au sérieux avec suffisamment de légèreté, d’abattre tous les murs qui peuvent s’ériger entre nous ! »  Michel Portal.

Un groupe transgénérationnel

Michel Portal quintet

Michel Portal 5tet©Stella D

Depuis toujours le musicien et compositeur Michel Portal parcourt les scènes et affectionne les rencontres musicales. En effet, ce précurseur du free jazz a joué avec les plus grands noms de la scène jazz européenne et internationale et n’hésite pas à rencontrer les jeunes pointures de la scène actuelle du jazz.

Ce fut le cas en 2018, où Michel Portal s’entoure d’un nouveau groupe pour honorer une commande de l’Europa Jazz Festival du Mans. Pour l’occasion, il étoffe le duo de ses fidèles compagnons de scène Bojan Z (piano, claviers) et Bruno Chevillon (contrebasse) de deux complices plus récents, le batteur belge Lander Gyselinck et le tromboniste allemand Nils Wogram, un familier du pianiste avec lequel il joue souvent en duo. Après la réussite scénique de ce groupe transgénérationnel réuni autour d’un nouveau répertoire, le quintet se retrouve en juin 2020 dans le Studio Gil Evans de la Maison de la Culture d’Amiens, pour enregistrer les dix pistes de « MP85 » produit par Label Bleu.

« MP85 »

Avant même d’écouter les dix plages de l’album, on est captivé par le visuel de l’album crédité à Christophe Rémy (Links Création Graphique) qui donne à voir le profil de Michel Portal, pensif au centre d’une trouée nuageuse au bleu intense.

Pour ce projet, Michel Portal embouche clarinette basse, clarinette en si bémol et saxophone soprano. Au fil des titres, il conjugue lyrisme et virtuosité, romantisme et énergie. Il libère son inventivité et s’envole dans des improvisations où se croisent humour et poésie.

Autour du leader, Bojan Z se fait tour à tour explosif et enchanteur sur les claviers alors que le jeu Bruno Chevillon sur sa contrebasse ravit par sa subtilité, sa précision et sa justesse. La technique éblouissante du tromboniste Nils Wogram s’allie à un phrasé sans défaut où l’imagination prend toute sa part. Le groove très actuel du batteur Lander Gyselinck, originaire d’Anvers, possède une palette de sons nuancée et une subtilité rythmique qui contribuent à créer d’élégants climats sonores propices à la liberté d’expression des solistes.

De l’Afrique au Pays Basque…

De l’Afrique au Pays Basque en passant par l’Arménie, les Balkans et le désert, « MP85 » regarde largement sur le monde.

Toutes les compositions de « MP85 » sont de Michel Portal sauf Full Half Moon de Bojan Z, Split The Difference de Nils Wogram et le chant traditionnel basque Euskal Kantua.

En ouverture, African Wind résonne comme une mélopée africaine et invite à la danse. Les instruments teintent leur jeu de couleurs douces et leur expression semble témoigner d’une joie insouciante et d’un partage plein de générosité. La mélodie mélancolique de Full Half Moon évoque les musiques des Balkans que développent trombone et piano. La clarinette basse part dans une improvisation libérée et stimule le trombone dont le solo décapant est vivifiant.

Plus loin, en contrepoint avec le trombone et accompagné par le seul piano, la clarinette développe la superbe mélodie du titre Armenia. Son chant rêveur aux accents empreints de tristesse transporte dans un monde onirique au-dessus duquel plane l’âme du pays évoqué dans le titre. Dès le début de Jazzoulie, on est saisi par la dimension orchestrale rutilante de cette plage qui contraste avec la précédente et sonne comme un clin d’œil à l’univers de Miles Davis. L’arrangement explosif, la rythmique affranchie de toute limites, le jeu imprévisible de la clarinette et l’expression jubilatoire du trombone, tout concourt à faire de ce titre un moment fort, à la fois déroutant et réjouissant.

Hommage non dissimulé à Mino Cinellu et à Miroslav Vitous, Mino- Miro séduit par son riff que la contrebasse joue en intro avant d’être repris par la clarinette et le trombone à l’unisson. Après un chorus aérien du piano, la clarinette s’envole au pays des Balkans puis le trombone enracine son solo dans celui du blues. Très jazzy, la ligne mélodique de Split The Difference est exposée avec énergie et précision par les soufflants. Le piano enflammé leur répond puis le trombone se prend au jeu et développe une improvisation toute en vivacité alors que la clarinette n’est pas en reste. S’installe ensuite un échange exubérant entre tous les protagonistes propulsés par une rythmique tonique.

Le voyage continue ensuite dans des paysages désertiques avec Desertown où l’on s’attend à tout instant à croiser une certaine Caravan de Duke Ellington. La sonorité lumineuse de la clarinette peint des arabesques célestes auquel répond le chant empreint de sensualité du trombone. Les ruptures pulsatiles de la rythmique et les interventions du piano les rejoignent et contribuent à créer un climat poétique étrange qui évoque pour finir, un vent de sable. Sur le tempo vigoureux de Nu Hay, la clarinette au son réverbéré, le trombone au jeu explosif et le piano hyper-rythmique ébouriffent cette musique organique au groove charpenté.

Plus tard, Mister Pharmacy se métamorphose de bout en bout à partir d’un motif réitératif dont la répétition évoque un climat obsessionnel irrigué par un lyrisme joyeux. Comme un clin d’œil nostalgique à la jeunesse du leader, l’album se termine par la reprise d’un chant traditionnel basque, Euskal Kantua. Après une introduction de la contrebasse dont le jeu imprime une forte charge émotionnelle, clarinette basse et piano magnifient ce morceau qui résonne comme un hymne porteur d’espoir.

« MP85 », un album généreux aux couleurs sensibles. Des musiques se dégagent des ondes de joie de vivre. Une potion d’optimisme musical !

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