Délicates vibrations
C’est au vibraphone et à la tête de son « Vibes Quintet » que Jorge Rossy signe « Beyond Sunday ». Entouré des prestigieux Al Foster à la batterie et Mark Turner au saxophone, le leader se réinvente et propose un album nuancé aux subtiles alliances sonores.
Devenu vibraphoniste, le batteur historique du trio de Brad Mehldau, Jorge Rossy présente l’album « Beyond Sunday » (jazz&people/PIAS) sorti le 16 novembre 2018.
Le leader dirige le « Vibes Quintet », un groupe au casting étonnant, une sorte de all-stars qui réunit le saxophoniste ténor Mark Turner, le légendaire batteur Al Foster, le contrebassiste Doug Weiss et le jeune guitariste Jaume Llombart.
Jorge Rossy
A l’origine, Jorge Rossy a commencé à jouer de la trompette lorsqu’il apprit le jazz au Berklee College of Music de Boston.
Auprès de Brad Mehldau et avec Larry Grenadier à la contrebasse, il a ensuite assumé avec brio le rôle de batteur de 1994 à 2005 dans ce groupe qui a réinventé l’art du trio piano/contrebasse/batterie.
Après avoir quitté ce fameux trio, Jorge Rossy retrouve Barcelone et se consacre au piano. Il ne renonce pas pour autant à la batterie puisqu’il a joué avec Charlie Haden, Lee Konitz, Joshua Redman, Joe Lovano, Wayne Shorter et aussi dans le trio FOX avec Pierre Perchaud et Nicolas Moreaux. Jorge Rossy n’en développe pas moins une sérieuse affinité avec le vibraphone qui devient son instrument de prédilection.
Il explique combien le « vibraphone était …[s]on instrument idéal… comme l’addition des trois autres. Il possédait des aspects de la batterie …du fait qu’il se joue avec des baguettes… ; ensuite il possède un clavier, comme le piano ; enfin, il peut tenir le rôle d’une trompette, en [lui] permettant de jouer les lignes mélodiques qu[‘il a] dans l’oreille ».
« Vibes Quintet »
En 1995, Jorge Rossy alors batteur, rencontre le saxophoniste Mark Turner qui grave alors « Yam Yam » son tout premier album en quintet avec le pianiste Brad Mehldau, le contrebassiste Larry Grenadier et le guitariste Kurt Rosenwinkel. Pour constituer son quintet, Jorge Rossy appelle Mark Turner.
A l’époque où il était le batteur en titre de Paquito D’Rivera, Jorge Rossy rencontre Al Foster dans les coulisses de l’enregistrement de l’album « Who’s Smoking ? » que le saxophoniste cubain grave en 1992.
C’est auprès du pianiste Kevin Hays et dans le groupe de Mark Turner que Jorge Rossy a croisé le contrebassiste Doug Weiss dont l’amitié remonte à plus de vingt ans. Le benjamin du quintet, le guitariste Jaume Llombart, est une jeune recrue barcelonaise rencontrée via le label Fresh Sound New Talent de Jordi Pujol.
« Beyond Sunday »
Aux membres de son VIbes Quintet, Jorge Rossy propose un répertoire dont la majorité des titres sont à porter à son crédit, hormis Introspection de Thelonious Monk et deux compostions redevables à Al Foster.
L’album ouvre avec les harmonies flottantes de Beyond Sunday qui donne son nom à l’album. Avec délicatesse les mailloches effleurent les lames du vibraphone et génèrent un climat évanescent. Après un court et lumineux solo, la guitare passe le relai au saxophone ténor à la sonorité lunaire.
Tout au long des plages, ténor, vibraphone et guitare conversent. Les improvisations s’enchainent avec fluidité sur un accompagnement rythmique sans faille mais sans relief.
Sur Kierra composé par Al Foster, l’élégante intervention de la contrebasse répond au chorus de guitare qui N’est pas sans évoquer le style de Jim Hall. Douglas, le second titre écrit par le batteur, regarde du côté du blues et offre un duo ténor-vibraphone dont le phrasé sinueux évoque les ambiances de Lennie Tristano.
On apprécie Joe’s dream et son tempo plus tonique sur lequel le ténor expose sa virtuosité, la batterie muscle son jeu et le vibraphone se fait volubile. On savoure aussi le climat crépusculaire de Dusk, ballade aux teintes west-coast. Sur Sleepin’in les douces volutes du saxophone et du vibraphone se croisent et incitent à la rêverie.
Sur Cold les chimères du saxophone, de la guitare et du vibraphone installent une atmosphère de quiétude presque glacée. Les solistes échangent des confidences feutrées sur Trust ? dont le fond rythmique plus incisif est bienvenu. L’album se termine avec une version d’Introspection pas vraiment excitante malgré les improvisations inspirées des solistes.
L’album « Beyond Sunday » révèle un univers dont les contours évoquent l’esthétique west-coast. Soignée et délicate la musique captive par les richesse de ses improvisation et un bel équilibre entre les sonorités des solistes.
Pour écouter live le répertoire de « Beyond Sunday » et retrouver Jorge Rossy (vibraphone), Mark Turner (saxophone ténor), Jaume Llombart (guitare), Doug Weiss (contrebasse) et Al Foster (batterie), RV le 12 janvier 2019 à l’Espace Sorano de Vincennes.
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