« Mother », états d’âme et rêverie intime de deux complices
L’album « Mother » résulte de la collaboration du pianiste Jacky Terrasson et du trompettiste Stéphane Belmondo. Des quatorze titres se dégage une atmosphère intimiste à la musicalité impressionniste. Le dialogue inspiré de ces deux instrumentistes complices apporte une respiration apaisée propice à la quiétude.
La collaboration de Jacky Terrasson et de Stéphane Belmondo remonte à leurs débuts dans le monde du jazz, il y a près de trente ans. Une époque où ils entretenaient déjà une relation musicale privilégiée. Ils se sont retrouvés il y a six ans pour un concert donné en duo dans le sud-ouest de la France au Festival de Saint-Emilion. Depuis ils ont eu l’occasion de cultiver leur complicité et de donner naissance à un univers qui leur appartient en propre. « Mother » (Impulse!/Universal) dont la sortie est annoncée pour le 02 septembre, est l’aboutissement logique de leurs retrouvailles.
A l’origine, Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo ont enregistré une trentaine de titres au Recall Studios. Après écoute, ils « se sont rendus compte que les ballades sonnaient superbement » explique le pianiste. Ils ont donc pris le parti de conserver les « morceaux les plus lents » pour « Mother ».
« Mother », un album de ballades comme une rêverie nostalgique reflet des états d’âme des deux artistes. Dans cet opus Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo explorent le registre d’une intimité mélancolique. Non dénuée de lyrisme et d’humour, l’atmosphère du disque est teintée d’un romantisme sobre et raffiné.
Le répertoire de « Mother » comprend des compositions originales, Souvenirs de Belmondo et Hand in Hand de Terrasson, des standards du jazz américain, des classiques de la chanson française, une reprise de Stevie Wonder et des interludes.
Au moment de l’enregistrement l’album devait s’intituler « Twin Spirit ». De fait, après que la production de l’album ait été achevé et à la suite de la disparation de la mère de Jacky Terrasson, le disque a été rebaptisé « Mother » d’après le titre de la composition du pianiste figurant au cœur du CD. Ainsi, comme le dit le pianiste, l’album devient un hommage à dédié à sa mère mais aussi « plus largement à toutes les mères et les femmes qui ne peuvent l’être ». L’interprétation du titre éponyme est particulièrement sensible et intense.
L’album ouvre avec First Song, le morceau poignant de Charlie Haden dont les deux musiciens font ressortir la beauté mélancolique. Il se referme avec une interprétation splendide du célèbre Que reste-t-il de nos amours ? de Chauliac et Trenet sorti en 1943.
Du côté de la chanson française on aime une version remarquable de La chanson d’Hélène composée pour le film de Claude Sautet « Les Choses de la vie ». Le thème exposé très sobrement par les deux instrumentistes est harmonisé de belle manière par le pianiste dont le toucher délicat sied à cette interprétation raffinée.
Par son équilibre, le dialogue entre les instrumentistes contribue à la réussite de l’interprétation de Lover man où les deux musiciens croisent et entrecroisent leurs lignes musicales. Sobre mais lyrique. Sans esbroufe, juste la musicalité comme cheval de bataille. Le tissage de You don’t know what love is est de la même veine sensible. On écoute avec bonheur les échanges parfaitement maîtrisés. On se plaît à savourer le toucher minimaliste du pianiste qui n’est pas sans rappeler l’influence des musiques de Debussy, Poulenc, Ravel et Fauré.
On apprécie aussi les « interludes » posés comme des virgules sonores décalées parmi les autres titres. La fantaisie de Pic Saint Loup, nom d’un vin de la région où se trouve le studio d’enregistrement Recall. Les propos interrogatifs de Pompignan, en clin d’oeil à la ville qui a accueilli les musiciens pour l’enregistrement. L’atmosphère désuète mais malicieuse du titre de Stéphane Grappelli, Les Valseuses. La rupture rythmique de Fun Keys où l’on retrouve la frappe percussive et explosive du pianiste, ancien lauréat du prix Thelonious Monk (1993).
La reprise du grand succès de Stevie Wonder, You are the sunshine of my life est une surprise savoureuse. En effet, le morceau est presque méconnaissable. Déconstruit et malaxé, il est reconstruit avec des modifications harmoniques et un parti-pris rythmique qui transfigurent le morceau. On dira à juste titre que les deux interprètes se sont réellement réapproprié la composition pour la faire leur.
Tout au long des plages de l’album, l’accompagnement subtil du pianiste Jacky Terrasson procure une trame de musicalité propice à l’expression des lignes mélodiques très dépouillées que dessine le trompettiste Stéphane Belmondo. La simplicité et la subtilité de leur expression contribuent à créer l’atmosphère feutrée et raffinée qui caractérise l’album « Mother ».
On peut retrouver Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo le 07 septembre 2016 au Festival « Jazz à la Villette » à la Philharmonie de Paris.
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