La chanteuse va de l’avant mais conserve son ADN
Sur son nouvel album « She Moves On », la chanteuse Youn Sun Nah explore plusieurs facettes de la musique nord-américaine. Quatre ans après « Lento » sa voix unique n’a rien perdu de son élégance et de son potentiel émotionnel. Ballades touchantes, mélodies nostalgiques… Youn Sun Nah fait mouche.
Les titres des albums de Youn Sun Nah enregistrés sous le label ACT parlent… En 2009 la chanteuse dit son goût pour le « Voyage ». En 2013 avec « Lento » elle affirme son intérêt pour les ballades. Si en 2011 sur « Same Girl », elle avouait être restée la même, en 2017 sur « She Moves On », Youn Sun Nah explore d’autres contrées et avance mais sa voix n’en demeure pas moins reconnaissable dès la première note.
« She Moves On ». Sur ce nouvel opus, l’univers musical de la chanteuse Youn Sun Nah évolue. Le titre de l’album lui-même annonce la couleur. Elle va de l’avant, elle tourne la page en quelque sorte mais elle n’en renie pas pour autant son esthétique. Son ADN, sa VOIX, demeure. En effet, la chanteuse possède toujours ce pouvoir de captiver l’auditeur. Elle transforme son chant en ondes porteuses de mille éclats qui deviennent autant d’émotions lumineuses.
On a annoncé « Shes Moves On » le nouvel album de Youn Sun Nah et sa prochaine venue sur les scènes de l’hexagone durant le printemps et l’été. Vient maintenant le temps de présenter ce quatrième opus de la chanteuse coréenne chez ACT. Cet album est bienvenu après l’absence de la chanteuse sur les scènes européennes depuis le printemps 2015.
Annoncé pour le 19 mai 2017, l’album « She Moves On » (ACT/PIAS) donne à entendre Youn Sun Nah dans un nouvel environnement musical. La chanteuse explore la musique nord-américaine avec un tout nouveau quartet américain. En premier lieu il convient d’évoquer celui qui est le producteur et l’arrangeur de l’album, le pianiste et claviériste Jamie Saft.
Plutôt connu pour son travail auprès des musiciens de l’avant-garde américaine comme John Zorn, Marc Ribot, Cuong Vu et Chris Speed, Jamie Saft démontre aussi sur ce disque son talent d’accompagnateur. Ses subtiles variations génèrent de sensibles atmosphères qui conviennent tout à fait à l’expression nuancée de la chanteuse. Comme producteur Jamie Saft a veillé à doter l’album d’un son chaleureux et feutré qui évoque les chansons de ces grands compositeurs et/ou interprètes du passé. Rien de vintage pourtant. L’ambiance demeure ancrée dans le XXIème siècle.
Pour avoir accompagné des musiciens aussi différents qu’Ornette Coleman ou Elvis Costello, le contrebassiste Brad Jones est lui aussi l’homme de la situation. Batteur du groupe « The Little Willies », Dan Rieser a participé à plusieurs enregistrements de Norah Jones dont le fameux « Come Away With Me », ce qui laisse penser qu’il a quelque familiarité avec l’accompagnement des voix. On comprend qu’une telle section rythmique soit capable de s’adapter à des contextes très différents qui vont de l’avant-garde à la pop. Leur présence sur l’album contribue pour beaucoup à sa qualité.
Quant au guitariste qui intervient sur cinq titres, on ne pouvait rêver mieux puisqu’il il s’agit du talentueux Marc Ribot dont les interventions toujours aussi brillantes et inspirées contribuent à faire de cinq chansons les moments phares de l’album. On peut aussi noter l’intervention d’un quartet de cordes sur une composition originale qui tente de restituer l’ambiance des années 60. L’enregistrement de « She Moves On » s’est déroulé aux studios Sear Sound de New York, au cœur du quartier de Hell’s Kitchen.
Dans son nouveau répertoire, Youn Sun Nah explore avec talent quelques titres allant du rock à la pop, en passant par le folk, le jazz, sans oublier les musiques traditionnelles auxquelles s’ajoutent trois compositions originales, Traveller qui ouvre l’album, Too Late (où intervient le quatuor de cordes) et Evening Star en final.
