« Danse », « The Invariant », « Sooner and Later », « Daylight Ghosts »
« Label ECM-Focus4 » continue l’exploration du label ECM et de son identité singulière. En ce début 2017, ECM propose les albums de quatre pianistes aux univers très différents. Colin Vallon, Benedikt Jahnel et Julia Hüllsman, tous en trio et Craig Taborn en quartet.
Premier album de ce « Label ECM-Focus4 », celui du Colin Vallon Trio sorti le 13 janvier 2017, « Danse ». Après « Rruga » (2011) et « Le Vent » (2014) « Danse » est le troisième opus en trio du pianiste Colin Vallon chez ECM où il a aussi participé aux deux albums de la chanteuse Elina Duni, “Matanë Malit” (2012) et « Dallёndyshe » (2012).
Aux côtés du pianiste, le batteur Julian Sartorius déjà présent sur l’album « Le vent » de 2014. Son jeu de batterie foisonne de détails rythmiques précis qu’il dispense avec insistance en soutien aux lignes tout aussi obsédantes de la contrebasse de Patrice Moret, intégré au trio de Colin Vallon depuis 2004. L’entente piano/contrebasse est très forte puisque tous deux participent aussi au quartet de la chanteuse Elena Duni et se retrouvent au sein du groupe « Parallels » du saxophoniste Nicolas Masson.
Imposer son nom dans l’univers surpeuplé des trios piano/basse/batterie n’est pas chose évidente, pourtant le Colin Vallon trio y est parvenu depuis sa création en 1999. Le pianiste ne met pas en avant ses talents de soliste mais esquisse la mélodie puis définit avec ses partenaires un cadre où se libère l’expression collective. Si le pianiste a composé neuf des onze pièces de l’album, le contrebassiste a contribué au répertoire avec Tinguely, une pièce tellurique et étrange.
« Danse » a été enregistré dans le magnifique studio Aditorio Stelio Molo de la RSI à Lugano en live, sans écouteurs ni séparations acoustiques. La musique y gagne en fraîcheur et en authenticité.
« Danse ». Des rythmes doux et insistants qui explorent la dimension du temps. Des passages au calme recueilli et d’autres où la musique déclenche des séismes. Une musique sensible et subtile qui bouleverse les repères.
Deuxième album de ce « Label ECM-Focus4 », l’opus « The Invariant » du pianiste berlinois Benedikt Jahnel Trio sorti le 13 janvier 2017, cinq ans après « Equilibrium ». Constitué du pianiste Benedikt Jahnel, du bassiste espagnol Antonio Miguel et du batteur canadien Owen Howar, le trio célèbre son dixième anniversaire.
Cette constance du trio constitue un « invariant » dans la vie du musicien Benedikt Jahnel et vaut son titre à l’album, « The Invariant ». Dire que le trio pratique la musique tout comme un chercheur résout une équation est tentant. En effet, Benedikt Jahnel est un compositeur prolifique amoureux de la musique et des mathématiques. Il développe des motifs pianistiques sur des textures aux mailles variables dessinées par les dynamiques échanges de la contrebasse et de la batterie.
Further Consequence ouvre l’album et reprend là où le précédent disque « Equilibrium » s’était arrêté en 2012. Ce continuum dans le style témoigne de ce qui caractérise le Benedikt Jahnel Trio. On peut parler d’une continuité qui n’engendre pourtant aucune monotonie. La tendre ballade For the Encore contraste avec Mirrors dont le propos tempéré du piano se voit dynamisé par le son boisé de la contrebasse et avec Part of The Game où le flot de notes du piano déboule en réponse à l’appel d’ouverture que lancent batterie et la contrebasse.
Produit par Manfred Eicher, « The Invariant » a été enregistré en avril 2016 dans l’Oslo’s Rainbow Studio.
« The Invariant ». La dynamique du trio crée une musique soignée et subtile. Les mélodies simples alternent avec des moments de pur lyrisme. D’un morceau à l’autre les climats et les rythmes évoluent. Entre écriture et improvisation, les interactions musicales génèrent un équilibre collectif harmonieux au swing absolu. Un album singulier et attachant.
Ce « Label ECM-Focus4 » présente un troisième trio piano/contrebasse/batterie, celui de la pianiste berlinoise Julia Hülsmann qui collabore avec le label ECM depuis 2008, année où elle enregistre « The End of a Summer » avec ceux qui sont devenus ses partenaires réguliers, le contrebassiste Marc Muellbauer et le batteur Heinrich Köbberling. En 2011 elle grave avec eux « Imprint » puis le trio devient quartet avec le trompettiste/buggliste Tom Arthurs et advient l’album « In Full View », en 2013. Le même quartet accueille le chanteur Theo Bleckmann sur le disque « A Clear Midnight » autour de la musique de Kurt Weill.
