Jazz en apesanteur
Avec son troisième album « Big Wheel », le batteur et compositeur Thomas Grimmonprez propose un voyage musical en apesanteur. En quartet avec Manu Codjia, Jérôme Regard ou Matyas Szandai et Benjamin Moussay, le leader organise un superbe équilibre entre courants de tension et espaces de détente. Comme en apesanteur, la musique onirique flotte entre songe et poésie.
Sideman très recherché, le batteur Thomas Grimmonprez poursuit sa carrière de leader. Après « Bleu » (2009) et « Kaléidoscope » (2016), il revient avec un troisième opus, « Big Wheel » (OutNote Records), sorti le 23 août 2019.
Thomas Grimmonprez a conçu « Big Wheel » en référence à « la grande roue. La roue qui nous rappelle notre rapport au mouvement et au temps. La roue libre du lâcher prise, du moment suspendu. La roue qui tourne rond dans un monde carré… C’est aussi le recommencement, la création perpétuelle. »
« Big Wheel » saisit par son énergie quasi impalpable, la profonde musicalité de ses climats et la fluidité expressive des instrumentistes.
Thomas Grimmonprez Quartet
Pour « Big Wheel », le batteur Thomas Grimmonprez fait le choix d’un quartet où la contrebasse est tenue par Jérôme regard sur six titres et par Matyas Szandai sur l’autre tiers du répertoire. Avec souplesse, la paire rythmique batterie-contrebasse navigue entre délicatesse et force, subtilité et énergie.
D’un bout à l’autre de l’album, le piano d’une légèreté impalpable de Benjamin Moussay et la guitare limpide aux sonorités spatiales de Manu Codjia devisent en totale symbiose. Leurs interactions très équilibrées traduisent une superbe entente. Techniques mais très expressifs, leurs échanges rivalisent de musicalité.
Au fil du répertoire
Thomas Grimmonprez a composé les neuf titres de cet album aux mélodies captivantes. Un répertoire où alternent climats planants aux lignes mélodiques éthérées et ambiances captivantes au groove profond.
En ouverture de Big Wheel les balais subtils rebondissent en souplesse sur la caisse claire comme pour annoncer l’ambiance chimérique que tissent les lignes aériennes du piano, les sonorités méditatives de la guitare et le chant boisé de la contrebasse. Pour finir, la quiétude s’impose.
Dès les premières notes, Sweet Cake permet ensuite de saisir l’alchimie profonde qui règne entre piano et guitare. Les baguettes énergiques impulsent une douce puissance et le solo de guitare déclenche un tourbillon euphorisant.
L’atmosphère évanescente de Suspended Time dessine un tableau étrange où, dans un climat serein, piano et guitare rivalisent de propos inspirés. Le temps parait se dilater au long des envolées aériennes du piano que le batteur accompagne à mains nues. Plus tard, piano et guitare exposent à l’unisson la mélodie de l’étrange et envoutant, Cats and Dogs. Dans ce tableau musical imaginaire, la guitare atteint des sommets d’inspiration et construit un solo envoûtant.
Advient alors Heavy Soul sur lequel l’impulsion rythmique groovy de la batterie soutient l’improvisation radieuse de la guitare. Le quartet poursuit son exploration musicale sur Quiet, une courte ballade dont la ligne mélodique flotte et donne l’impression de vraiment suspendre le temps. Après les sombres et inquiétants nuages sonores qu’installent le piano et la guitare sur Hypnosis, la rythmique impulsive chasse les turbulences, éclaircit le ciel et permet un retour à la réalité
Plus tard, le piano introduit avec lenteur la mélodie lumineuse aux inflexions latines de Spain Time. C’est ensuite à la guitare aux sonorités stratosphériques de conduire le morceau jusqu’à ses dernières notes. Sur Highway, le dernier moreau de l’album, le quartet entame un voyage en roue libre sur une autoroute qui traverse des paysages teintés des souvenirs des musiques de Pat Metheny et Lyle Mays.
« Big Wheel » flotte en apesanteur. Suspendu entre une poésie sensible et une délicate rêverie, il explore le temps et les rythmes. En quartet, Thomas Grimmonprez conte des histoires captivantes où se croisent mélodies aériennes et envolées inspirées des solistes. Un album comme un rêve où il fait bon voguer.
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