Dans des albums précédents, la chanteuse avait déjà revisité des titres de pop, de chanson française (Philippe Sarde), de rock (Metallica, Tom Waits, Nine Inch Nails), des chants traditionnels (coréen et américain) et même un morceau de Scriabine. Sur son nouvel album, Youn Sun Nah explore uniquement des musiques nord-américaines. On retrouve deux chants traditionnels. Black Is The Colour Of My True Love’s Hair (1915) qu’a interprétée Nina Simone et la chanson A Sailor’s Life (18ème siècle) d’après la version arrangée par « Fairport Convention » où chantait Sandy Danny en 1969.
En ce qui concerne les reprises, certaines ont obtenu des triomphes en leur temps comme par exemple Teach The Gifted Chrildren, le fameux titre que Lou Reed a enregistré en 1980 sur « Growing Up in Public ». La tonalité bluesy enjouée donnée par Marc Ribot est accentuée par la sobriété vocale de la chanteuse et par l’accompagnement de la section rythmique qui se calque sur le titre original.
D’autres reprises sont moins connues comme la chanson She Moves On enregistrée en 1990 par Paul Simon sur l’album « The Rhythm of the Saints » où la section rythmique offre une caisse d’écho à la voix de la chanteuse qui, stimulée par la guitare accrocheuse, se fait un peu plus aventureuse. The Dawntreader enregistré en 1968 par Joni Mitchell sur son premier album studio « Song to a Seagul » ne compte pas parmi les titres les plus connus de la chanteuse américaine. La comparaison entre les versions des deux chanteuses demeure à l’avantage de l’originale beaucoup plus sensible, même si l’accompagnement de Jamie Shaft se fait très discret. Sur le seul titre qui émarge quelque peu dans le répertoire jazz, Fools Rushing In de R. Bloom et J. Mercer, l’orchestre contribue à donner un côté lénifiant à cette chanson que même Sinatra n’avait pas pu gommer en 1940.
On a particulièrement apprécié la reprise que Youn Sun Nah fait avec la guitare écorchée de Marc Ribot de Drifting, la ballade dont Jimi Hendrix avait gravé un premier jet mais qui fut publiée avec deux ajouts après sa mort en 1971 sur « The Cry of love » De même on a vibré lorsque Youn Sun Nah prend sa kalimba (piano à pouces) sur le titre traditionnel Black is The Color Of My True Love’s Hair. On a retrouvé les accents de fragilité et de puissance émotionnelle que sait prodiguer la chanteuse. Les notes posées avec parcimonie et sensibilité par la seule contrebasse respectent tout à fait ce climat intime.
A l’écoute de l’album « She Moves On » on oublierait presque que Youn Sun Nah est une improvisatrice émérite. En effet sur cet opus, les effets de l’orchestre sont soignés et la technique vocale de la chanteuse est mise au service d’une esthétique qui restitue avant tout la pureté et les mille nuances de sa voix ductile, souple et puissante. On aurait pourtant apprécié quelques interprétations plus toniques voire même les improvisations débridées auxquelles elle nous avait habituées sur scène. Sans doute cette forme d’expression spontanée et moins formelle convient-elle mieux aux concerts qu’au format discographique.
Un clip rapide pour écouter celle que l’on on a découvert en 2003 durant le Rhino Jazz(s) Festival dans la petite église de Pavezin. Le temps a passé et depuis, Youn Sun Nah a quasiment atteint le statut de diva du jazz.
On attend donc avec impatience d’écouter les scats ébouriffants de Youn Sun Nah lors des concerts à venir sur les scènes françaises, comme par exemple les 25 & 27 mai durant le festival « Jazz sous les pommiers » à Coutances, le dimanche 09 juillet 2017 au Théâtre Antique de Vienne dans le cadre du festival « Jazz à Vienne » ou durant le festival « Jazz à Sète » le 17 juillet prochain.
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