Fidèle au label ECM, la pianiste Julia Hülsmann revient au trio avec l’album « Sooner and Later » annoncé pour le 24 février 2017. Cette artiste est une militante acharnée du jazz allemand ce qui lui a valu d’être récompensée du prix d’honneur du WDR (Westdeutscher Rundfunk) pour son action en faveur des musiciens de jazz.
Sur les onze titres de l’album « Sooner and Later » on retrouve la musique du trio dans sa pleine maturité après que le groupe ait conduit sa musique tout autour du monde, de l’Europe à l’Amérique du Nord sans oublier le Pérou et surtout la Chine et l’Asie Centrale. De cette dernière tournée témoigne l’interprétation de Biz Joluktuk. Le groupe a découvert ce morceau interprété par un jeune violoniste du Kirghizistan. La pianiste a ré-harmonisé le morceau et il en ressort une musique libre et suspendue entre son et silence.
Écrit par Hülsmann, le thème Thatpujai rend hommage à la pianiste de jazz Jutta Hipp dont il est l’anagramme. J.J., Soon et Der Mond jouent avec le rythme et les syncopes. Le piano rebondit sur les passerelles tendues par la batterie féline et la contrebasse sérieuse. L’oreille s’amuse de ces jeux rythmiques. Encore une fois, tous les membres de l’album ont contribué aux compositions. Comme Mehldau et bien d’autres musiciens de jazz, le Julia Hülsmann trio succombe à la musique du groupe britannique « Radiohead » dont il reprend avec inspiration le fameux All I Need.
Produit par Manfred Eicher, « Sooner and Later » a été enregistré en septembre 2016 dans le fameux Oslo’s Rainbow Studio. Toujours présent et attentif, le producteur du label ECM prodigue ses conseils tout en respectant le libre-arbitre des musiciens.
« Sooner and Later ». Une musique souple et dansante qui coule avec limpidité. Des atmosphères multiformes qui ne cessent de surprendre.Tempo étiré et césures rythmiques étonnantes. Le trio joue en équilibre avec le rythme, élément majeur du style de ce trio qui sait intégrer le silence à son discours.
C’est avec le quartet du pianiste/claviériste américain Craig Taborn que se termine ce « Label ECM-Focus4 ». Après le disque solo « Avenging Angel » paru en 2011 et « Chants » enregistré en trio et publié en 2013 chez ECM, le pianiste revient en leader pour son troisième album à la tête d’un quartet avec « Daylight Ghosts » attendu le 24 février 2017. On ne compte plus ses autres participations comme sideman aux côtés des musiciens phare du label ECM comme Roscoe Mitchell, Tim Berne, Chris Potter et Michael Formanek.
Craig Taborn réunit autour de lui, Chris Speed (saxophone ténor et clarinette), Chris Lightcap (contrebasse et basse électrique) et Dave King (batterie et batterie électronique) membre éminent du groupe « Bad Plus ».
La palette sonore des instruments est constitutive du climat singulier de l’album. La construction des morceaux surprend et séduit à la fois. Des fragments de mélodie entrent en collision avec des riffs ostinato développés sans fin comme des lignes de basse intranquilles. Entre électrique et acoustique les motifs s’assemblent et le mystère s’éclaircit au fur et à mesure du disque.
Riche de ses propres influences, chaque musicien contribue à colorer les plages de climats qui empruntent autant au rock qu’à la musique électronique. Sans omettre le clin d’oeil appuyé à ce jazz où la musique se fonde et se soude à partir de l’improvisation collective.
Des moments de grande quiétude peuplent The Great Silence et Subtle Living Equations. La clarinette éthérée de Chris Spedd apporte une lumineuse fragilité à la reprise de Jamaïcan Farewell du saxophoniste Roscoe Mitchell.
« Daylight Ghosts » a été enregistré aux Avatar Studios de New York City’s en présence du producteur Manfred Eicher.
Le disque dégage une énergie hypnotique intense et des ambiances spectrales alternatives. La technicité et la virtuosité des musiciens contribuent à la richesse sonore de l’album dont les climats troublants tiennent autant à la dimension collective qu’aux performances brillantes des solistes.
On explore très bientôt d’autres enregistrements du Label ECM dans un futur billet « Label ECM-Focus5 ».
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